Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

formidables avec lesquelles les alliés s'avançaient pour envahir et dévaster la France. L'Angleterre accéda à ce traité; l'empereur François promit, par écrit, de le ratifier, du moins le bruit s'en répandit alors, et n'a point été démenti depuis. Ce traité garantissait à Joachim la possession du royaume de Naples et lui promettait une augmentation de territoire, par la cession de quelques provinces des états de l'Église. Joachim se crut tellement sûr de la foi des souverains alliés que, sans attendre les ratifications promises, il annonça, par une proclamation, les engagemens qu'il venait de contracter, et se hâta de commencer les hostilités en faisant assiéger Ancône et en s'emparant de Bologne. Il renvoya au vice-roi les prisonniers qu'il fit sous les murs de Reggio, pour éviter, sans doute, d'avoir à rougir à l'aspect des vaincus. Cette pudeur lui fut imputée à crime, quand les événemens de 1814, ayant renversé Napoléon, Joachim, réduit à n'avoir pour protecteurs que ceux dont il s'était fait si précipitamment l'allié, ne vit bientôt en lui-même qu'un prince parvenu, demeuré seul, et découvert devant les dynasties anciennes, rétablies ou consolidées. Il apprit, par ses ministres au congrès de Vienne, que les al liances qu'il venait de contracter étaient moins sûres que ne l'était, au moment où il l'avait abandonnée, la fortune de Napoléon. Il chercha alors à se rendre redoutable, en portant son armée au complet eten état d'entrer en cam

pagne. L'Italie renfermaitun grand nombre d'hommes hardis, qui attendaient avec impatience le moment de soustraire leur pays à la domination de l'étranger. L'Autriche put craindre que Joachim ne fit un appel aux peuples de l'Italie, mais jamais le roi n'avait su, par des concessions faites au temps et aux lumières de son siècle, se ménager cette ressource précieuse. Il ne s'avisa de parler de lois et de régime constitutionnel qu'au moment du péril; il valait mieux tomber, comme il sut mourir, avec courage, que de démentir son caractère, et de parler de liberté dans un pays où il n'avait régné qu'en monarque absolu. On a dit que l'ambassadeur de France, au congrès de Vienne, avait demandé à l'empereur d'Autriche le passage de 80,000 hommes de troupes françaises, destinées à chasser Joachim de Naples, et que, par une espèce de représailles, ce prince avait aussi demandé le passage de 80,000 Napolitains pour faire la guerre à la France; mais cette jactance de sa part n'était pas plus sérieuse que la menace : ni d'un côté ni de l'autre on n'était disposé à entrer en campague; c'était la diplomatie et non la guerre qui, alors, disposait du sort des peuples et du destin des princes. Vers la fin des discussions diplomatiques, et lorsque tout semblait définitivement arrêté par les puissances réunies à Vienne, le départ de Napoléon de l'île d'Elbe et son débarquement en France, donna aux affaires de l'Europe une face nou

velle. Dans la nuit du 1er au 2 mars, le ministre d'Autriche fit parvenir au roi de Naples une note pour l'informer de l'entreprise de Napoléon; Joachim ne l'ignorait pas. Dans la position où il se trouvait, cette entreprise pouvait déterminer les puissances de l'Europe à tenir les promesses qui lui avaient été faites et qu'elles paraissaient décidées à oublier. Déjà le cabinet de Londres avait envoyé à ses représentans, au congrès de Vienne, l'ordre de conclure un traité définitif avec Murat, mais il n'était plus en mesure de profiter d'une disposition qui pouvait, sinon le consolider sur le trône de Naples. du moins reculer le jour où il serait forcé d'en descendre. Joachim, trompé par sa bravoure personnelle, comptait sur le courage de son armée ; il s'attendait à trouver de nombreux auxiliaires dans toutes les villes, dans toutes les campagnes de l'Italie. Le moment d'affranchir ce pays du joug de l'étranger lui parut arrivé, et il se erut les talens nécessaires pour opérer cette grande révolution politique. Un motif plus puissant encore, la crainte de voir Napoléon ressaisir sa puissance, dans les pays qui avaient été soumis à sa domination, ajontait à son impatience naturelle, et donnait à ses mesures cette précipitation aventureuse, qui était le trait le plus marquant de son caractère. Son armée avait déjà franchi les frontières du royaume de Naples et s'avançait en Italie, lorsqu'il reçut l'avis des dispositions favorables du cabinet de Londres. Deux divisions marchaient sur la

Toscane, une autre division couvrait la route de Rome à Naples; les quatre autres, que commandait Joachim en personne, débouchèrent par les Abruzzes. Arrivé à Rimini, le 31 mars, il annonça ses desseins dans une proclamation dont voici un extrait d'après les feuilles publiques du temps.

