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accordoit à des spéculateurs la permission d'introduire en France une certaine quantité de denrées coloniales déterminées, à condition d'exporter la valeur en marchandises fabriquées en France. Ces dernières n'étoient pas moins précisément déterminées, et Buonaparte favorisa certaines branches d'industrie en mettant leurs produits dans cette catégorie; il favorisa surtout les soieries, en statuant que dans la règle elles formeroient le tiers de chaque cargaison. Celui qui obtenoit la licence, la payoit à un taux fixé; il payoit les droits de sortie ordinaires des marchandises qu'il exportoit, et les droits d'entrée, au taux du tarif de Trianon, de celles qu'il importoit. Il avoit peu d'espoir de gagner sur les premières; l'introduction en Angleterre des marchandises françoises que nous ne prétendons pas lui attribuer la première idée des licences qui est due aux Anglois. La disette de vivres fut cause qu'au mois de novembre 1808, l'Angleterre, dérogeant à son fameux acte de navigation, donna à des vaisseaux étrangers, excepté ceux appartenant à des François, la licence d'importer pendant une année des grains. Au bout de la première année, on changea la nature des licences, en imposant à ceux qui en obtinrent encore, l'obligation d'exporter des marchandises angloises ou des denrées coloniales. Les conditions sous lesquelles des licences furent accordées varièrent ensuite; mais leur objet étoit toujours une exportation réelle et avantageuse aux manufactures angloises, tandis que, dans le système françois, tout étoit fictif et imaginaire, excepté les droits qui revenoient à Buonaparte.

Buonaparte permettoit d'exporter, éprouvoit de grandes difficultés en Angleterre. Quelquesuns de ces objets y étoient soumis à des droits d'entrée si considérables, qu'ils ne pouvoient soutenir la concurrence avec les produits du pays; d'autres étant entièrement prohibées. Lorsque les porteurs de licences ne trouvoient pas moyen de se défaire des unes et des autres à vil prix, par le moyen des contrebandiers qu'ils rencontroient en pleine mer, on les jetoit le plus souvent dans la Manche ou on les abondonnoit à la douane angloise pour le montant des droits. On sent bien que les denrées coloniales rapportées en France, par suite de ces licences, durent être d'un prix extrêmement élevé, puisque, indépendamment des droits d'importation, elles devoient encore supporter toute la perte que le spéculateur essuyoit sur les objets qu'il avoit exportés. Cette perte étoit cependant moins considérable qu'elle le paroît au premier abord. Celui qui exploitoit la licence n'acquéroit pas toutes les marchandises qu'il exportoit; il invitoit les fabricans qui vouloient envoyer à leurs risques des marchandises en Angleterre, de les lui confier de manière que la valeur de ces exportations pût lui être imputée dans les importations qu'il vouloit faire, mais qu'elles restassent la propriété des fabricans. Non seulement il s'engageoit à les porter gratis dans l'île, sans toutefois en payer les droits d'entrée, mais il allouoit encore une

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prime au fabricant qui, en lui confiant ainsi des marchandises, lui facilitoit l'exploitation de sa licence. Comme cette prime alloit de 10 à 25 pour cent, beaucoup de fabricans qui, dans la stagnation dont le commerce étoit frappé à cette époque, ne voyoient pas jour pour débarrasser leurs magasins, préférèrent les transporter outre-mer. Bien plus, telle étoit à cette époque la décadence du commerce françois, qu'un grand nombre de fabricans aima mieux abandonner au porteur de licence leur propriété contre le payement de la simple prime, plutôt que d'en payer en Angleterre un droit d'entrée d'autant plus considérable, que la vente présentoit plus d'incertitude. Il n'y a sorte de ruse qui ne fût employée pour diminuer la réalité de cette perte. On n'avoit pas tardé à reconnoître l'impossibilité de porter en Angleterre assez de marchandises fabriquées en France, pour atteindre au maximum des denrées coloniales qu'on vouloit en rapporter ; on eut alors l'idée d'y substituer des valeurs fictives. Il importoit en effet fort peu à l'armateur que les marchandises dont on chargeoit son bâtiment eussent un prix réel, pourvu qu'à la douane françoise elles fussent admises pour autoriser ses retours. Il falloit donc employer toutes sortes de moyens et de subterfuges pour tromper la vigilance des agens du gouvernement, soit en faisant passer pour bonnes des marchandises tarées ou défectueuses, soit

en exagérant énormément les factures. L'autorité se prêta à ces ruses, sans lesquelles l'exploitation des licences auroit été impossible. Buonaparte vouloit qu'on ne laissât pas périr celles qu'il avoit accordées; il comptoit sur les sommes qu'elles devoient rapporter pour entrer dans ses coffres; il vouloit, de plus, que son ministre pût annoncer au corps législatif qu'il avoit été exporté de France pour 100 millions de fabrications. Telles furent les conceptions d'un homme dont quelques personnes ont admiré les talens administratifs 1.

le

Pour faire peser d'une manière efficace sur commerce anglois le système continental, il fallut d'abord lui fermer, d'un côté, la mer Baltique, et, de l'autre, les ports de la péninsule située au-delà des Pyrénées. La Prusse s'étoit soumise à défendre aux vaisseaux anglois l'entrée de ses ports; la Russie adopta peu après

'Nous sommes entrés dans quelques détails sur le système des licences, misérable correctif du système continental, parce qu'il nous a paru que la classe de lecteurs à laquelle nous destinons cet ouvrage en avoit en général des idées peu claires. Nous dirons qu'à cette occasion la plupart des beaux livres qui se trouvoient dans la librairie de Paris furent envoyés à Londres, et que des éditions entières d'ouvrages estimés, mais d'un débit lent, furent détruites. La valeur nominale des livres exportés par licence se montoit à plus de 20 millions, dont quatre cinquièmes furent vendus à la rame à la douane de Londres, à défaut de payement des droits d'entrée.

Expédition des nemark, en sep

Anglois en Datembre 1807

ce même système, dont les bases paroissent avoir été éventuellement convenues dans les conférences de Tilsit; la Suède, ayant résisté à des offres séduisantes par lesquelles on avoit tenté de la faire entrer dans ce système, ne pouvoit y être entraînée que par la force des armes; mais pour cela il fallut, avant tout, s'assurer du Danemark. Cet état avoit maintenu, depuis le commencement de la révolution françoise, sa neutralité entre la France et l'Angleterre ; le moment étoit venu où il devoit être forcé à renoncer à une politique si avantageuse à l'industrie de ses habitans. Quand le feu de la guerre ravagea le nord de l'Allemagne, le prince royal de Danemark concentra son armée en Holstein pour faire respecter son indėpendance. Buonaparte avoit un triple motif pour convoiter la possession des états danois, l'un d'en fermer les ports aux Anglois, l'autre d'attaquer la Suède par une armée qu'on auroit transportée de la Séelande en Scanie, le troisième de s'emparer d'une flotte par laquelle il pût entreprendre une expédition contre l'Angleterre même ou contre l'Irlande. Le gouvernement anglois l'a accusé de ce triple projet. Il est vrai qu'il n'a jamais justifié par des pièces authentiques des inculpations qui, dans le temps, pouvoient paroître exagérées, mais qui ont cessé d'être invraisemblables après l'expédition contre le Portugal et la perfide invasion de l'Espagne. A défaut de preuves matérielles,

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