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Il avait dédié sa dernière tragédie (Zulime) à mademoiselle Clairon: il dédia le Fanatisme, ou Mahomet le prophète, au pape Benoît XIV. Qu'on juge de l'étonnement du public lorsqu'on vit la pièce de Voltaire imprimée avec une dédicace AU PAPE; et qu'on se figure, s'il est possible, la consternation des dévots et des sots, en voyant cette dédicace accompagnée de la réponse suivante :

RÉPONSE DU SOUVERAIN PONTIFE BENOÎT XIV
A M. DE VOLTAIRE.

Benedictus P. P. XIV dilecto filio salutem et apostolicam
benedictionem.

<< Settimane sono ci fu presentato da sua parte la sua bellis<< sima tragedia di Mahomet, la quale leggemmo con sommo << piacere.....

« ....

Monsignor Leprotti ci diede poscia il distico fatto da lei << sotto il nostro ritratto; jeri mattina il cardinale Valenti ci << presentò la di lei lettera del 17 agosto. In questa serie d'az<<zioni si contengono molti capi, per ciascheduno de' quali ci << reconosciamo in obbligo di ringraziarla. Noi gli uniamo tutti << assieme, e rendiamo a lei le dovute grazie per cosi singolare << bontà verso di noi, assicurandola che habiamo tutta la dovuta « stima del suo tanto applaudito merito (1). »

Ici Benoît XIV raconte un petit débat littéraire survenu entre un Français et lui, au sujet du distique

(1) Traduction. - « Il y a quelques semaines qu'on me présenta de votre part votre admirable tragédie de Mahomet, que j'ai lue avec un très-grand plaisir...

..... « M. Leprotti m'a communiqué votre distique pour mon portrait; et le cardinal Valenti me remit hier votre lettre du 17 d'août. Chacune de ces marques de bonté mériterait un remercîment particulier; mais vous voudrez bien que j'unisse ces différentes attentions pour vous en rendre des actions de grâces générales. Vous ne devez pas douter de l'estime singulière que m'inspire un mérite aussi reconnu que le vôtre. »>

latin dont il vient de parler, et dans lequel ce Français prétendait voir une faute de prosodie. Rispondemmo che sbagliava: « Nous lui répondîmes qu'il était dans l'erreur, » dit le pape; puis il ajoute :

« Benchè la causa sia propria della sua persona, abbiamo << tanta buona idea della sua sincerità e probità che faciamo la << stessa giudice sopra il punto della ragione a chi assista, se a « noi o al suo oppositore; ed in tanto restiamo col dare a lei «<l'apostolica benedizione... (1). »

On ne peut en terminant ce chapitre que recommander au lecteur de se rapporter au Mahomet de Voltaire, à ce Tartuffe grandiose, à cette œuvre étrange applaudie par le pape, par les prélats, par les ministres, en même temps que par les philosophes et par tout le public.

XX

Dans ces entrefaites, le vieux tyran de Prusse, Frédéric-Guillaume, était mort, et son fils, le prince philosophe, lui avait succédé sous le nom de Frédéric II. Il en écrivit lui-même la nouvelle à Voltaire, dans une lettre de sa propre main, commençant par ces mots: Mon cher ami....

(1) Traduction. -« Quoique vous soyez partie intéressée dans ce différend, nous avons une si haute idée de votre franchise et de votre droiture, que nous n'hésitons pas à vous faire juge entre votre critique et nous. Il ne nous reste plus qu'à vous donner notre bénédiction apostolique..... >

Voltaire, dans sa joie d'une telle nouvelle, annoncée d'une telle manière, lui répond en prose, lui répond

en vers.

D'autre part, Frédéric, qui n'avait plus à craindre, s'il voyageait un peu, qu'on lui coupât la tête, céda enfin au désir de venir faire sa cour au grand maître de l'opinion publique. Il ne voulait point venir en France cependant; mais il lui donna rendez-vous dans les Pays-Bas, fit le voyage incognito, et la première entrevue de ces deux hommes les plus extraordinaires de leur siècle eut lieu auprès de Clèves. Voltaire y trouva Frédéric malade de la fièvre quarte. Malgré cette fièvre, le roi sut se montrer charmant. Sa personne était cependant peu agréable : un dos lourd, de gros yeux durs; mais le regard perçant, et dans tous les traits l'empreinte d'une volonté invincible; avec cela beaucoup de finesse et de ruse.

