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François-Marie Arouet (qui devait prendre plus tard et illustrer le nom de Voltaire), naquit au village de Chatenay, près de Paris, le 20 février 1694. Il était si faible en venant au monde, que la cérémonie de son baptême dut être retardée jusqu'au 22 novembre. Cette cérémonie eut lieu à Paris, dans l'église de SaintAndré des Arts.

Dès l'enfance, créature charmante, il enchanta tous ceux qui le connurent, jusqu'à ses régents du collége Louis le Grand, jusqu'au jésuite Brumoi, jusqu'au père Tournemine. Le père Porée, qui était un bonhomme, quoique jésuite, et que Voltaire aima toute sa vie, sentit bien que par son esprit il jouerait un

grand rôle. Le père Lejay prophétisa qu'il étonnerait son siècle.

Au collége, le jeune Arouet se faisait remarquer déjà par ses questions hardies et par son aimable facilité. Il semblait qu'il eût été doué de toutes les grâces:

Apollon présidait au jour qui m'a vu naître,

Au sortir du berceau j'ai bégayé des vers.

On admirait sa figure à la fois inspirée et maligne, ses beaux yeux, son front étincelant; avec cela, un irrésistible sourire. Il tenait ces agréments, disait-on, de sa mère. Son père, M. Arouet, trésorier à la chambre des comptes et notaire à Paris, n'était occupé que des devoirs de sa charge. Celui de ses fils qui, dès son enfance, attirait ainsi l'attention, avait eu pour parrain un abbé, M. de Châteauneuf, abbé mondain, comme on en voyait tant alors. Mais celui-ci avait de l'esprit et de l'enjouement; le prince de Conti, le grand prieur de Vendôme, le duc de Sully, le marquis de la Fare, étaient de ses amis. L'abbé fut le premier guide du jeune poëte, encouragea son talent, lui donna des éloges qui l'enivraient sans troubler son bon sens. On a conservé des vers qu'à l'âge de douze ans, sur les conseils de son parrain, il adressait pour un pauvre invalide à Monseigneur, Fils unique de Louis XIV.

L'abbé de Châteauneuf l'introduisit chez ses amis, évêques, poëtes, fermiers généraux, ducs, comtes, marquis, belles dames. Mademoiselle de l'Enclos, qui avait été, à l'âge de soixante-dix ans, la maîtresse de l'abbé, voulut à quatre-vingt-cinq embrasser le jeune poëte. Elle fut ravie de son esprit, retrouva

ses beaux jours, parla avec animation du grand siècle, en fit revivre dans sa conversation tous les hommes illustres, et sa joie fut si grande d'espérer après elle un rénovateur de la poésie française, qu'elle lui légua par son testament une somme de 2,000 livres destinée à acheter une bibliothèque.

Celui-ci, de son côté, quoiqu'il n'eut que treize ans, ne put oublier cette entrevue avec cette femme unique; jusque dans ses dernières années il se la rappelait avec charme.

Cette manière de vivre, ces fréquentations avec le beau monde, ce goût pour l'étude et les vers déplurent à son père. Les succès, les applaudissements le touchèrent peu, il ne voulait entendre qu'au notariat: il fallut que son fils fut clerc de procureur. Les belles paroles de celui-ci, les explications respectueuses n'y firent rien; il en résulta quelque trouble dans la famille, et Arouet fils dut quitter la maison paternelle. Heureusement le parrain lui trouva un refuge dans sa propre famille, et l'envoya passer quelque temps en Hollande, à la Haye, chez le marquis de Châteauneuf.

Il y avait alors à la Haye une Française, madame du Noyer, protestante réfugiée avec ses filles, aventurière, trafiquant d'intrigues, de libelles, de brocantages littéraires; mais une de ses filles était charmante, naïve et s'appelait Pimpette. Le jeune homme la vit, obtint sa confiance : elle lui avoua son chagrin de vivre dans le triste entourage où la tenait sa mère. Voltaire avait dix-huit ans, le voilà amoureux, le voilà résolu d'enlever la chère Pimpette à la dangereuse influence

t

de sa propre famille. Malheureusement la mère découvre tout; elle s'en va trouver l'ambassadeur de France, lui conte ce scandale, et aussitôt monsieur l'ambassadeur envoie l'ordre au jeune homme de ne plus aimer mademoiselle du Noyer, ou de quitter la Hollande. Au reçu de cet ordre, Arouet sent son amour augmenté; il ne pouvait plus voir Pimpette; ils s'écrivirent; les lettres furent interceptées par la mère. Qu'en fit-elle ! Elle les fit imprimer, les mit en vente. Qu'on juge du dépit de Voltaire ! Il s'était vu, pour des chansons, éloigné de la maison paternelle, le voilà maintenant renvoyé de Hollande pour avoir adressé à une demoiselle quelques lettres en prose.

Il ne manquait à sa réputation naissante qu'une aventure romanesque, elle lui fut donnée par cette impertinence de madame du Noyer.

Et voilà de quelle manière Voltaire eut l'honneur de se voir imprimé pour la première fois. Son premier livre eût pu s'intituler: Correspondance avec Pimpette.

II

Ce petit scandale rendit le jeune poëte plus digne d'attention, au milieu de la licence universelle; car on était alors au temps de la Régence, temps curieux, unique dans l'histoire noblesse, parlement, royauté et clergé lui-même se détendaient, dans la folie et

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