D

Italiens, disait-il, un seul »cri retentit des Alpes jus» qu'au détroit de Scylla, l'indé»pendance de l'Italie. De quel >> droit les étrangers veulentils vous ravir votre indépen » dance, le premier bien, le pre»mier droit de tous les peuples? >> De quel droit emmènent-ils vos >> fils pour les faire servir et mou»rir loin des tombeaux de leurs »pères? Est-ce que la nature vous >> a donné en vain les boulevarts » des Alpes? Non, non : que toute >> domination étrangère disparaisse » du sol de l'Italie ; qu'aujourd'hui »votre gloire soit de n'avoir plus » de maîtres. Vous avez pour fron»>tières la mer et des montagnes » inaccessibles; ne les franchissez »jamais, mais repoussez l'étranger qui ose les franchir, et constraignez-le de rentrer dans les »siennes. 80,000 Italiens de Na»>ples accourent à vous, sous le commandement de leur roi ; ils »jurent de ne pas se reposer que l'Italie ne soit libre. Italiens de »toutes les contrées, secondez leurs efforts magnanimes; que >> tous les citoyens, amis de leur patrie, élèvent une voix géné» reuse pour la liberté; que la » lutte soit décisive, et nous an»rons fondé, pour toujours, le

[ocr errors]

honheur de notre belle patrie. » Les hommes éclairés de tous les

[ocr errors]
[ocr errors]

pays, les peuples dignes d'un
» gouvernement libéral, les princes
»>qui se distinguent par la gran-
>>deur de leur caractère, applau-
» diront à vos triomphes; l'Angle-
>> terre pourra-t-elle vous refuser
>> ses suffrages? J'ai la preuve de la
» perfidie de vos ennemis; et il
» était nécessaire que vous fussiez
>> convaincus, par une récente ex-
périeuce, combien les libéralités
» de vos maîtres actuels sont vaines
>> et fausses; combien leurs promes-
»ses sont illusoires et menson-
» gères. Je vous prends à témoins,
>>braves et malheureux Italiens
» de Milan, de Bologne, de Turin,
>> de Venise; combien, parmi
» vous, de malheureux guerriers
» et patriotes vertueux sont arra-
»chés du sol paternel? Combien
» gémissent dans les cachots? com-
>> bien sont victimes d'exactions
» et d'humiliations inouïes? Ita-
liens, levez-vous, marchez, je
» fais un appel à tous les braves
» pour qu'ils viennent combattre
>> avec moi; je fais un appel à tous
>> les hommes éclairés, pour que,
» dans le silence des passions, ils
>> préparent la constitution et les
»>lois, qui, désormais, doivent
» régir l'Italie indépendante. »
On voit dans cette proclama
tion que Joachim, quoiqu'il eût
encore à la tête d'une des
divisions de son armée un gé-
néral né en France, n'exceptait
pas les Français de ces étrangers
contre lesquels il appelait l'Italie
aux armes ; il promettait aux Ita-
liens les suffrages de l'Angleterre,
et se taisait sur ceux de la France.
I attaqua les Autrichiens à Cé-
sène, passa le Tanaro, malgré
tous les efforts du général Bian-

chi, et obligea ce général à se retirer au-delà de Reggio. La gauche de son armée occupait Florence et Pistoie, dont elle s'était emparée. Bologne lui ouvrit ses portes, il y fut reçu et salué comme libérateur; mais un agent anglais, portant avec lui ces conseils du cabinet britannique, plus funestes aux nations et aux princes que ne le furent jadis ceux des Grecs, Williams Bentink, demanda que le territoire du roi de Sardaigne, allié de l'Angleterre, fût respecté. Joachim y consentit, et cette condescendance fut une des causes qui pré- · cipitèrent sa chute. Forcé de tenter le passage du Pô à OcchioBello, il échoua dans cette entreprise. Les divisions Pignatelli et Lionon, battues par le général Nugent entre Florence et Pistoie, furent forcées de se replier sur la première de ces deux villes. Le général anglais, qui sans doute attendait ce moment pour lever le masque de médiation dont il s'était couvert, annonça alors qu'il avait reçu de son gouvernement l'ordre de joindre ses forces à celles des généraux autrichiens, et le roi de Naples dut songer à la retraite. Elle devint difficile, par la précipitation avec laquelle les divisions qui étaient à Florence abandonnèrent cette ville, la route de Rome étant ouverte aux Autrichiens. Joachim évacua Bologne le 15 avril, et se retira par la Marche d'Ancône. Il défendit pendant trois jours le passage du Ronco, dont il fit brûler le pont. Après un engagement assez vif, qui força les Autrichiens de repasser la rivière, il continua,

