environ quarante lieues à l'ouest de la tour des Arabes qu'il tenta de l'effectuer, malgré l'opposition d'une foule d'arabes et d'habitans qui se précipitaient vers la plage; mais à peine avait-il mouillé et fait de premières dispositions pour la descente, que l'apparition de la flotte de l'amiral Keith le força d'y renoncer : la

mer, très-houleuse, rendait l'opération si lente et si difficile, que s'il s'était obstiné à faire débarquer une partie des troupes qu'il avait à bord, il eût été joint par l'ennemi dans la position la pius défavorable, accablé par le nombre, et inévilablement détruit.

La corvette l'Héliopolis , détachée en éclaireur et qui n'avait point de troupes à bord, entra le 9 juin dans le port d'Alexandrie à la faveur du mouvement de la flotte anglaise qui se porta vers l'ouest à la hauteur de la tour des Arabes. Elle était forte de

quarante voiles lorsqu'elle fut signalée à l'amiral français ; celui-ci eut à peine le temps

de

gagner le large: il résista aux instances de quelques braves officiers commandant les troupes,

qui, ne jugeant pas aussi bien que lui de l'imminence du danger, demandaient qu'on les jetât avec leurs soldats sur ces rives inhospitalières, où leur secours était désormais inutile et leur perte certaine : Gantheaume fit couper les cables et ne s'occupa que du salut de son escadre déjà presque enveloppée.

Deux vaisseaux de transport seulement, tombèrent entre les mains des Anglais, mais de son côté Gantheaume échappant à la flotte de l'amiral Keith et à la poursuite de Warren, et manoeuvrant avec autant d'activité que de prévoyance, toujours inattendu dans les

de la Méditerranée, s'empara pendant sa route rétrograde de plusieurs bâtimens ennemis. Il prit une corvette expédiée d'Angleterre avec des dépêches pour l'aniral Keith; plus heureux le 24 juin , vers le milieu du canal entre l'île de Candie et l'Égypte, il donna chasse au vaisseau anglais le Swiftsbury de soixante-quatorze canons, et l'atteignit vers cinq heures du soir ; l'Anglais laissant arriver, courut vent arrière en

divers parages

hissant toutes ses voiles ; mais l'Indivisible et le Dix-Août le gagnèrent et engagèrent le combat : il fut vif et honorable, mais trop inégal pour le capitaine Hollowel, qui, menacé d'être coulé bas; fut contraint d'amener son pavillon.

L'amiral Gantheaume ayant fait promptement réparer le Swiftsbury et former son équipage, poursuivit sa route et rentra heureusement à Toulon avec ses prises vers la fin de juillet. Telle fut l'issue de cette expédition, dont on voit que le but ne pouvait être que

difficilement atteint : si les Anglais se félicitèrent d'avoir opposé d'invincibles obstacles à l'arrivée des secours

que

le

premier Consul dirigeait de toutes parts vers la malheureuse armée d'Orient, ils n'en furent pas

moins étonnés de la hardiesse de la navigation de l'amiral Gantheaume; et, presque humiliés , au milieu de leurs faciles triomphes, d'avoir vu une faible escadre française traverser leurs flottes, se jouer de leur vi: gilance, et sans perdre une seule voile de

guerre, leur enlever un de leurs plus beaux vaisseaux et plusieurs frégates.

:

La marine française se relevait; un ministre habile, le contre-amiral Decrès, porta bientôt après dans les diverses parties de cette administration une activité toute nouvelle de fréquentes sorties, d'heureux retours, des succès depuis long-temps si rares, ranimèrent l'émulation des marins français; elle fut encore plus puissamment excitée par de nobles exemples de courage et de dévouement, et par de glorieux faits d'armes que nous nous hâtons de retracer.

On a vu dans le chapitre précédent, quelle influence avait prise le premier Consul sur le cabinet de Madrid par l'entremise du prince de la Paix; il disposait de la marine espagnole, et Cadix était devenu un port français. Six vaisseaux espagnols donnés à la république par le roi Charles IV et mis sous les ordres du contre-amiral Dumanoir, étaient mouillés dans la rade; ils y attendaient les équipages français qui devaient les monter, et qu'on faisait venir de Brest.

Six autres vaisseaux, les mêmes qui se trouvaient au Ferrol, lorsque sir James Pulteney avait tenté un débarquement pour s'en emparer, étaient venus mouiller dans le port de Cadix, et l'amiral espagnol dom Juan Moreno, qui commandait en 1782 les chaloupes cannonières au siége de Gibraltar, avait arboré son pavillon sur cette escadre.

La flotte de Cadix qui devait recevoir

d'autres renforts, était destinée à soutenir l'escadre de Gantheaume dans la Méditerranée : peut-être aurait-elle porté de puissans secours à la colonie d'Égypte, qui serait devenue l'Indostan français, si elle eût été précédée par le succès de l'expédition de Brest; c'était une forte combinaison; mais le temps manqua à son développement, et la fortune ne servit pas également son favori sur l'un et sur l'autre élément.

Les trois vaisseaux et la frégate détachés de l'escadre de Gantheaume, à sa troisième sortie, et rentrés à Toulon, y furent promptement réparés et leurs équipages furent complétés : le contre-amiral Linois qui com