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L'esprit turbulent du coadjuteur le portoit à influer, non-seulement sur les opérations militaires, mais sur les divers mouvemens auxquels il lui convenoit de pousser la populace. Cependant les convenances ne lui permettant pas d'entrer ostensiblement dans des détails qui répugnoient trop à son état, il résolut de se servir du duc de Beaufort, autrefois chef de la faction des importans, qui depuis peu s'étoit échappé du château de Vincennes ; et voici comment il parle de ce prince, pour lequel il professoit en apparence l'amitié la plus respectueuse et la plus dévouée. « Cette << union, dit-il, m'étoit comme nécessaire, parce que << ma profession pouvant m'embarrasser en mille ren«< contres, j'avois besoin d'un homme que je pusse, << dans les conjonctures, mettre devant moi... Il me <«<falloit un fantôme, mais il ne me falloit qu'un << fantôme; et, par bonheur pour moi, il se trouva <«< que ce fantôme étoit petit-fils de Henri-le-Grand; qu'il parloit comme on parle aux halles (ce qui << n'est pas ordinaire aux enfans de Henri-le-Grand); << et qu'il avoit de grands cheveux bien longs et bien

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blonds. Vous ne pouvez vous imaginer le poids de «ces circonstances, et vous ne pouvez concevoir «l'effet qu'elles firent sur le peuple. >>

Le coadjuteur leva un corps de troupes qu'on appela le régiment de Corinthe, du nom de son évêché in partibus, et dont il donna le commandement au chevalier de Sévigné son parent, très-ardent pour la cause du jansénisme. Tout le monde sait que ce régiment ayant été battu par les royalistes, on plaisanta beaucoup sur cet échec, et qu'on dit que c'étoit la première aux Corinthiens. Il enrôla aussi dans

son parti le marquis Henri de Sévigné, neveu du chcvalier, qui avoit épousé depuis peu une jeune personne dont le nom est devenu depuis si célèbre. Madame de Sévigné étoit alors âgée de vingt-deux ans : le coadjuteur témoignoit pour elle autant d'admiration que de respect; et ce fut de cette époque de trouble que data leur liaison, sur laquelle nous aurons par la suite occasion de nous étendre.

Cette guerre, qui n'eut point de résultat décisif, ne dura que quelques mois. D'affreux désordres eurent lieu dans la capitale ; on voulut massacrer le premier président Molé, et l'on entendit même prononcer le nom de république: mot qui devoit faire frémir d'horreur, à l'époque où la faction qui dominoit en Angleterre cimentoit par le sang de son roi l'établissement d'un gouvernement de ce genre (1). Ce rapprochement ne toucha point le coadjuteur, qui persista dans ses projets gigantesques; et lorsqu'il vit qu'il ne pouvoit s'opposer à ce que le parlement fit sa paix avec la cour (11 mars 1649), il refusa d'y être.compris, dans l'espoir que son ascendant sur le peuple ne tarderoit pas à lui ouvrir des chances plus favorables. Mais cette attente fut trompée. Il ne joua plus qu'un rôle subalterne dans les désordres qui suivirent, et les vues ambitieuses qui le portèrent à changer souvent de parti lui firent perdre l'estime qu'il avoit acquise de sorte que sa chute, amenée : par des fautes sans nombre, fut, contre toute apparence, sans honneur et sans gloire.

Il continua d'entretenir des relations avec l'Espagne; et l'archiduc lui fit offrir par don Antonio Pimentel

(1) Charles premier perdit la vie sur l'échafaud le 9 février 1649.

une somme de cent mille écus. Il la refusa, mais en observant qu'il n'éloignoit point du tout les vues pour l'avenir; et il déclara que « s'il avoit besoin << d'une protection, il n'en pourroit jamais trouver << une si puissante et si glorieuse que celle de Sa Majesté Catholique, à laquelle il tiendroit toujours à gloire de recourir. » L'archiduc lui répondit que, sur un mot de sa main, il marcheroit con todas las fuerças del Rei el señor.

