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le dissolvoit. Elle ne put donc pas les publier 1; mais on donna la plus grande publicité à une lettre que Ferdinand avoit adressée le 8 au commandant de l'armée d'Asturie, et qui étoit conçue en ces termes :

<< Nobles Asturiens! Je suis entouré d'ennemis de tous côtés; je suis la victime de la perfidie. Vous avez sauvé l'Espagne dans des circonstances beaucoup plus difficiles que celles où nous nous trouvons. Étant moi-même prisonnier, je ne réclame pas de vous ma couronne; mais je demande que, d'après un plan bien concerté avec les provinces voisines, vous conserviez votre indépendance; je demande que vous ne vous courbiez jamais sous un joug étranger; que vous ne vous soumettiez jamais au perfide ennemi qui a dépouillé de ses droits votre malheureux FERDINAND. »

Bayonne, le 8 mai 1808.

Cette pièce dut produire un effet extraordinaire parmi une nation altière, passionnée et courageuse. Il ne fut pas diminué par l'arrivée d'une proclamation qu'on avoit fait signer à Ferdinand VII et à ses frères, à leur arrivée à Bordeaux le 12 mai, et par laquelle ils engageoient les Espagnols à ne pas s'opposer aux vues bienfaisantes de Buonaparte. Il étoit évi

Il faut voir les détails dans le mémoire de MM. AZANZA et O-FARRILL.

dent que cette signature leur avoit été arrachée dans la captivité. Un cri général d'indignation s'éleva dans toute l'Espagne: le peuple prit les armes partout où la présence des troupes françoises n'étouffa pas l'insurrection. La ville de Valence renonça, dès le 23 mai, à l'obéissance du gouvernement de Madrid. Séville suivit cet exemple le 26; don Joseph Palafox organisa, le 27, à Saragosse, l'insurrection de l'Arragon. Ces mouvemens populaires furent accompagnés, dans plusieurs endroits, de grands excès, le peuple ayant massacré les gouverneurs qu'il croyoit favorables à la cause de l'usurpation. Une scène de ce genre se passa le 29 mai à Cadix. Don Francisco Solano, marquis del Socorro, capitaine-général de l'Andalousie et gouverneur de Cadix, ayant voulu engager le peuple à se soumettre à la puissance de Buonaparte, fut traîné dans les rues et mis à mort. Les habitans étoient soutenus dans leur entreprise par sir Hew Dalrymple, gouverneur de Gibraltar, par l'amiral anglois Parvis, et le général Castaños, commandant le camp espagnol de Saint-Roch.

La partie saine de la nation s'empressa de mettre fin à ces scènes d'horreur, en formant des juntes centrales. La forme populaire du régime des villes d'Espagne fournit le moyen de les organiser. Séville en donna l'exemple le 27 mai. La junte centrale qui y fut établie, rejetant l'autorité du conseil souverain de Madrid,

parce que cette capitale étoit entre les mains de l'ennemi, s'arrogea un pouvoir indépendant qu'elle exerça au nom de Ferdinand VII qu'elle avoit proclamé roi. Par une proclamation du 29 mai, elle appela la nation à la défense de la patrie, de son roi, de ses propriétés et de ses lois'. Le 6 juin, elle déclara, au nom de Ferdinand VII, la guerre à Buonaparte, et aussi à la France, tant qu'elle restera soumise à son joug2.

Lorsque la junte résolut cette démarche hardie, elle n'avoit ni armes, ni munitions, ni trésor, et à peine une armée. L'Espagne avoit, il est vrai, à cette époque, 100,000 hommes sur pied, en y comprenant les milices pro vinciales ; mais de ces troupes 15,000 hommes servoient en Danemark, en qualité d'auxiliaires de la France; 35,000 se trouvoient en Portugal ou sur sa frontière, et, de ce nombre, 20,000 étoient sous les ordres du général françois Junot; 15,000 garnissoient les places de l'Afrique, les îles Baléares et les Canaries; et 15,000 les places de l'interieur; des 20,000 restans, 10,000 se trouvoient en Gallice, et devinrent le noyau de l'armée d'insurrection dans le nord de la péninsule; de même que 10,000 hommes formant le camp de Saint-Roch destiné au siége de Gibraltar, devinrent celui

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Voy. Recueil de pièces officielles, etc. Vol. I, p. 307.

2 Ibid., p. 319.

de l'armée d'Andalousie. Telles furent les forces que l'Espagne opposa à 100,000 hommes de troupes aguerries, qui étoient maîtresses des provinces intérieures du royaume, de plusieurs places fortes et du royaume de Portugal, et à la tête desquelles se trouvoient des officiers habiles et expérimentés.

Si, en considérant cette disproportion de ressources, on est tenté d'accuser les Espagnols d'une grande témérité inspirée par un aveugle enthousiasme, on doit convenir néanmoins que différentes circonstances paroissoient leur présager un heureux succès, pourvu que des désastres isolés et peut-être prolongés n'affoiblissent pas leur persévérance. Il faut d'abord compter pour quelque chose cette confiance. que leur donnoient la justice de leur cause et la persuasion que la providence ne permettroit pas l'asservissement de leur patrie. Cette confiance étoit générale, et partagée par toutes les classes de la nation, par tous les sexes et tous les âges. L'enthousiasme des Espagnols, étoit exalté, mais en même temps raisonné ; c'étoit celui d'hommes qui avoient froidement calculé la prépondérance de la force qui leur étoit opposée ; d'hommes préparés à supporter des privations, des défaites et des désastres; d'hommes persuadés qu'en employant continuellement tous les moyens qu'ils avoient pour harceler et

1

Voy. Mémoires d'Azanza et d'O-FARRILL, p. 85.

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molester leurs ennemis, ils viendroient à bout de vaincre des armées qu'ils ne pouvoient pas combattre en face.

Diverses circonstances se réunissoient pour augmenter leur courage. La position géographique et l'étendue de leur pays doivent être comptées parmi les plus importantes. Baignée de trois côtés par la mer, la péninsule ne peut être attaquée que d'un seul côté par des forces de terre, tandis que ses côtes lui assurent une libre communication avec ses colonies, avec la Grande-Bretagne, qui alloit être son alliée, et avec la Suède, la seule puissance continentale qui résistoit encore à Buonaparte. Les principales villes, et les nombreux ports de l'Espagne, séparés les uns des autres par des intervalles considérables, ne pouvoient pas tous être occupés par une armée ennemie quelque nombreuse qu'elle fût. Dans l'intérieur, et surtout dans le nord, le terrain coupé et montueux présente des défilés difficiles à passer, et même des forts auxquels l'artillerie a de la peine à atteindre. Les plaines des deux Castilles et de l'Estramadoure n'offrent guère plus de facilité à une invasion, que les montagnes qui les séparent des autres provinces. L'excessive chaleur du climat et les fièvres intermittentes qu'elle produit, devoient être de puissans auxiliaires contre des étrangers. Les François devoient y trouver peu peu de ressources pour les subsistances et les four

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