Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

les églises et les monastères '. Et comment eussent-ils agi de la sorte s'ils avaient cru sérieusement à un évènement qui fût venu confondre bientôt dans une même ruine les héritages et les successeurs? Comment lirions-nous encore autant de transactions, d'achats et de ventes, d'échanges et d'arrangements de toute espèce entre gens que la mort allait infailliblement saisir, et toutes ces écritures enfin portant l'empreinte et jusqu'à la date des années qui précèdent de plus près la plus redoutée de toutes, jusqu'à l'an 1005, après lequel la plus obstinée crédulité n'avait plus rien à craindre?

Néanmoins la recrudescence architecturale de cette époque est incontestable. Les contemporains en font foi et le bénédictin Radulphe Glaber, dont la chronique finit à l'année 1046, établit qu'à la fin de 1003, la France et l'Italie brillèrent entre toutes les nations par une sainte ardeur à relever les édifices chrétiens 2. Mais ce n'est pas à dire que des

[ocr errors]

Interim dum orbita sæculi volvitur et fabrica unius cujusque corporis anhelitu spiritus aspirat, tractare debet mens ejusdem corporis qualiter ærumnas hujus sæculi possit evadere, et bonis futuri sæculi non carere. Idcirco ego... pro anima mea metuens articulum mortis, et casus humanæ fragilitatis, etc..... >> Tel est presque toujours, ou en termes équivalents, le style qui signale le commencement des actes publics de ce temps. Celui-ci est de 993, et l'on n'eût pas manqué d'y parler de la fin du monde, si la préoccupation en avait été aussi générale qu'on le prétend. (Apud Besly, Hist. des comtes de Poitou).

94

* Igitur infra supradictum millesimum, tertio jam fore imminente anno, contigit in universo pene terrarum orbe, præcipue tamen in Italia et in Galliis, immorari ecclesiarum basilicas, licet pleræque, decenter locatæ minime indiguissent. Æmulabatur tamen quoque gens christicolarum adversus alteram decentiore frui. Erat enim instar ac si mundus excutiendo semet, rejecta vetustate, passim candidam ecclesiarum vestem induceret. Tunc denique episcopalium sedium Ecclesias pene universas, ac cætera quæque diversorum sanctorum monasteria, seu minora villarum oratoria quique permutavere fideles (Glabri Radulphi Historiæ, lib. 11, c. iv. -Apud Histor. Francorum, in-fol., Francofurti, 1596, p. 27.

préoccupations antérieures auraient paralysé le zèle qui reparut tout-à-coup. Ces timidités inconciliables avec les assertions historiques citées plus haut venaient bien plus, comme nous l'avons dit, des malheurs accumulés sur les populations de l'Europe occidentale que de l'attente certaine d'un cataclysme général, attente que Glaber ne mentionne même pas. Mais quand l'avènement des Capétiens a terminé tant de querelles sanglantes, lorsque la plupart des nations du Nord arrivent à la lumière pacifique du Christianisme ', que l'Italie renaît par la docte et paternelle influence de la papauté sous Sylvestre II, Jean XVI, et Sergius IV 2; lorsqu'enfin la France voit avec admiration la piété du roi Robert s'intéresser aux choses de la liturgie, et honorer d'une égale attention tout ce qui se rapporte au culte de Dieu et de ses Saints, on conçoit qu'à l'abri de cette paix qui renaît partout, l'élan put être donné à une grande régénération monumentale, et comment de toutes parts les peuples rivalisèrent d'y contribuer; car nous n'étions pas les seuls à travailler ainsi. Guillaume de Malmesbury, se complait vers ce même temps dans une longue liste des églises bâties sous ses yeux en Angleterre et en Normandie 3. Il en était ainsi partout ailleurs, comme le constate le moindre examen des nombreux édifices romans qui nous restent. Combien se sont donc trompés quelques observateurs qui, sans crainte de contredire toutes les chroniques locales, ont avancé hardi

Il faut reporter à ce temps la conversion des Normands, des Hongrois, des Islandais, des Suédois, des Danois, des Norvégiens, des Polonais.