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La foiblesse du gouvernement assura l'impunité du coadjuteur. Cependant le prince de Condé, dont la protection avoit puissamment contribué à maintenir Mazarin dans le ministère, abusa de son crédit, voulut être le maître absolu de la cour, et exerça sur la Reine même un despotisme dont elle ne tarda pas à être fatiguée. Ses prétentions étoient dans toute leur force, lorsque, au mois de décembre, le coadjuteur fut accusé d'avoir voulu le faire assassiner. Cette accusation étoit fausse, et rien n'étoit plus facile au prélat que de se justifier. Il dit, dans ses Mémoires, qu'il se décida sur-le-champ à braver l'orage; mais Joly, qui lui étoit alors fort attaché, assure qu'il vouloit, ainsi que Beaufort son coaccusé, se réfugier à Peronne, où il espéroit être reçu par d'Hocquincourt; et que Montrésor lui fit abandonner ce parti, qui l'auroit couvert de honte.

Il resta donc à Paris, parut avec hardiesse dans le parlement, et confondit ses accusateurs par un discours éloquent et énergique. Pendant que cette affaire se discutoit, et que les diverses factions y prenoient part avec une chaleur qui compromettoit chaque jour la tranquillité publique, le coadjuteur, pour

donner une preuve de sa sécurité, alla le jour de Noël prêcher dans l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois, paroisse de la cour. Il affecta de ne parler que de la charité chrétienne, et de ne faire aucune allusion aux circonstances. L'effet de ce sermon passa les espérances qu'il avoit conçues jusqu'alors ses discours n'avoient tendu qu'à exciter des passions violentes; et c'étoit une singularité digne de remarque que, dans la position où il se trouvoit, il semblât avoir étouffé tous ses ressentimens. « Les femmes « pleurofent, dit-il, sur l'injustice qu'on faisoit à « leur archevêque, qui n'avoit que de la tendresse << pour ses ennemis. » On ignoroit que dans ce moment, où il étoit obligé de déployer tant d'activité, et de faire des démarches en apparence si opposées, il se trouvoit tourmenté par une maladie secrète, fruit déplorable de ses débauches.

Il avoit la certitude, sinon de l'emporter sur ses ennemis, du moins de se laver entièrement de l'accusation qu'ils lui avoient intentée, lorsqu'il reçut de la Reine un message qui changea la face des affaires. Cette princesse, outrée des prétentions excessives du prince de Condé, avoit résolu de traiter avec les frondeurs. Le coadjuteur eut avec elle, pendant la nuit, des conférences secrètes dans son oratoire; le cardinal Mazarin y prit part; et il fut résolu qu'on arrêteroit, non-seulement Condé, mais son rère le prince de Conti, et son beau-frère le duc de Longueville. Le ministre offrit alors au coadjuteur le chapeau de cardinal, de riches abbayes, et le paiement de ses dettes : il refusa tout, et ne parut s'occuper que des intérêts de ses amis. Le chapeau de T. 44.

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cardinal étoit cependant l'objet de son ambition; mais craignant, peut-être avec raison, que l'offre qu'on lui en faisoit ne fût pas sincère, il ajournoit ses prétentions jusqu'à ce qu'il se fût assuré des dispositions du Pape. Conformément à ce traité, qui donnoit à l'autorité l'assistance d'un parti puissant, les princes furent arrêtés au Palais-Royal le 18 janvier 1650.

Cette arrestation entraîna la disgrâce de l'abbé de La Rivière, qui avoit beaucoup d'empire sur Gaston oncle du Roi, et qui étoit accusé de favoriser les desseins du prince de Condé. Gaston, sous le dernier règne, s'étoit trouvé souvent compromis dans des intrigues politiques : il avoit, à diverses reprises, été obligé de sortir du royaume, et son caractère foible et indécis avoit presque toujours entraîné la perte des hommes assez imprudens pour servir ses projets ambitieux. Depuis la régence, sa conduite paroissoit beaucoup plus sage; il demeuroit fidèle à la Reine, mais il étoit assez fréquemment tenté de profiter des désordres pour s'emparer du pouvoir. Le coadjuteur fut alors admis dans son intimité, et succéda bientôt à la faveur de l'abbé de La Rivière. Dès cette époque la fidélité du prince fut douteuse, et il ne tarda pas à s'embarquer dans des entreprises qui devoient par la suite causer sa ruine.

Cependant le coadjuteur s'étoit placé dans une situation fausse, soit à l'égard de la cour, soit à l'égard des frondeurs. Il servoit Mazarin, quoiqu'il affectât en public de le décrier; et ne pouvant ni acquérir la confiance de ce ministre, ni conserver celle du parti qui vouloit le renverser, il perdoit chaque jour

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