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ou dixièmes d'action'. La compagnie avait obtenu ou plutôt surpris le droit de faire seule des loteries; mais elle se vit bientôt enlever ce privilége exclusif et trouva une rivale redoutable dans la loterie des Communautés religieuses, instituée par un arrêt du conseil d'État, du 11 octobre 1727.

Paris de Montmartel, banquier de la cour, avait de fortes créances dont l'État ne pouvait point s'acquitter. Le Roi, pour éteindre ces dettes, lui octroya le privilége d'une loterie, en 1747. Des spéculateurs s'empressèrent d'accaparer les billets; mais ils furent promptement déçus de leurs espérances, et la hausse qu'ils rêvaient se traduisit en baisse 2.

Le triste sort des enfants-trouvés préoccupa à juste titre le gouvernement de Louis XV. Un hôpital avait été bâti pour eux, à Paris, sous le règne précédent; mais les ressources de cet établissement étaient insuffisantes, et c'est pour lui venir en aide que le conseil d'État lui accorda une loterie perpétuelle.

Un privilége de même nature fit ériger l'église de SainteGéneviève (Panthéon). L'ancien édifice menaçait ruine, quand les chanoines réguliers s'adressèrent, en 1755, à M. de Marigni, surintendant des finances et des bâtiments, pour solliciter la reconstruction de leur église; mais hélas ! le trésor était vide. On imagina alors d'augmenter de 4 sols les billets de 20 sols des trois grandes loteries de charité qui se tiraient à cette époque, celles de Saint-Sulpice, des Communautés religieuses et des Enfants-trouvés. Cette taxe supplémentaire produisait environ 400,000 francs par an; c'est à elle que nous devons le chef-d'œuvre de Souflot 3.

1 SAVARY, Dict. du Commerce, tome 1, page 191.

73.

GAUTHEY, Dissertation

9 BARBIER, Journal historique du règne de Louis XV, t. ш, р. 3 Arrêt du conseil d'État du 6 décembre 1755. sur le dôme du Panthéon, p. 8.

Ce fut assurément aussi une noble pensée que de créer pour trente années une semblable institution, destinée à construire une école militaire, où seraient gratuitement instruits dans l'art des armes, des jeunes gens dont la fortune ne répondait pas à la naissance. Tout en approuvant l'intention, on ne peut que blâmer le mode d'exécution qui fut adopté, lorsqu'on voit s'introduire à cette occasion un système financier trop habilement basé sur le calcul des probabilités. On a prétendu à tort' que la loterie de l'École militaire avait été imaginée par Benedetto Gentile, car cet inventif sénateur était mort depuis un siècle; mais elle fut conçue sur le modèle de la loterie gouvernementale de Gênes, que Gentile avait organisée en 1610. Elle n'en différait qu'en ce que les chances de gain étaient plus favorables aux joueurs. Ce n'était plus le système des deux roues où il y avait autant de billets blancs ou noirs qu'il y avait d'actionnaires, où un seul numéro ne pouvait faire qu'un heureux, où enfin les chances étaient combinées de manière à ce que le propriétaire de la loterie ne pût prélever qu'un bénéfice de 10 à 15 pour cent. Quatre vingt-dix boules portant un numéro, auquel était annexé le nom d'un Saint, étaient jetées dans une roue de fortune; un jeune aveugle en retirait cinq. Si le contribuable volontaire avait déposé une mise quelconque sur l'un des numéros sortant, il gagnait l'extrait, c'est-à-dire quinze fois sa mise. L'ambe ou la mise sur deux des numéros sortant gagnait 270 pour un. Le terne ou assemblage de trois numéros choisis rapportait 5,200 fois la mise. Cette administration ne tenait pas compte du quaterne et du quine, comme le fit plus tard celle de 1776. Le taux des mises était fixé de 12 sous à 6,000 livres. Le premier tirage se fit à l'Arse

1 CHERUEL, Dict. des Institutions de la France, 1855, au mot Loterie.

nal, le 18 avril 1758, en présence des membres du conseil de l'École royale. C'est à partir de ce moment que la fièvre du jeu s'empara du peuple; elle était impudemment exploitée par des escrocs qui, prétendant avoir dérobé au sort le secret de ses arrêts futurs, vendaient des combinaisons toutes faites, et, moyennant un écu, renonçaient pour eux-mêmes à la certitude de gagner cent mille livres '.

A côté de cette immense entreprise, qui rapportait environ deux millions par an, surgissaient sans cesse de nouvelles loteries de charité, conservant les modernes allures de l'antique blanque. Telles furent celles qui construisirent ou réparèrent à Paris les églises de Saint-Louis, de Saint-Roch, et des filles Saint-Thomas; telle fut encore la loterie de Piété établie en 1762, et celle qui vint en aide, vingt-six ans plus tard, aux cultivateurs dont les champs avaient été ravagés par la grêle 2.