2 DUCHENE, Hist. des Papes, p. 941, in-4o, Paris, 1615.

* In diebus illis maxima pacis tranquillitas fovebat habitantes in Normannia, et servi Dei a cunctis habebantur in summa reverentia; unusquisque optimatum certabat in prædio suo Ecclesias ædificare, et monachos qui pro se Deum orarent rebus suis locupletare (Willelmus, de Rebus gestis regum Anglor, lib. vii, c. 22).

ment de si merveilleuses histoires sur l'anéantissement de l'architecture religieuse au Xe siècle... Il est clair que des écrivains aussi explicites que ceux du XIe n'ont pas voulu parler au hasard, et doivent être les guides naturels des historiens à venir.

Une autre cause de la régénération artistique de cette époque se dévoile encore. Durant les guerres des Normands, si funestes aux choses sacrées, les monastères et les églises s'étaient fait un devoir de transporter au loin les riches et nombreuses reliques qu'ils possédaient. Beaucoup d'entre elles étaient restées ensuite dans les lieux qui les avaient reçues; d'autres s'étaient effacées du souvenir des hommes après la ruine des lieux saints et la mort souvent violente de ceux qui les avaient confiées ou accueillies. Quand le temps parut favorable, on les réclama, et il fallut de nouvelles églises pour leur rendre une hospitalité digne d'elles; il fallut d'autres monastères pour grouper autour d'elles de fervents disciples de tant de Saints reconquis. C'est ce que Glaber assure encore'. Parmi les princes, le religieux fils de Hugues-Capet entra pour des efforts et des sommes considérables dans ce soin des reconstructions nationales. C'était à ses propres yeux une sorte de seconde vocation attachée à celle de sa royauté, et un de ses annalistes, témoin de son activité merveilleuse, se plait à en énumérer les fruits dans une page toute pleine des noms de nos plus célèbres établissements 2. Le même entraînement se manifesta de

Innovatis ecclesiarum basilicis universo mundo subsequenti tempore, id est anno octavo infra prædictum millesimum humani salvatoris annum, revelata sunt diversorum argumentorum indiciis, quorsum diu latuerant plurimorum sanctorum pignora. Nam velati quoddam resurrectionis decoramen præstolantes Dei nutu fidelium oblatibus patuere (Glabri Radulphi, ubi sup., c. 6). Helgaudi, Epitome vitæ Roberti, Bibliotheca Pithæi, p. 77.

2

toutes parts. On refit le plus grand nombre des cathédrales; les abbayes, les prieurés, les simples paroisses des campagnes furent à l'envi réédifiés; et ce qu'il y a de plus curieux, c'est que pour en venir là, il ne fallut pas même que ces édifices eussent besoin de réparation ou d'agrandissement. Les chroniques affirment que beaucoup d'entre eux ne durent leur reconstruction qu'à la pensée alors dominante d'embellir la maison de Dieu. Or, en quoi consistèrent principalement ces améliorations universellement enviées, sinon en ce que les édifices sacrés devinrent plus vastes et furent maçonnés non plus en mélange de bois et de moellons, comme auparavant, mais en fortes murailles composées d'un épais blocage de pierres et de ciment, que revêtit de tous côtés un appareil uniforme et régulier, comme nous l'avons encore dans la plupart de nos vieilles églises. Ce genre nouveau, signalé alors comme une conquête de l'architecture religieuse, et qui devait être emprunté aux forteresses de la féodalité, attestait par la noble et imposante fermeté de son style les grandes et immortelles pensées de ces peuples chrétiens, rendus par l'expulsion des barbares et le retour de la paix à leurs plus solides espérances. N'était-ce pas là encore un symbole de l'inébranlable force de la foi?

Une telle émulation se prolongea bien au-delà du règne de Robert, qui en avait donné l'exemple, et prépara ce beau XIIe siècle, où les plus suaves fleurs de l'architecture chrétienne s'épanouirent sur les collines et dans les vallées de l'Occident.

L'ABBÉ AUBER,

Chanoine de l'église de Poitiers, H.stor.og aplie du diocèse.

« ZurückWeiter »