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quer cette augmentation de poids que par l'absorption d'un autre corps... Il semble que de là il n'y eût pas loin à la découverte de l'oxygène ; cette découverte était d'autant moins éloignée que Voltaire fut un des premiers à prétendre que l'air était un gaz composé.

Une de ses plus singulières erreurs fut son refus persistant à croire à l'existence de coquillages fossiles. sur les plus hautes montagnes, erreur d'autant plus étrange que l'un des premiers, avant Elie de Beaumont, il affirma que « ce sont les vapeurs qui font les éruptians des volcans, les tremblements de terre, qui élèvent le Monte-Nuovo, qui font sortir l'île de Santorin du fond de la Mer Egée. »>

Lord Brougham a écrit sur Voltaire et Rousseau un livre qu'on peut trouver en bien des points risiblement anglais, mais le noble écrivain n'en montre pas moins autant de raison que d'équité, lorsqu'il rapporte qu'une académie ayant proposé, pour sujet de prix, une dissertation sur la nature du feu, Voltaire prit part au concours : l'auteur de Zaïre n'obtint qu'une mention honorable, et le prix fut remporté par Euler. « On conviendra, dit lord Brougham, qu'il n'y avait point de honte à se voir vaincu par un pareil rival. Toutefois, il s'en faut que le discours de Voltaire soit d'un mérite ordinaire : il y développe des vues nouvelles et hardies, et raconte des expériences qui, s'il les eût poursuivies avec plus de persévérance, auraient probablement placé son nom parmi ceux des plus grands novateurs de son siècle. Impossible de rencontrer une hypothèse plus heureuse que celle qu'il

émet sur le poids acquis par les métaux, lorsqu'on les soumet à une température très-élevée.

<< Les expériences qu'il fit sur le calorique des fluides mélangés, et qui se trouvent être de température différente avant leur mélange, le conduisirent à remarquer la différence de température existant après le mélange, et celle que l'on aurait pu obtenir en additionnant les températures séparées des corps avant le mélange. Ajouterons-nous maintenant que cette suite d'expériences et d'observations fut celle-là même qui, vingt-cinq ans plus tard, conduisit Black à sa fameuse découverte du calorique latent? »

Aujourd'hui que la plupart des hypothèses de Voltaire on été confirmées par l'expérience, qui sait si sa dissertation n'emporterait pas le prix sur celle d'Euler?

Voltaire et Rousseau ont eu sur la société moderne une influence immense. Le monde a vécu soixante ans de leur parole, comme le moyen âge avait vécu des Pères de l'Eglise. Leurs adversaires étaient eux-mêmes, sans le savoir, animés de leur souffle; tous subissaient cette action mystérieuse. Mais Voltaire a, peu à peu, prévalu; son esprit pratique, précis, clair, lumineux, scientifique, humain, l'emporte aujourd'hui sur les sentimentalités vagues, paradoxales et maladives de Jean-Jacques. Voltaire, Diderot, d'Alembert, Buffon restent les vrais maîtres de l'esprit français.

Un demi-siècle après la mort de Voltaire, le moins enthousiaste des hommes, le vieux prince de Talleyrand, ne parlait jamais sans émotion d'une visite qu'il

avait faite à Voltaire dans sa jeunesse. Il ne croyait plus à rien, mais il croyait encore au défenseur de Calas « Si Ferney, disait-il, n'avait pas été rendu à la France, je n'aurais jamais signé le traité de

Vienne. »

La plupart des historiens de Voltaire et de JeanJacques ont cru devoir faire un parallèle de leurs œuvres et de leurs personnes. Tâche difficile ! car on sait à peine quel point de comparaison trouver entre ces deux hommes, si différents en tout. Pour mettre en saillie cette différence, il n'est nullement nécessaire de les suivre dans tous les détails de leur longue existence. Un seul trait les fera connaître; mais nous devons pour Voltaire rétrograder un peu.