La province continuait de rivaliser de genérosité avec Paris. Les Carmes de la ville d'Amiens reconstruisirent leur église en 1715 au moyen d'une loterie 3. En 1778, on tirait à Gontaut, près de Roquefort, une loterie qui avait pour objet de doter cinq jeunes filles pauvres et honnêtes. C'était un anonyme qui en faisait entièrement les frais; on déposa dans l'urne les noms des dix jeunes filles les plus sages du can ton. Aux cinq premiers noms sortis furent dévolues des dots; les cinq autres, dit la Gazette de France de cette époque *,

Essai sur les combinaisons de la loterie de l'École royale militaire. Paris, 1771, pages 1, 4, 7, 10, 17. Plan de la loterie de l'École militaire reproduit dans le tome 1, p. 64, du Dictionnaire de Police de DES ESSARTS. 2 Arrêt du 26 juillet 1788.

3 Collection des Manuscrits de PAGÈS et MACHART, à la Bibliothèque d'Amiens, tome VII, page 581.

Gazette de France du 17 nov. 1777.

eurent des regrets. Le journal veut-il parler des regrets qu'eurent les jeunes filles de ne pas être dotées? L'anonyme aurait pu les leur épargner, en soumettant son choix au discernement et non pas à l'aveugle arbître du sort. Veut-il parler des regrets que conçut le bienfaiteur inconnu, en laissant cinq jeunes filles sans dot? c'est un chagrin qu'il aurait pu s'éviter, en puisant plus largement dans sa bourse '.

Les blanques commerciales, organisées pendant les foires, continuaient d'être traquées par la police qui en suspectait à bon droit la probité. Le 30 juin 1755, une sentence de l'échevinage d'Amiens condamne à 50 livres d'amende quatre marchands de cette ville qui, quelques jours auparavant, avaient profité de la foire de la Saint-Jean, pour mettre en loterie, dans des baraques de la rue Beaupuits, des parasols, des bas de soie, des dés d'or, etc. A cette occasion, le lieutenant-général de police intima défense « à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles soient, de faire aucune loterie, à peine de mille livres d'amende et de confiscation, tant de l'argent que des marchandises et hardes, destinées aux dites loteries, et autres choses qui devront composer les lots, même de plus grande peine, s'il y échoit2. »

L'administration des loteries avait fait de grands progrès dans le cours du XVIIIe siècle. Des bureaux avaient été organisés dans tous les quartiers de Paris. Soixante agents portant une plaque de cuivre avec cette inscription: Colporteurs de billet, parcouraient les rues de sept heures du matin

Une loterie ayant pour but de doter des filles pauvres, eut lieu l'année suivante à Perpignan. Le tirage fut précédé d'une messe du Saint-Esprit. Voyez la Gazette de France du 9 nov. 1778.

Sentence des lieutenant-général de police, maire et échevins de la ville d'Amiens, 1755, in-4o, dans le Recueil de pièces 3793, tome 1, de la Bibliothèque communale d'Amiens.

à sept heures du soir . Ils prélevaient environ deux liards pour chaque souscription, indemnité qui paraîtrait bien maigre à nos modernes agences de placement. A l'exception de l'École royale militaire, toutes les autres loteries françaises avaient conservé l'ancien système des blanques. On faisait inscrire parfois son nom, mais plus ordinairement un chiffre ou une devise empruntée à l'Écriture sainte, aux anciens philosophes, à quelque ouvrage en vogue, aux sentiments patriotiques et même aux enseignes des rues. Au tirage de Saint-Sulpice, en décembre 1740, on voit figurer les inscriptions suivantes sur les billets gagnants: Spiritus sancte Deus. -In cruce Domini gloriabor.-A la Sainte-Vierge.-Société de l'aimable Madame.-Vive Louis XV.-Vive Monsieur le Curé2.

Le mode de tirage, fut très-simplifié par la suppression des billets entièrement blancs. Ceux des lots étaient mis dans une petite roue garnie de glaces. Dans une beaucoup plus grande roue étaient contenus les billets portant devise et numéro. Après les avoir agitées toutes deux à l'aide d'une manivelle, on ouvrait la grande roue d'où un enfant extrayait une devise, dont on proclamait le numéro. Un autre enfant tirait de la petite roue un billet de lot, et ce lot était dévolu au possesseur du billet qu'on avait tiré immédiatement auparavant. S'il y avait cent lots, on renouvelait cent fois cette opération; alors la petite roue était vide et le tirage terminé 3. On avait d'autant plus soin de vérifier les numéros gagnants, que l'appât du lucre fit parfois contrefaire des billets, malgré les peines du carcan, de la marque et des galères qu'encouraient les falsificateurs *.

'Ordonnance de police du 30 oct. 1748. 'COUDRETTE, op. cit. p. 91.

3 SAVARY, Dict. du Commerce, au mot Loterie. DES ESSARTS, Dict. de Police, au mot Loterie.

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