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nombre un diplômé d'histoire en Sorbonne et un maître en phonétique. De plus, deux de nos anciens élèves ont conquis le grade de doctorat ès lettres, un le grade d'agrégation des lettres; et ceux-là ont donné à leurs condisciples (je le fais remarquer en passant) un excellent exemple. La licence ne suf fit pas; ce n'est que le premier moment de la formation d'un esprit.

On observera peut-être que ces résultats sont inférieurs de quelques unités à ceux de l'année dernière. Mais le fait était prévu. Les succès de 1901-1902 dépassaient trop la moyenne pour qu'il fût raisonnable d'espérer leur maintien. Il en est d'ailleurs des examens comme des moissons avec les mêmes soins et de la part des élèves et de le part des maîtres, ils ne donnent pas toujours les mêmes fruits. Le hasard s'en mêle; et il est capricieux : c'est un grand faiseur d'arabesques.

Ainsi, bien que d'une manière quelque peu inégale, chacun de nos ans donne à l'Église un surplus de vitalité qui s'y ajoute « comme à la jeunesse sa fleur »; et surtout, chacun de nos ans se traduit dans l'enseignement libre par un accroissement d'énergie. Ce qui fait la force de l'éducateur, ce qui le met à même de propager autour de lui la vie intellectuelle et morale, ce qui constitue proprement sa fécondité, ce n'est pas le bonheur de la mémoire, c'est la virilité de l'esprit. A-t-il la puissance voulue pour dominer sa matière, possède-t-il le don de dégager des faits la lumière infinie des idées, il communique à ses disciples une sorte de flamme divine et les met en branle pour la vie entière. Au contraire, n'est-il qu'un magasin vivant de souvenirs plus ou moins bruts, il ne s'adresse qu'à la mémoire de ceux qui l'écoutent; et son œuvre disparaît, comme un château de sable, sans que l'homme en ait été touché. «Il se peut bien, est-il dit dans le Phèdre, que Périclès ait été le plus parfait des orateurs. Pourquoi? Tous les arts ont besoin de spéculations subtiles et profondes sur la nature des choses; c'est de là que viennent, si je ne me trompe, cette hauteur de vue et cette maîtrise qui se font un jeu de tout le reste. A son génie naturel Périclès ajouta ces études... et il en rapporta dans l'art oratoire ce qui pouvait y être

utile (1). » Apprendre à réfléchir sur ce que l'on fait apprendre, voilà ce que l'on peut regarder comme la forme de l'éducation; le reste n'en est que la matière. Et telle est la devise que nous suivons dans cette école à l'endroit des jeunes gens et des lévites qui nous sont confiés : nous tâchons, en les initiant à la vie de l'esprit, de vous les rendre plus hommes afin qu'ils fassent d'autres hommes. Hélas! Le temps qu'on nous laisse pour cette besogne est bien court. Il y faudrait au moins cinq ou six ans. C'est le temps minimum qu'y met l'Université de l'État; et nous n'avons nul avantage à nous conférer comme de gaieté de cœur un brevet de minorité. Du moins, la conscience nous reste de commencer ici pour de bon l'œuvre régénéra trice; et c'est cette pensée qui soutient notre effort.

II

Une œuvre de haute culture intellectuelle ne s'implante pas seulement par la formation de la jeunesse ; il y faut une série constante d'articles, de brochures et de livres longtemps mûris qui lui fasse comme un rayonnement perpétuel à travers le monde scientifique et le public cultivé. A cette autre exigence, plus importante peut-être que la première, chacun de nous pourvoit dans la mesure des loisirs que lui laisse sa fonction; et cette fonction est lourde d'ordinaire. Oh! l'empilement des copies, quel spectacle pour le professeur qui s'attache à la poursuite d'une idée! Que de veilles passées à l'échenillage d'essais plus ou moins informes! Mais nous allons tout de même, à force de ténacité; et nous finissons par donner à ceux du dehors des signes irrécusables de notre existence.

M. l'abbé Bousquet ne se laisse pas absorber par ses fonctions de vice-recteur, si tyrannisantes qu'elles soient. Outre qu'il a continué sa correction de thèmes grecs avec cette compétence consommée que chacun lui reconnaît, il a donné dans l'Enseignement chrétien toute une série d'articles

(1) 269 E-270 A.

en vue de la préparation des professeurs au diplôme de grammaire.

M. l'abbé Rousselot, dont je disais tout à l'heure la vertu d'attraction, a fait paraître dans la Parole un long article de 216 pages, où sont résumées ses plus récentes recherches. Transportant ses études de phonétique dans le domaine de la surdité, il a observé comment les sons du langage normalement émis sont entendus par des oreilles privées d'une partie de leur champ auditif. Ces recherches ont eu trois résultats dignes de remarque: elles ont confirmé l'analyse graphique des éléments de la parole, montré que l'oreille d'un sourd peut être un instrument d'analyse comparable au prisme en optique, et suggéré un moyen curatif de certaines surdités. Désormais, l'on distinguera sûrement les changements phonétiques qui sont du ressort de l'ouïe, et ceux qui dépendent des organes de la parole; et l'on reconnaîtra dans certains vices de prononciation des enfants la menace d'une surdité précoce qu'il sera possible de prévenir. Bien plus, par la seule observation acoustique d'une oreille malade, on pourra dire si c'est l'appareil de transmission ou l'appareil central qui se trouve affecté; et, par suite, on aura les données voulues pour y porter remède. Qu'on dise maintenant que la science a fait banqueroute; il n'y a de banqueroute que pour le scientisme qui est la caricature de la science.