A la mort du vieux roi de Prusse, Frédéric-Guillaume, nous l'avons vu, Frédéric II annonce de sa propre main à Voltaire son avénement au trône. Le rusé monarque paraît humble avec le philosophe; mais la vérité, c'est qu'il voudrait bien séduire un peu le chantre de Henri IV et aussi ne pas trop s'exposer aux épigrammes du plus malin des hommes. Il tremble que son germanisme, que le peu d'importance qu'avait alors la Prusse ne soient pour l'auteur de Zaïre des objets de risée. On voit dans sa lettre que son nom même de Frédéric l'effraye. Un tel nom en France ne paraîtra-t-il pas bien barbare? Il l'adoucit autant qu'il peut et signe Fédéric; mais il reste toujours à ce nom sa terminaison fâcheuse. Hélas! s'il accomplit de grandes actions, s'il devient, comme il l'espère, un héros, ce vilain nom ne nuira-t-il pas à sa gloire?

Pourra-t-on noblement rimer en ic? La vanité du rọi philosophe et poëte apparaissait là tout entière; Voltaire en sourit, prit la plume et répondit en vers: son épître se terminait, pour rassurer le futur héros, par une prosopopée à la fois plaisante et solennelle, où il se fait un jeu de la rime tant redoutée :

Conservez, ô mes dieux! l'aimable Frédéric,

Pour son bonheur, pour moi, pour le bien du public!
Vivez, prince, et passez dans la paix, dans la guerre,
Surtout dans les plaisirs, tous les ics de la terre,
Theodoric, Ulric, Genséric, Alaric,

Dont aucun ne vous vaut, selon mon pronostic.

Avec autant de bonhomie que d'habileté de langage, c'était, sans blesser le monarque, reconnaître que l'on avait découvert son côté faible, et très-adroitement l'avertir que son nom en ic pouvait devenir, selon l'événement, ridicule ou glorieux.

Frédéric, plus tard, lors de sa brouille avec Voltaire, voulant s'assurer l'amitié de Jean-Jacques, lui écrivit, comme il avait fait au premier, lui offrant un asile dans ses Etats. Rousseau répondit :

« Vous voulez me donner du pain : n'y a-t-il aucun de vos sujets qui en manque? Otez de devant mes yeux cette épée qui m'éblouit et me blesse; elle n'a que trop fait son devoir, et le sceptre est abandonné. La carrière est grande pour les rois de votre étoffe, et vous êtes encore loin du terme; cependant le temps presse, et il ne vous reste pas un moment à perdre pour aller au but. — Puissé-je voir Frédéric, le juste et le redouté, couvrir ses Etats d'un peuple nombreux

dont il soit le père! et Jean-Jacques Rousseau, l'ennemi des rois, ira mourir au pied de son trône. »

Ce qui apparaît clairement dans cette réponse du philosophe, c'est le désir chez son auteur de se montrer un grand homme. Rousseau se pose en héros de Plutarque, prend les attitudes de la statuaire antique, étudie et joue comme sur un théâtre. Il affaiblit ainsi lui-même la sincérité de son rôle. Voltaire, quoique infiniment rusé, est plus simple, parce qu'en toute chose il s'oublie lui-même, ne pensant qu'à la cause pour laquelle il est toute sa vie en vedette.

Mais ce qui nous met à même de les apprécier mieux l'un et l'autre, c'est, après l'examen de leurs œuvres, le récit de quelques épisodes de leur vie.

XLV

Si Voltaire, dans une existence royale, put se croire et se dire quelquefois le plus heureux des hommes, Jean-Jacques eut aussi, dans sa pauvreté, des heures enchantées. Il ne sut pas trouver seulement le bonheur dans la pauvreté, il sut y trouver la gloire; il sut y trouver la puissance. Les princes et les rois s'inquiétaient des pensées de ce pauvre.

Mais écoutons-le raconter quelques-unes de ses promenades à pied dans la campagne avec sa femme :

<«< Un dimanche nous étions allés, ma femme et moi, dîner à la Porte-Maillot; après le dîner, nous traver

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