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l'habitude et l'assurance de ne vouloir jamais que ce qui est bien. Tel fut le caractère de M. Dusaulx.

Son cœur étoit aussi bon que son esprit étoit ferme; sa sensibilité aussi vive que son caractère étoit calme. Il a fait plus de bien qu'on ne sait en vouloir : il desiroit en faire davantage. C'étoit pour lui que le malheur étoit véritablement la chose sacrée ; il le respectoit avant de le secourir, il l'honoroit par des égards quand il l'avoit fait cesser par des bienfaits. La compassion flétrit quelquefois l'infortune qu'elle remarque: il est une sorte de pitié qui meurtrit la reconnoissance.

La bienfaisance commune n'est qu'un besoin du cœur ; elle est avide de jouissances, et cherche à se satisfaire plutôt qu'à se rendre utile; elle est importune ou indiscrète en croyant n'être que secourable; et souvent elle fait des victimes de ceux dont elle croit faire des heureux. Elle n'est jamais sans mérite, mais elle est quelquefois sans bonté.

La bienfaisance éclairée, exercée, est le produit heureux de la sensibilité de l'ame,

dé la délicatesse de l'esprit, et de la générosité du caractère.

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Combien il doit s'observer celui qui s'approche d'un être souffrant! Un regard oublié, un empressement trop brusque, une question hasardée, un geste de surprise, un rien peut blesser. Il faut répondre à la plainte sans l'attendre, paroître deviner ce qu'on apprend, faire renaître l'espérance avant d'offrir la consolation, préparer le bien qu'on va faire, et sur-tout rassurer la douleur en ne paroissant pas pénétrer tous ses secrets.

Le malheur est presque toujours mérité, sinon par les événemens qui le précèdent, du moins par le découragement qui le suit. Voilà ce qu'il faut paroître oublier, afin que l'infortuné l'oublie; voilà la bienfaisance des belles ames, c'étoit encore celle de M. Dusaulx.

Sa vie offre une foule d'actions qui en seroient la preuve ;je n'en citerai qu'une seule.

M. Dusaulx se promenoit aux Tuileries avec un de ces hommes qui, n'ayant jamais

Jonnu le malheur, semblent en redouter les approches et n'oser même en respirer l'air. La pitié, bienfait de la douleur, puisqu'elle est le souvenir de celle qui n'est plus et la consolation de celle qu'on partage; cette fille du Ciel qu'on voit souvent au chevet du pauvre, et quelquefois sur les marches du trône; cette source de toutes les vertus d'assistance, sans lesquelles les sociétés humaines n'existeroient pas; jamais la pitié n'avoit fait battre le coeur de cet homme, jamais mouillé ses yeux, jamais animé ce regard de bienveillance que le malheureux attend, et qui souvent lui fait oublier les longues heures de la peine.

On méprise le malheur quand on ne sait pas le plaindre; il répugne quand il n'attendrit pas; on le fuit quand on ne veut pas l'adoucir: on cesse d'être homme quand on n'est plus que l'homme du bonheur.

Au détour d'une allée, M. Dusaulx apperçoit un infortuné dont la physionomie, la démarche, l'embarras même lui rappellent le souvenir confus de quelqu'un qu'il

croit reconnoître. Il le voit s'échapper au milieu des arbres et fuir ses regards; mais on n'évite pas ainsi l'homme bienfaisant qui a le sentiment d'une bonne action, dans l'instant même qui en présente l'occasion.

Je veux, s'écrie Dusaulx, parler à cet homme que vous voyez là-bas, couvert des vêtemens de l'indigence. Eh! mon cher . Dusaulx, laissez-là cet homme, on nous regarde; l'allée est remplie de gens de notre connoissance, que dira-t-on de nous?

M. Dusaulx ne pouvoit lui répondre, il étoit déjà auprès de l'infortuné, il l'embrassoit; il avoit reconnu un ancien ami de collége. Déjà il savoit tous ses malheurs, les besoins de sa nombreuse famille, la perte de sa place par une injustice; il lui inspiroit du courage par sa confiance, et dès le lendemain il réalisa toutes ses espérances. M. de Breteuil lui rendit sa place, et M. Dusaulx avoit encore une fois mérité le titre honorable d'homme bienfaisant, le plus beau de tous ceux qu'on doit à la nature, qui a placé la bienfaisance à côté des vices de la société,

comme elle conserve une source d'eau vive et pure au milieu des terres fangeuses.

Ce n'est point pour faire l'éloge de M. Dusaulx que j'ai particulièrement insisté sur LA BONTÉ; c'est pour le peindre d'un seul mot. Dans l'état actuel de la civilisation, qui donne aux impulsions naturelles, des directions si variées, le caractère peut se com→ parer à un arbre dont la culture n'a multiplié les fruits, qu'en les variant à l'infini; pour le connoître parfaitement, il faut retrouver sa première racine. Chaque homme a aussi son premier trait moral; il est dominant, il indique tous les autres, il les explique. Il se manifeste dans toutes les habitudes et dans toutes les actions. La bonté, non pas cette bonté commune, fleur stérile dont on cherche inutilement le parfum et dont on ne cueille jamais le fruit; mais la bonté avec toutes les qualités, les vertus, l'énergie dont elle est la source, étoit ce principal trait de la physionomie morale de M. Dusaulx.

Après avoir terminé ses études, M. Dusaulx acheta une charge de Commissaire de

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