En décembre 1902, M. Baudrillart faisait à Genève une conférence sur « Le renouvellement intellectuel du clergé en France au XIXe siècle »; et sa parole chaudement applaudie provoquait là-bas un vif sentiment d'estime et de sympathie pour la générosité de tant d'efforts méconnus, ou peut-être trop connus.

Vers la fin de 1903, M. Boxler a publié chez Lecoffre un Précis des institutions publiques de la Grèce et de Rome, qui est, à mon sens, un modèle d'ordre et de précision. Ce livre nous manquait. Aussi a-t-il été accueilli avec empressement par tous ceux qui s'occupent de littérature ancienne; il en est comme le cadre lumineux.

M. Bertrin a continué sa collaboration assidue au Nouveau Larousse, ce dictionnaire encyclopédique qui a réuni jusqu'ici

plus de cent cinquante mille souscripteurs et dont la publication touche à sa fin. Si cette œuvre considérable a gardé et garde envers la Religion une impartialité respectueuse, c'est à notre collègue que revient l'honneur du fait. En outre, il a publié, à la suite d'un voyage en Irlande, la vie de saint. Laurent d'O'Toole, le patron de Dublin dont il fut l'évêque, et le patron de la ville d'Eu, où les circonstances le firent mourir et qui garde précieusement ses reliques. Il a groupé dans cet ouvrage des documents intéressants dont aucun n'avait été traduit jusque-là et dont plusieurs étaient inédits. C'est l'excursion heureuse d'un littérateur dans le domaine de l'érudi

tion pure.

Elles sont diverses aussi, les études auxquelles s'adonne M. Klein, tout en prenant un sens un peu différent : A chacun son angle de vision dans l'infinie variété des choses. M. Klein a publié en décembre 1902, dans le Correspondant, puis en brochure, « des lettres inédites de Xavier de Maistre à sa famille >> qui éclairent la vie jusqu'alors peu connue de cet écrivain charmant. En mars 1903, il a donné Le Fait religieux et la manière de l'observer; en novembre de la même année, Quelques motifs d'espérer. Et quelle activité! Fervet opus... C'est au premier de ces deux derniers volumes que l'auteur attache le plus d'importance; et il a raison, à mon humble avis Le Fait religieux est de nature à dissiper quelques-uns des préjugés qui font que l'on ne regarde pas même à la question de la croyance chrétienne. Le livre est d'ailleurs d'une lecture attachante et par la loyauté qui s'y révèle et par la grâce du style.

Plus austères peut-être sont les études de M. Lejay. Il vient de publier, dans la collection Hachette, « Une édition classique des œuvres d'Horace », en collaboration avec M. Frédéric Plessis, le professeur bien connu de l'Ecole normale supérieure, qui a écrit sur Properce un livre définitif et donné de beaux vers tout romains dans La Lampe d'Argile et dans Vesper. Cet ouvrage contient un commentaire sobre et nourri, où l'on trouve tout ce que peuvent souhaiter les amateurs du vieux poète, remarques de langue et de style, secours charitable au lecteur novice, allusions dévoilées,

rapprochements historiques et critique littéraire. Une analyse soignée précède d'ailleurs chaque pièce, ode, satire ou épître, et donne le fil de la pensée qu'Horace, par grâce nonchalante ou piquante, se plaît souvent à embrouiller avec art. M. Lejay a également publié divers articles sur le même sujet, soit dans la Revue d'histoire et de littérature religieuses, soit dans la Revue d'instruction publique en Belgique. Autant d'études qui nous aident à comprendre que les auteurs ne s'arrêtent pas en si bonne voie et nous promettent une grande édition d'Horace, qui va prendre place à côté du Virgile de Benoist, dans la collection des éditions savantes de la maison Hachette. Le moyen de dire maintenant que le latin est en décadence!...

M. Huit, professeur honoraire de la maison, et qui nous demeure cher à plus d'un titre, vient de publier une œuvre attachante sur Ballanche, cet apologiste pénétrant, dont le but était déjà de dégager l'idée chrétienne de tout alliage politique et de la transformer par tous les moyens en réalité vivante.

J'éprouve quelque embarras à vous parler de ce que j'ai fait moi-même. Si je m'y résigne, c'est que j'y suis tenu par ma fonction de rapporteur. Après une série d'articles dont les principaux ont paru dans la Revue de Louvain, la Revue de votre institut et l'Archiv fur die Geschichte der Philosophie de Berlin, j'ai donné la Monographie du système aristotélicien à la collection des grands philosophes qui se publie chez Alcan et dont je garde la direction après en avoir pris l'initiative. Que vaut cet ouvrage? ce n'est pas à moi de le définir. Mais, puisque vous êtes pour nous comme des pères, je puis vous dire ce qu'il m'a coûté : j'y ai passé huit ans. Aristote, c'est un Monde et qui n'est pas facile à franchir. S'il a des oasis divinement insoleillées, les forêts vierges n'y manquent pas.

Telle est notre tâche, Messeigneurs; et nous sommes tout heureux de la soumettre à votre contrôle. Il est vrai que nous la poursuivons au milieu d'assez graves inquiétudes. Que de nuages amoncelés à l'horizon! Pauvre pays de France toujours en proie à quelque crise nouvelle depuis que l'on a ébranlé

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