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C'est en parlant de ces hommes dont les contemporains respectoient le caractère, et dont toutes les actions se présentent à la pensée comme les leçons de la morale et les modèles de la vertu, qu'on rendra à la louange son accent naturel, sa puissance, ses moyens d'émulation, ses maximes instructives; et c'est ainsi que l'éloge le plus juste doit se trouver dans le plus simple récit de la vie de M. Dusaulx.

Les mœurs pleines de candeur et d'aménité d'un savant livré à des études utiles; les devoirs d'intérêt public ou particulier; ceux qui distinguent l'homme du monde, utilement avare de son temps, de l'oisif qui le prodigue; les travaux, les projets des diverses classes de la société, tout se retrouve avec éloge dans celui de quelques hommes qui, par leur destinée et leurs talens, ont appartenu à toutes, et dont la vie fut pleine, laborieuse et complète.

M. Dusaulx en est un exemple. Il fut, dans toutes les circonstances de sa vie civile, dans tous les résultats de sa vie littéraire,

dans toutes les époques de sa vie politique, ce qu'il devoit être pour mériter l'amitié de ceux dont il étoit certain d'obtenir l'estime, et la haine de quelques hommes dont il méprisa l'approbation.

Il dut à une famille considérée, le premier sentiment du respect qu'on se doit à soimême, quand on veut obtenir celui des autres, et qui devient l'unique but de toutes les actions, lorsqu'il est l'habitude continuelle du caractère et de la pensée.

peu,

Né avec de la fortune, il put attendre ses succès et mûrir ses travaux. Il écrivit mais pour long-temps. Il fut, dans tous ses ouvrages, grave, énergique et sévère. Ce besoin d'être toujours utile, qui exige tant de méditations et de travaux, ne fut point interrompu pour lui par le malheureux besoin de plaire à cette insouciance oisive qui semble dispenser de savoir tout ce qu'elle ignore; il ne fut pas forcé de prodiguer son temps sur ces œuvres d'un jour, qui ne promettent de lendemain ni à la réputation, ni même aux agrémens de la vie, et qui n'of

frent que des succès éphémères et funestes l'envie, accueillis par la haine, et commandés par l'impérieuse nécessité.

amoindris par l'envie,

M. Dusaulx, pendant soixante ans de sa vie, put faire ce qu'il voulut, achever ce qu'il commença, regarder l'heure présente comme une portion de l'avenir. Elle n'avoit pas encore éclaté cette époque qui devoit, pour ainsi dire, briser le temps, interrompre la succession des années, vieillir de vingt siècles le siècle qui finissoit; et, lorsqu'elle arriva, il put encore échapper aux scènes du malheur qui l'environnoient, par ces réminiscences d'un grand nombre de jours employés à des travaux dont les résultats durables attestent l'utilité. Il pouvoit parler de toutes ses actions passées comme il parloit des amis dont la mort l'avoit séparé, avec cet intérêt attendrissant et consolateur qui, pour celui qui touche au terme de sa vie, n'est, si l'on peut s'exprimer ainsi, que l'absence de ce qu'on regrette, sans être le souvenir douloureux de ce qu'on a perdu.

Je n'ai vu M. Dusaulx que pendant ses trois dernières années; mais celles qui terminent la carrière des hommes de cette trempe sont, pour ainsi dire, remplies des années qui les précèdent. Il n'y a point d'heures égarées pour celui qui les employa toutes avec fruit.

J'ai vu peu d'hommes revenir sur le passé avec autant de plaisir que M. Dusaulx; et j'ai toujours regardé cette satisfaction de souvenir, comme une des plus parfaites indications d'une conscience heureuse. Tant de gens se jettent dans l'avenir et voudroient le traverser, pour échapper au temps qui n'est plus et qui semble moins les vieillir que les poursuivre !

M. Dusaulx s'arrêtoit sur les premières années de sa vie, et, si l'on peut s'exprimer ainsi, il sembloit s'en rajeunir. Lorsque je me promenois avec lui, c'étoit quelquefois pour moi un spectacle touchant de voir ce respectable vieillard, marchant avec la lenteur de son âge, retrouver ces expressions vives et fortes qui ani

ment la gaîté des premières époques de la

vie.

M. Dusaulx fut destiné à la magistrature; sa mère desiroit qu'il prît du goût pour cet état, que son mari avoit honoré long-temps par son intégrité et le désintéressement le plus rare. Cette heureuse mère reconnoissoit déjà dans son fils les précieux germes de ces hautes vertus dont les exemples héréditaires semblent, dans quelques familles, multiplier les modèles. Mais le goût pour les Lettres, que M. Dusaulx manifesta de bonne heure, le jeta dans une autre carrière, et il y porta cet ardent amour du bien qui toujours devoit être pour lui le moyen de voir le mieux et d'y parvenir.

Dans tous les états le talent commence le succès, l'étude et l'expérience l'assurent, c'est le caractère seul qui l'achève; et le caractère est une volonté qui jamais ne s'arrête, lorsqu'elle est immuablement fondée sur des principes de continuelle justice. Sa force est dans sa durée, sa puissance dans son énergie, et ses durables résultats dans

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