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souverain, et rampant en effet sous les drapeaux d'un seul, il s'assemble, délibère, récompense, punit, dicte des lois et les fait exécuter. Tel fut, pendant trois ans, le pouvoir de la société des Jacobins. La tête de ce colosse pesait sur la capitale, et ses membres monstrueux se répandirent dans toutes les villes de France; de ce volcan révolutionnaire sortirent en des laves de boue, de sang et de feu, Robespierre, Couthon, Carrier, Billaud de Varenne et l'Atilla des Chrétiens, Fouché, ce modèle d'ingratitude, qui, méconnaissant les services qu'il avait reçus d'une réunion populaire à laquelle il devait sa dignité de représentant, porta l'ingratitude jusqu'à fermer à ses anciens frères et amis les portes de toutes les sociétés civiques; mais le

crédit des frères et amis était mort avec Robespierre, et la reconnaissance ou la considération de Fouché ne pouvait s'étendre sur des cadavres.

En vain des avortons de jacobinisme, réunis au Manège, mirentils tout en usage pour ressusciter les élans de l'antique société-mère: leurs efforts ne firent qu'alarmer le directoire, qui engagea Fouché, leur ancien président, à leur porter le premier coup. « Les haines, dit ce ministre dans un rapport contre les sociétés populaires, affaiblies par le bienfait du tems, ont été ranimées soudain avec une activité nouvelle; des souvenirs effacés à peine, rappepar le plus effrayant appareil; les proscriptions passées reproduites à l'imagination par l'annonce de pros

lés

criptions nouvelles; les accusations devenues tout à coup générales et déréglées (1); les coupables se sont confondus avec habileté dans la foule.» (Monit. 17 thermidor au 7.)

Ce rapport, dans lequel Fouché demandait des mesures législatives pour restreindre en apparence, mais pour anéantir en effet les sociétés populaires, excita la plus violente indignation dans celle des Jacobins. Arena, Félix Lepelletier et plusieurs membres du conseil des cinq-cents, l'attaquèrent avec chaleur, mais sans

(1) On pourrait demander à M. Fouché, si, lorsqu'il présidait la société-mère, au milieu de l'année 1794, dans ce tems, où chaque jour les bourreaux fatiguaient leurs bras à frapper des victimes, les accusations étaient plus réglées.

succès, la société fut dissoute et pour empêcher des réflexions désagréables sur cette dissolution, le ministre fit supprimer onze journaux des plus accrédités, saisir leurs presses, et arrêter leurs principaux rédacteurs, sous prétexte qu'ils déchiraient les réputations les plus respectables, telles, sans doute, que la sienne, et qu'ils calomniaient les meilleures intentions. Ainsi, presque en même tems, le plus ardent apôtre de la liberté illimitée, détruisit celle des opinions et celle de

la presse.

Jusque-là, il n'avait trahi que ses anciens frères et amis; le 18 brumaire (novembre 1799), il trahit le gouvernement même dont il était le ministre, et Barras, son patron, Barras, qui n'avait rien négligé pour

le tirer de l'oubli et le mettre dans le chemin de la fortune; il fit plus, il le calomnia, il déchira ses bienfaiteurs. Le gouvernement, ditil dans une adresse, fut oppresseur, parce qu'il fut faible; celui qui lui succède s'impose le devoir d'être fort, pour remplir celui d'être juste.» (Monit. 23 brumaire an 8. )

Malgré cette force qui résidait dans l'audace de l'usurpateur revêtu du titre de premier consul, et surtout dans le despotisme militaire, Fouché n'en craignait pas moins les réactions, et, dans sa crainte il les signalait comme impossibles.

Les réactions, disait-il dans une autre adresse, sont le produit de l'injustice et de la faiblesse des gouvernemens ; il ne peut plus en exister parmi nous, puisque nous avons

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