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1799.

vues pacifiques, si des idées révolutionnaires ne se fussent réveillées en France, précisément lorsque tout annonçait qu'il était tems d'arrêter un ébranlement dont les factions les plus contraires augmentaient les secousses dans toutes les crises de la révolution, pour parvenir à leurs fins particulières.

Ces idées révolutionnaires n'appartenaient pas à la masse de la nation; les Français soupiraient généralement après la paix, qui pouvait consolider les nouvelles formes sociales, éloigner d'affreux souvenirs, guérir des plaies profondes, et ramener le règne des lois protectrices.

Mais la seule perspective de paix au dehors, de tranquillité au dedans, de lois protectrices et de bon ordre, jetait dans l'égarement du délire ces hommes affreux, ou plutôt ces monstres à forme humaine, qui bouleversèrent la France, et qui voulaient la bouleverser encore. Leurs nerfs se crispaient, le sang bouillait dans leurs veines, comme si la proie immense qu'ils dévoraient depuis si long-tems, était sur le point de leur échapper. Ils n'osaient pas prononcer formellement qu'il ne fallait jamais faire la paix, mais les conditions qu'ils y mettaient, la rendaient impossible. Nous voulons la paix, disaient-ils, mais nous la voulons glorieuse: cela voulait dire dans leur langage, qu'ils ne consentiraient à poser les armes,

que lorsque l'Europe entière serait hors d'état

de leur nuire, ou qu'elle aurait adopté leurs AN 3. maximes.

En vain leur observait - on que toute paix fondée sur la seule force des armes, n'est jamais durable ; que les traités ne sont religieusement observés par ceux qui les ont conclus, qu'autant que les grandes puissances qui tiennent dans leurs mains les intérêts généraux, trouvent leur avantage dans cette observation (1). Des calculs diplomatiques ne faisaient aucune impression sur leurs esprits: la force était la seule divinité qu'ils invoquaient. A les entendre, ils pouvaient dévorer l'Europe; ils le

(1) Un chacun sait combien il est louable dans un prince de garder la foi, et de procéder rondement et sans finesse; mais l'expérience démontre qu'il n'est arrivé de faire de grandes choses qu'aux princes qui ont su tromper les autres; au lieu que ceux qui ont procédé loyalement, s'en sont toujours mal trouvés. Achille fut donné à élever au centaure Chiron, pour signifier que, comme le précepteur était demi-homme et demibête, son disciple devait réunir les deux natures.

Le prince ayant besoin de contrefaire la bête, doiť quelquefois se faire renard et quelquefois lion, parce que le lion ne se défend pas des filets, ni le renard' des loups. Il faut donc être renard pour connaître les filets, et lion pour faire peur aux autres. Par conséquen prince ne doit point tenir sa parole, lorsque cela lui porte dommage, et que les occasions qui la lui font engager, n'existent plus. Cette maxime ne vaudrait rien

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voulaient, et pour parvenir à ce résultat, peu 1799. leur importait d'éteindre la génération présente, et de changer la France en un vaste désert.

Leur arrière-pensée était parfaitement connue. Antonnelle, un de leurs coryphées, avait dit dans l'Orateur plébéien, n.o 9: Le droit de propriété est la plus déplorable création de nos fantaisies. Je suis convaincu que l'état de communauté est le seul juste, le seul bon, le seul conforme aux purs sentimens de la nature; que hors de là il ne peut exister de sociétés paisibles et vraiment heureuses. Et dans le journal des Hommes libres, n.o 144: Le nombre est infini de ceux qui adoptent l'opinion que les hommes réunis en société ne peuvent trouver le bonheur que dans la communauté des biens. C'est un des points sur lesquels les philosophes, les cœurs sensibles, les moralistes sévères, les imaginations vives, les

si tous les hommes étaient bons; mais comme ils sont tous méchans, et qu'ils ne tiendraient pas leur parole, tu ne dois pas non plus la leur tenir; tu ne manqueras jamais de prétextes pour colorer l'inobservation.

Mais il faut savoir bien déguiser cet esprit de renard, il faut être propre à feindre et à dissimuler; car les hommes sont si simples et si accoutumés à céder au tems, que celui qui trompe en trouvera toujours qui se laisseront tromper. ( Le prince de Machiavel, traduction d'Amelot de la Houssaye; chap. 18.

logiciens exacts, les exprits exercés et les esprits faibles furent et seront toujours unanimes An 8. dans leurs sentimens.

On a vu dans tous les volumes de cette histoire, que la doctrine d'Antonnelle fut constamment celle des anarchistes. Projetant de réduire la France à une population de dix millions d'habitans, il devait entrer dans leurs vues d'anéantir la plus grande partie de l'espèce humaine dans les royaumes voisins de la France. Il fallait donc une guerre perpétuelle, une guerre d'extermination; son véritable résultat devait être de nous réduire à la condition des peuples sauvages.

Les royalistes se réunissaient aux anarchistes pour éloigner la conclusion de la paix. Leurs vues étaient différentes ; ils espéraient qu'à la suite des efforts prodigieux de tout genre faits par la France, elle tomberait dans un tel état d'affaissement et d'inertie, qu'à l'aide des puissances coalisées, les émigrés rentreraient en vainqueurs dans leur patrie désolée, et régneraient sans obstacles sur un peuple réduit aux dernières extremités du malheur, et ne desirant que le repos.

Aux royalistes et aux anarchistes, se joignait la tourbe insatiable des fournisseurs, des entrepreneurs, des agioteurs, et de toutes les sang-sues auxquelles la guerre produisait des. gains immenses. A peine les amis de la paix

osaient-ils faire entendre leurs voix au milieu 1799. du bruit des armes et de celui des factions. Les révolutions ne sont donc pas faites pour les peuples, mais pour quelques individus fourbes ou adroits, qui s'en emparent, concluait le philosophe dans son réduit solitaire, en jetant ses regards soucieux sur les destinées de sa patrie ?

CHAPITRE II.

Les jacobins rouvrent leurs séances sous le titre d'assemblée politique des frères

et amis.

EN
En vain la révolution du 30 prairial promet-
tait un avenir plus heureux. Les anarchistes,
voulant tourner à leur profit cette nouvelle
chance politique, publiaient que c'était pour le
profit de la royauté que les anciens membres
du directoire avaient amené, par la désorga-
nisation et le gaspillage, les défaites des ar-
mées républicaines en Allemagne et en Italie.
Ils avaient probablement raison; mais ils ajou-
taient que c'en était fait de la république, si
ceux qui se donnaient le titre de patriotes éner-
giques, ou de patriotes exclusifs, n'étaient in-
vestis de toutes les dignités, de tous les emplois,

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