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ministre qu'il écrivit, le 11 octobre 1807, au chef du gouvernement françois une lettre dans laquelle il exprimoit son désir de s'unir à une princesse de France: c'est ainsi qu'on appeloit les demoiselles que Buonaparte adoptoit 1. Celui-ci ne rejeta ni n'accueillit la demande; mais Godoï, que le traité de Fontainebleau venoit de créer souverain des Algarves, fut instruit par don Eugenio Izquierdo, son agent à Paris, des démarches de l'héritier de la couronne. Il trouva moyen de se saisir des papiers du prince des Asturies; et tel fut le pouvoir qu'il exerçoit sur le couple royal, qu'il lui persuada qu'un fils avoit voulu leur ravir le trône et la vie 2.

'Il étoit question ici d'une fille de Lucien Buonaparte. La lettre du prince des Asturies, qui est du 11 octobre 1807, se trouve dans CEVALLOS, Exposé, p. 37. Don Juan Escoiquiz, dans la célèbre conversation qu'il eut avec Buonaparte le 2 mai 1808, rappela à celui-ci que la lettre de Ferdinand avoit été sollicitée au nom de Buonaparte par son ambassadeur, M. de Beauharnais. Buonaparte répondit : « En ce cas, mon ambassadeur outrepassa ses pouvoirs », phrase vague qui ne détruit pas le fait. Voyez EscoIQUIZ, Exposé, p. 112.

2 Cette accusation étoit fondée sur le décret accordé au duc de l'Infantado, dont nous avons parlé p. 133. Le prince, interrogé sur ce chef d'accusation, répondit qu'ayant soupçonné que Godoi pourroit s'emparer du gouvernement, si, par malheur, le roi, son père, venoit à mourir, on lui conseilla de prendre d'avance cette mesure, en confiant au duc de l'Infantado le pouvoir de diriger au besoin la force armée, dans le cas où il faudroit soutenir l'héritier de la couronne.

Le 30 octobre 1807, le prince des Asturies et ses confidens furent arrêtés. L'impudent favori oublia les convenances jusqu'à faire signer au foible monarque une proclamation par laquelle il accusa son fils d'un parricide. L'indignation qu'une nation généreuse éprouva à la lecture d'une accusation qu'il auroit fallu dérober au public, si elle avoit été fondée, se tourna tout entière contre Godoï; on le supposoit capable de consommer le crime qui paroissoit être le but de cette intrigue. Don Manuel, de son côté, effrayé du silence observé dans cette circonstance par Buonaparte, dont les troupes entroient alors en Espagne, en exécution du traité de Fontainebleau, fit jouer à la reine le rôle de médiatrice entre un père irrité et un fils auquel on avoit arraché l'aveu de ses liaisons avec un ministre étranger.

Une proclamation du 5 novembre annonça à la nation que le cœur paternel du roi avoit pardonné à son fils. On fit cependant le procès à ses confidens; mais, grâce à la droiture de leurs juges, l'influence du favori ne put réussir à leur faire reconnoître aucun crime dans une action qui ne méritoit que d'être taxée d'impru dence, ou tout au plus d'indiscrétion. Cet événement avoit affoibli la considération dont jouissoit la famille royale, mais il avoit augmenté la haine publique contre le prince de la Paix; celui-ci se trouvoit dans un embarras trop fort pour ses moyens. Les nouvelles qu'il recevoit

