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suffiroit, pour s'en convaincre, de lire l'intéressante Notice qu'il publia à la tête des œuvres de l'abbé Blanchet. Que de chagrins cet écrivain aimable, auteur de tant d'apologues ingénieux, et moins connus qu'ils ne méritent l'être, eût évités, si cette énergie de volonté, trop rarement compagne du talent, eût assuré autant de calme sur sa vie, que la douce ingénuité de son esprit répandit de charmes sur ses écrits!

Le Voyage dans les Pyrénées fut le dernier ouvrage de M. Dusaulx. La vigueur du style qu'on y remarque, prouve que l'âge n'avoit pas refroidi son talent; toujours des tableaux vrais, des idées justes, une expression forte et teinte de nature; l'auteur ne peint pas ce qu'il a vu, il montre ce qu'il voit encore; ses souvenirs sont des sensations; on ne croit pas écouter ce qu'il dit, on partage ce qu'il éprouve; ce ne sont pas des images qu'il embellit, mais les objets même qu'il présente. Les Pyrénées sont encore sous ses regards, sous les vôtres. Vous ne le lisez pas, vous le rencontrez; le livre

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vous échappe; vous accompagnez l'auteur; vous parcourez avec lui, près de lui, ces belles montagnes, gigantesques souvenirs de la création, tombeaux des siècles, et où se retrouvent les premières pages de l'histoire de la nature.

M. Dusaulx publia son Voyage dans les Pyrénées peu de temps avant sa mort. Le malheur l'attendoit à cette dernière époque de sa vie. Il fut séduit par les espérances de la révolution, et indigné de ses excès; il parloit avec enthousiasme de ce qu'elle pouvoit être, et avec horreur de ce qu'elle fut.

Il montra dans toutes les fonctions publiques qu'il eut à remplir, ce qui le caractérisoit particulièrement, le courage d'une ame constamment forte et inébranlable. Jamais il ne capitula avec les principes de vertu, de justice et d'honneur qui le dirigèrent toujours dans sa carrière politique, comme dans toutes les actions de sa vie.

L'irréprochabilité est aussi une puissance, et M. Dusaulx l'opposa, souvent avec ́succès, aux efforts de ses ennemis, à leurs

projets, à leurs actions; mais loin de moi toutes les expressions accusatrices! la voix de la pitié doit être écoutée, lorsque les cris de la scélératesse ne se font plus entendre. Jetés par les orages sur les bords de la révolution, que chacun de nous s'empresse à recueillir les débris du passé échappés au naufrage; que les souvenirs de ces temps horribles rendent à la bienfaisance ses droits oubliés, à la vérité son énergie, à la religion son consolant empire, au courage sa prévoyance, et à l'humanité ses vertus.

En parlant des derniers malheurs de M. Dusaulx, je touche à ses derniers instans, je vois sa tombe; l'homme juste y repose : doit-on invoquer la haine près de la tombe de celui qui ne sut jamais haïr? ce seroit peser sur la terre qui le couvre.

Déjà la volonté générale, qui se compose moins de ressentimens que d'espérances, hésite alors même qu'elle condamne. Déjà l'humanité, cette vertu première, reparoît avec l'éclat de la gloire, au milieu des infortunés qu'elle console; elle reprend sa puis

sance, elle assure son influence par les exemples qu'elle donne. L'espérance a déjà séché les larmes des infortunés; elle promet de finir leurs maux.

Hâtons-nous donc de tarir les haines; la religion et la philosophie ne doivent, dans cet instant, que s'occuper des moyens d'arracher des victimes à l'erreur, des oppri→ més à l'injustice, des coupables au désespoir, et quelques années aux discordes. publiques.

Et vous, méprisables écrivains qui, dans vos haineuses et dégoûtantes diatribes cherchez encore à détruire l'union sacrée de la religion et de la philosophie, en ranimant des haines éteintes; vous qui, le poignard de la discorde à la main, remuez la cendre des morts: approchez, si vous l'osez, de la tombe de celui qui, dans toutes les actions de sa vie, montra le plus profond respect pour la religion, et la plus haute estime pour la philosophie. Il est temps enfin que les forfaits de quelques hommes, condamnés à l'obscurité par leurs moyens et à

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l'immortalité par leurs crimes, cessent d'être l'accusation de tous; mais l'injustice est un des fruits que porte la méchanceté. L'esprit de parti, après une longue révolution, finit toujours par être celui des flatteurs, des intrigans et des hypocrites.

Philosophe religieux, M. Dusaulx est mort avec la sécurité de l'espérance. L'immortalité de l'ame, ce dogme sublime, l'effroi du crime et la consolation de la vertu, n'étoit pas un doute pour sa raison, parce qu'il étoit le besoin de son cœur. Si cette croyance n'existoit point par la religion, elle naîtroit du malheur.

Sans la confiance dans la suprême justice, où se seroit réfugiée la pensée de l'homme de bien, dans les temps dont notre histoire est souillée ? et qui plus que M. Dusaulx a dû en souffrir! Ses dernières années furent meurtries par le désespoir; il étoit vrai, et le mensonge triomphoit; il étoit bon, et il ne voyoit plus de bien à faire. Son cœur fut brisé par les maux qu'il ne pouvoit empêcher, les malheureux qu'il ne put secourir,

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