Voltaire, dans une lettre, rend compte au cher Cideville de cette entrevue singulière : il est content de son héros, il continue ses éloges; on sent pourtant que l'enthousiasme est moins grand depuis cette entrevue. Il a refusé d'aller en Prusse fonder la fameuse colonne de philosophes. Il lui vient quelques doutes sur son prince, il lui préfère encore les Welches. Il écrit au marquis d'Argenson : « Je l'ai quitté, je l'ai <«< sacrifié, mais je l'aime, et pour l'honneur de l'huma<«< nité je voudrais qu'il fût à peu près parfait, comme « un roi peut l'être.» Dans la même lettre (8 janvier 1741), parlant de l'expédition de Silésie, il s'exprime de cette manière sur le roi philosophe : « Il peut faire de gran

<< des choses et de grandes fautes. S'il se conduit mal, « je briserai la trompette que j'ai entonnée. »

Ses lettres deviennent moins fréquentes, moins tendres, moins expansives, quoique plus sérieuses et quoique Frédéric lui écrive plus souvent qu'autrefois. Il ne craint pas même de lui laisser entrevoir ses inquiétudes. « Je crains, lui écrit-il, que vous ne veniez « à trop mépriser les hommes. »

Quelquefois il ne répond pas aux lettres du roi. Il lui dit : « Mes confrères les humains... »

Il a encore pour lui cependant les plus grands ménagements: il sait qu'il est, par le génie, le premier prince de son temps; il admire, il respecte le grand capitaine, le politique habile; il sait quels secours la philosophie a droit d'en attendre. Le roi de Prusse fonde une Académie à Berlin. Voltaire, à la vérité, refuse d'aller en être le président, mais il indique pour cela Maupertuis et voilà celui-ci, de par Voltaire, président de l'Académie de Berlin. Maupertuis avait fait partie de l'expédition scientifique entreprise pour vérifier si la terre, comme l'avait annoncé Newton, était aplatie vers les pôles. Les savants voyageurs avaient apporté une solution affirmative. Voltaire en avait tressailli de joie; de là son admiration pour Maupertuis, qui, oubliant ses compagnons de voyage, s'attribuait à lui seul l'honneur de cette découverte, et qui poussa même l'impertinence jusqu'à se faire peindre aplatissant la terre dans ses deux mains.

C'était (ce petit trait l'indique) un homme à idées bizarres, fort savant, mais dénué de génie et très

vaniteux. Joignez à cela un caractère acariâtre. Son nom n'en retentissait pas moins comme celui d'un grand homme. Et Voltaire lui-même, avait contribué à sa gloire, en faisant partout ses éloges, admirant en lui, non pas l'homme qu'il connaissait peu encore, mais la science.

C'est donc sous la direction de Maupertuis que va se fonder la colonie philosophique de Berlin.

Voltaire, du fond de sa solitude de Cirey, a l'œil sur tout cela.

Il était à lui seul une Académie rivale et souveraine de toutes les Académies de l'Europe.

Le succès de Mahomet ne l'enlevait pas à ses occupations habituelles de majordome de la littérature: « Je suis, disait-il, le maître Jacques du Parnasse. » Et rien n'était plus vrai.

Mais voici Mérope, nouveau chef-d'œuvre, nouveau succès, et la plus belle, la plus classique de toutes ses tragédies. Les applaudissements redoublaient autour de l'infatigable poëte. Cette fois, le père Tournemine ne put contenir sa joie d'avoir été le professeur d'un tel disciple; il rendit son admiration publique dans une lettre au père Brumoi, le traducteur du Théâtre grec, et dans cette lettre il plaça l'auteur de Mérope à la hauteur d'Euripide, de Racine et du grand Corneille; puis il ajoute avec une fierté pleine de bonhomie « L'amitié paternelle qui m'attache à lui depuis << son enfance ne m'a point aveuglé.» Cela était vrai. Mérope devait rester, littérairement, la plus belle œuvre de Voltaire; ceci n'était plus pamphlet philosophi

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