de son agent en France le troubloient. Buonaparte, voyant que Godoï s'étoit compromis, et que l'opinion publique se déclaroit contre le couple royal, ne répondit pas aux lettres par lesquelles on lui avoit annoncé la prétendue conspiration; ce silence étoit bien fait pour exciter des inquiétudes dans l'esprit d'êtres pusillanimes; il pouvoit les entraîner à quelque inconséquence dont on profiteroit pour les perdre. On trouva un prétexte pour ne pas laisser approcher Izquierdo de la personne de celui auprès duquel il étoit accrédité, afin qu'il ne pût pénétrer le fond de sa pensée. La précipitation avec laquelle la reine d'Etrurie fut obligée d'abandonner son trône, avant d'avoir été mise en possession de l'indemnité qu'on lui avoit promise, augmenta les sollicitudes de la cour de Madrid. Godoï, dans la crainte d'avoir perdu les bonnes grâces de Napoléon,engagea le roi et la reine à lui demander pour leur fils la main d'une princesse du sang de France. Buonaparte l'accorda en termes vagues; il nia d'avoir reçu une demande semblable du prince des Asturies.

Cependant, le nombre des troupes françoises qui avoient passé les Pyrénées, sous le prétexte de se rendre en Portugal, augmentoit journellement, et la fermentation s'accroissoit parmi le peuple en vain la cour essaya-t-elle de le calmer; les proclamations qu'elle publia trahissoient l'embarras où elle se trouvoit. La seconde armée françoise, dont Murat avoit pris

le commandement, dans les premiers jours de janvier 1808, s'approchoit, à marches lentes, de la capitale, pendant que Buonaparte exprimoit son mécontentement de ce qu'après avoir recherché la main d'une princesse de son sang, on ne donnoit pas suite à cette demande. Inopinément Izquierdo arriva à Madrid, chargé d'une mission secrète ; et immédiatement après, le bruit se répandit que le roi quitteroit Madrid et l'Espagne pour se retirer en Amérique. L'objet du voyage d'Izquierdo est entièrement inconnu; il paroît que cet agent, doué d'une grande pénétration, avoit pressenti le vrai dessein de Buonaparte, et qu'il le dévoila au prince de la Paix qui, ne se croyant plus en sûreté au milieu des Espagnols, conseilla le départ pour le Mexique. On résolut de se rendre d'abord à Séville; mais lorsque ce projet transpira dans le public, il répandit une si grande consternation, que le roi crut devoir annoncer, le 16 mars 1808, par une proclamation, qu'il y renonçoit.

Les préparatifs du voyage n'en ayant pas moins continué, un tumulte éclata à Aranjuez le 18 mars; le peuple et les troupes du roi dévastèrent le palais du favori; on l'enleva de force đu palais du roi, où il s'étoit réfugié ; le prince des Asturies le sauva avec peine des mains de la multitude furieuse, et le fit mettre en prison

C'est l'opinion de M. de PRADT.

pour rétablir le calme. Charles IV destitua le prince de la Paix et ses adhérens, des charges qu'ils remplissoient. Cette condescendance tardive ne servit qu'à augmenter le désordre; le peuple de Madrid se crut autorisé par-là à piller le palais du favori; sa fureur se porta uniquement contre celui-ci, et il ne s'éleva cri contre le roi ni contre son épouse.

pas un

Le ig mars, Charles IV exhorta, par un preÎV mier décret, les habitans de la capitale à bien accueillir les troupes françoises qui, se rendant à Cadix, passéroient par Madrid; par un second décret, il chargea le prince des Asturies de diriger le procès du prince de la Paix ; par un troisième, il renonça au trône en faveur de son fils.

On a pu douter dans le temps que cette démarche fût volontaire; mais aujourd'hui toute incertitude sur cette question a disparu, et l'on sait que la démarche du roi fut une suite de ce dégoût que depuis long-temps il éprouvoit pour les affaires du gouvernement, et qu'il n'avoit vaincu que pour complaire à la reine et à son favori1.

« Il montroit la plus grande satisfaction, et dit au nonce du pape, monseigneur Gravina, et au comte de Strogonoff, ministre de Russie, qu'il n'avoit jamais rien fait avec autant de plaisir; et, pour le prouver, il ajouta que son bonheur étoit tel, qu'il lui avoit rendu, malgré le rhumatisme qui le tourmentoit, la faculté de

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