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de curieux, c'est que cette idée soit demeurée dans un profond oubli pendant toute une longue série de siècles où la misère n'a pourtant pas manqué. Il faut descendre jusqu'à saint Vincent de Paul pour la rencontrer de nouveau. Mais avec ce bienfaiteur génial de l'humanité, ce n'est plus seulement une pensée jetée comme au hasard; elle devient une doctrine qui devient elle-même une œuvre, la plus belle peut-être et la plus grande qu'ait inspirée l'esprit chrétien. Saint Vincent de Paul distingue dès le début entre le pauvre et le mendiant de professsion: à ses yeux, l'un est digne de tous les secours et de toutes les sympathies, l'autre est un être nuisible par sa paresse à l'Église et à la société. Telle est son idée directrice, celle qui explique toute sa vie. Pour la réaliser et la rendre féconde, il créera des ateliers où les enfants, les convalescents et même les hommes valides trouveront du travail et gagneront leur pain; il ouvrira des asiles aux passants, où on devra leur donner à souper et à coucher et le lendemain. matin deux sous « avec ordre de continuer leur route »>; il interdira «< aux pauvres de mendier, sous peine de retrait d'aumônes et aux habitants de rien leur donner ». C'est déjà et tout à la fois l'hospitalité par le travail, l'hospitalité de nuit, la chasse au vagabondage. Et l'action suit la parole avec un bonheur prodigieux : grâce au sens pratique et à l'infatigable dévouement de l'apôtre de la charité, les confréries de femmes et d'hommes se multiplient autour de lui comme par enchantement.

C'est ainsi que, sous l'influence permanente du Christ, le moderne s'ajoute à l'antique en lui donnant la vie. Et cette addition doit se poursuivre au milieu de nous : cette œuvre, à la fois fécondante et pacifiante, s'impose plus que jamais, vu les besoins nouveaux et de tout ordre qu'a fait

1, EMMANUEL DE BROGLIE, Saint Vincent de Paul, p. 54-55, p. 6567 (Les Saints), V. Lecoffre. Paris, 1897.

naître subitement le progrès rapide du commerce et de l'industrie. Mais il importe d'en bien concevoir la manière. « Il faut aller au peuple, nous dit-on de toutes parts. » Eh! sans doute; mais non pour lui prêcher ses droits qu'il connaît d'instinct et qu'il tend toujours à s'exagérer. Il faut aller au peuple pour organiser sa vie, en l'aidant à créer des caisses de retraite, des hospices, des hôpitaux et des syndicats purement économiques, des syndicats où ne pénètre plus l'influence décevante des politiciens. Il faut aller au peuple surtout pour le christianiser. Là est le point essentiel. Outre que l'Évangile est comme un ferment d'honnêteté, la résignation aura toujours sa place dans le monde. « L'humanité n'a jamais bien marché, disait un jour Mgr d'Hulst »; et il n'y a pas lieu d'espérer qu'elle parvienne de sitôt à le bien faire il y aura toujours des pauvres parmi nous. Mais, en même temps, et c'est là ce que l'on oublie, il faut aller aux riches pour leur apprendre à ne pas se servir de l'ouvrier comme d'un instrument, à s'occuper personnellement des affaires qui le touchent et l'angoissent, à favoriser et même à promouvoir généreusement les réformes qui peuvent satisfaire ses aspirations légitimes. Et comme l'intérêt est en général un mobile puissant du devoir, il est bon de leur faire entendre que, s'ils ne se hâtent de se mettre à l'œuvre, ils auront perdu la partie pour longtemps la vie est une dure maîtresse en leçons de choses.

Telle est, nous semble-t-il, la méthode à suivre. Le peuple deviendra difficilement chrétien, si la classe des heureux ne lui donne des preuves efficaces de cette justice et de ce dévouement dont le christianisme a le secret. Par elle-même, la démocratie strictement égalitaire, la démocratie, telle qu'elle sévit parmi nous, est un organisme décapité; il lui faut un principe directeur qu'elle ne porte pas dans ses instincts. Et n'est-ce pas là ce que sent avec vivacité cette admirable élite de jeunes gens qui s'est

groupée autour du Sillon? Que vont-ils porter au peuple, sinon l'organisation qu'il ne saurait se donner à luimême ? Leur exemple est à suivre ils ont trouvé l'idée libératrice.

Clodius PIAT.

INTÉRÊTS DE LA FRANCE EN SYRIE'

MESDAMES,

MESSIEURS,

Avant d'aborder mon sujet, je crois remplir un devoir bien doux en vous exprimant toute ma gratitude pour votre empressement à vous rendre à cette réunion.

C'est aussi, pour moi, une obligation précieuse de remercier votre Comité de sa bienveillante invitation qui me vaut l'honneur de vous entretenir de la Syrie et des intérêts supérieurs qui appellent une action énergique de la France dans cette région.

En traitant les intérêts français en Syrie, je réponds à l'une des interrogations pressantes qui se posent au moment où la question d'Orient attire, à nouveau, l'attention de l'Europe entière.

Je crois remplir ainsi un devoir doublement patriotique et affirmer, en même temps, ma sympathie pour votre pays que j'ai toujours considéré comme ma Patrie d'adoption.

Pour la clarté de la question que je vais traiter, j'ai divisé cette étude en trois parties intérêts économiques, politiques et moraux.

Intérêts économiques. — Poussées, à l'heure actuelle, par la surproduction intense, par la lutte économique qui les enserre de toutes parts, les grandes nations de l'Europe, trop à l'étroit sur leur sol, cherchent continuellement à étendre leur domaine au delà des mers. Elles envahissent toutes les contrées encore inoccupées, ou celles qui,

1. Conférence faite à l'Institut Catholique le 1er avril 1903.

moins peuplées ou moins bien outillées, ne peuvent leur offrir qu'une faible résistance.

Quand je dis lutte, ce n'est pas en vain que j'emploie ce mot, car il s'agit, dès maintenant, d'une lutte sans merci ; c'est le combat pour l'existence des peuples, où chacun d'eux prend d'avance ses positions, cherche à s'assurer une situation en se créant des intelligences et des points d'appui dans les pays qu'il convoite.

Nulle part ailleurs qu'en Syrie la lutte n'offre ce caractère d'âpreté qu'elle a revêtu depuis un certain nombre d'années Anglais, Allemands, Russes, Autrichiens, Italiens se disputent la place, et l'on comprendra aisément l'ardeur des concurrents quand j'aurai donné un aperçu géographique et économique sur cette région.

La Syrie, peuplée d'environ 3.250.000 habitants, comprend cinq régions les vilayets d'Alep, de Damas, de Beyrouth, la province du Liban et le Mutssarefieh de

Jérusalem.

Située au fond du bassin oriental de la Méditerranée, à proximité de l'Afrique, dont elle n'est séparée que par l'isthme de Suez, la Syrie est le centre naturel des échanges commerciaux entre l'Afrique et l'Asie, la voie de pénétration la plus directe pour ces continents.

PRODUCTIONS DU SOL. En outre des avantages qui résultent pour elle de sa situation géographique, la Syrie possède de grandes ressources naturelles qui en font l'une des plus riches contrées de l'Asie. Les produits du sol sont nombreux et variés. A part les magnifiques forêts de Damas où s'élèvent les peupliers et les chênes, on trouve en Syrie presque tous les arbres fruitiers de l'Europe qu'on cultive avec succès, grâce à la fertilité du sol et à l'incomparable climat de cette région.

Dans ce pays, qui nourrissait jadis plus de 10 millions d'habitants, l'agriculture constitue une des premières ressources. Les principaux produits sont céréales, raisins,

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