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On a décoré du titre de système continental l'ensemble de ces mesures tantôt injustes et vexatoires, tantôt folles et extravagantes, par lesquelles le chef d'un gouvernement qui n'avoit pas de marine, espéra ruiner le commerce et la puissance maritime de l'Angleterre, en empêchant qu'aucune production du sol et de l'industrie de ce pays et de ses colonies ne fût introduit sur le continent de l'Europe, depuis Lisbonne jusqu'à Pétersbourg, depuis Cadix jusqu'à Constantinople, «système qui, aux dépens de l'indépendance, du bien-être, des droits et de la dignité de tous les états du continent, et par la violation de toutes les propriétés publiques et particulières, devoit anéantir le commerce du monde, dans le vain espoir d'arracher un résultat qui, si heureusement il n'eût pas été impossible, eût, pour de longues années, plongé l'Europe dans la misère, là foiblesse et la barbarie '. »

lin.

Le premier acte qui établit le système con- Décret de Bertinental est un décret que Buonaparte rendit, le 21 novembre 1806, à Berlin, ce qui fait qu'on l'appelle communément le décret de Berlin, dénomination sous lequel il est devenu fameux. Cette pièce, à l'existence de laquelle nos neveux auront de la peine à ajouter foi, est

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Expressions de M. de GENTZ. Voyez le manifeste de l'Autriche du 12 août 1813, dans mon Recueil de pièces officielles, Vol. I, pag. 89.

trop remarquable pour n'être pas textuellement insérée ici.

Napoléon, empereur des François, roi d'Italie,
Considérant,

1.° Que l'Angleterre n'admet point le droit des gens suivi universellement par tous les peuples policés;

2.° Qu'elle répute ennemi tout individu appartenant à l'état ennemi, et fait en conséquence prisonniers de guerre, non seulement les équipages des vaisseaux armés en guerre, mais encore les équipages des vaisseaux de commerce et des navires marchands, et même les facteurs de commerce et les négocians qui voyagent pour leurs affaires de négoce;

3.° Qu'elle étend aux bâtimens et marchandises de commerce et aux propriétés des particuliers le droit de conquête, qui ne peut s'appliquer qu'à ce qui appartient à l'état ennemi;

4.° Qu'elle étend aux villes et ports de commerce non fortifiés, aux hâvres et aux embouchures de rivière le droit de blocus, qui, d'après la raison et l'usage de tous les peuples policés, n'est applicable qu'aux places fortes;

Qu'elle déclare bloquées des places devant lesquelles elle n'a pas même un seul bâtiment de guerre, quoiqu'une place ne soit bloquée que quand elle est tellement investie qu'on ne puisse tenter de s'en approcher sans un danger imminent;

Qu'elle déclare même en état de blocus des lieux que toutes ses forces réunies seroient incapables de bloquer, des côtes entières, et tout un empire;

5. Que cet abus monstrueux du droit de blocus n'a d'autre but que d'empêcher les communications entre les peuples, et d'élever le commerce et l'industrie de l'Angleterre sur la ruine de l'industrie et du commerce du continent;

6.o Que tel étant le but évident de l'Angleterre, quiconque fait sur le continent le commerce des marchandises angloises, favorise par là ses desseins, et s'en rend le complice;

7.° Que cette conduite de l'Angleterre, digne en tout des premiers âges de la barbarie, a profité à cette puissance au détriment de toutes les autres;

8.° Qu'il est de droit naturel d'opposer à l'ennemi les armes dont il se sert et de le combattre de la même manière qu'il combat, lorsqu'il méconnoît toutes les idées de justice et tous les sentimens libéraux, résultat de la civilisation parmi les hommes:

Nous avons résolu d'appliquer à l'Angleterre les usages qu'elle a consacrés dans sa législation maritime.

Les dispositions du présent décret seront constamment considérées comme principe fondamental de l'Empire, jusqu'à ce que l'Angleterre ait reconnu que le droit de la guerre est un et le même sur terre que sur mer; qu'il ne peut s'étendre ni aux propriétés privées, quelles qu'elles soient, ni à la personne des individus étrangers à la profession des armes, et que le droit de blocus doit être restreint aux places fortes réellement investies par des forces suffi

santes.

Nous avons en conséquence décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1. Les îles britanniques sont déclarées en état de blocus.

Art. 2. Tout commerce et toutes correspondances avec les îles britanniques sont interdits.

En conséquence, les lettres ou paquets adressés ou en Angleterre, ou à un Anglois, ou écrites en langue angloise, n'auront pas cours aux postes et seront saisis.

Art. 3. Tout individu, sujet de l'Angleterre, de quelque état et condition qu'il soit, qui sera trouvé dans les pays occupés par nos troupes ou par celles de nos alliés, sera fait prisonnier de guerre.

Art, 4. Tout magasin, toute marchandise, toute propriété, de quelque nature qu'elle puisse être, appartenant à un sujet de l'Angleterre, sera déclaré de bonne prise.

Art. 5. Le commerce des marchandises angloises est défendu, et toute marchandise appartenant à l'Angleterre, ou provenant de ses fabriques et de ses colonies, est déclarée de bonne prise.

Art. 6. La moitié du produit de la confiscation des marchandises et propriétés déclarées de bonne prise par les articles précédens, sera employée à indemniser les négocians des pertes qu'ils ont éprou

vées

par la prise des bâtimens de commerce qui ont été enlevés par les croisières angloises.

Art. 7: Aucun bâtiment venant directement de l'Angleterre ou des colonies angloises, ou y ayant été depuis la publication du présent décret, ne sera reçu dans aucun port.

Art. 8. Tout bâtiment qui, au moyen d'une fausse déclaration, contreviendra à la disposition ci-des

sus, sera saisi, et le navire et la cargaison seront confisqués comme s'il étoit propriété angloise.

Art. 9. Notre tribunal des prises de Paris est chargé du jugement définitif de toutes les contestations qui pourront survenir dans notre empire, ou dans les pays occupés par l'armée françoise, relativement à l'exécution du présent décret. Notre tribunal des prises à Milan sera chargé du jugement définitif desdites contestations qui pourront survenir dans notre royaume d'Italie.

Art. 10. Communication du présent décret sera donnée par notre ministre des relations extérieures aux rois d'Espagne, de Naples, d'Hollande et d'Étrurie, et à nos autres alliés, dont les sujets sont victimes, comme les nôtres, de l'injustice et de la barbarie de la législation maritime angloise.

Art. 11. Nos ministres des relations extérieures, de la guerre, de la marine, des finances, de la de la police, et nos directeurs-généraux de poste, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.

Signé NAPOLÉON.

Tel fut le premier chaînon de cette suite de décrets et de mesures arbitraires que Buonaparte ordonna pendant sept années consécutives dans tous les pays soumis à sa domination ou à son influence. Dès lors l'adoption de ce système devint la condition irrécusable à laquelle étoit attachée la paix avec la France; le refus de l'introduire étoit regardé comme une déclaration de guerre. Ainsi, pour vivre en

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