sans être inquiété par l'ennemi, son mouvement rétrograde. Ancône était bloquée, une escadre anglaise entrait dans la Méditerranée poursuivi par les troupes des généraux Bentinck, Frimont et Neupperg, Joachim tenta un dernier effort pour relever sa fortune. Atteint, près de Tolentino, par le général Bianchi, il accepta la bataille qui lui était présentée; commencée dans la matinee du 2 mai, elle ne fut interrompue que par la nuit, et se renouvela au point du jour. Joachim s'y montra avec sa brillante valeur, et y déploya des talens militaires auxquels ses ennemis mêmes rendirent justice; mais il manquait de grosse artillerie, et la jonction des forces du général Neupperg à celles du général Bianchi, achevait de rendre le combat inégal: dès ce moment la retraite devint une déroute complète, les combats de Caprano, de Ponte-Corvo, de Mignano et de San-Germano consommèrent la ruine de l'armée napolitaine. La garde royale, les 2 et 3° divisions étaient entièrement dissoutes, plus encore par la désertion des soldats et par l'abandon des officiers, que par les combats qu'elles avaient livrés. Le 18 mai, à huit heures du soir, Joachim fit demander une suspension d'armes aux Autrichiens : ils refusèrent de traiter avec lui. Après avoir remis le commandement de l'armée au général Carascosa, il entra dans Naples avec son escorte ordinaire, ses officiers de services, et dans l'appareil où il se montrait habituellement. Le calme régnait dans la ville. Un projet de consti

tution fut officiellement annoncé et affiché dans les rues, ressource tardive, ruse impuissante, qui ne trompa personne. Il en repartit dans la soirée du 19. Le duc de La Romana, grand-écuyer, les généraux Rossetti, Giuliano, le colonel Beau fremont, ses deux neveux, le maréchal-de-camp et le colonel Bonafoux, et son secrétaire Coucy avaient été désignés pour le suivre. Tous se rendirent au palais à l'heure indiquée, et en partirent en habits bourgeois; mais il n'est pas vrai, comme on l'a dit, que Joachim eût coupé ses cheveux et ses moustaches. Le roi et son escorte montérent à cheval hors de Naples, et se rendirent le soir même sur la plage de Miniscola, où le major Malceswki, officier d'ordonnance, les attendait avec deux bateaux; ils s'y embarquèrent, emportant avec eux environ cent mille écus en or, que leur apporta le secrétaire Coucy. Le projet de Joachim était de se renfermer dans la place de Gaëte, où la reine avait envoyé ses enfans, et de s'y défendre jusqu'à la dérnière extrémité. A deux heures du matin, ils rencontrèrent le grand bateau ponté, qui transporte les passagers de Gaëte à Ischia. Joachim et les siens montèrent sur ce bateau, et firent voile pour Gaëte; mais une croisière anglaise, établie devant ce port, ne permettait pas d'y aborder. Ils revinrent sur leurs pas, et se firent débarquer à Ischia. Le roi désirait vivement avoir des nouvelles de sa famille; le brave et dévoué Malceswki se jeta dans une barque, et tenta

de pénétrer dans Gaëte, mais il tomba entre les mains des Anglais; sa généreuse action ne trouva point grâce devant eux, et ils usèrent à son égard de rigueurs révoltantes. Quoique les habitans d'Ischia fussent tous dévoués à Joachim, il ne pouvait prolonger son séjour dans cette île, sans s'exposer à tomber entre les mains de ses ennemis. Dans la soirée du 20, le roi, retiré à la maison de la douane, reçut la visite de sa nièce, la duchesse de Corégliano, qui se trouvait à Ischia pour prendre les bains leur entrevue fut longue et touchante. La duchesse avait frété à Naples un bâtiment danois qui devait la transporter en France. Il fut décidé que le roi partirait avec elle sur ce bâtiment, et il se rendit au milieu de la nuit dans la maison où elle était logée. C'est là qu'il apprit, par le retour de son secrétaire, qu'une flotte anglaise, commandée par l'amiral Exmouth, était entrée dans la rade de Naples, et qu'il eut connaissance de la capitulation de Casa-Lauza, en vertu de laquelle les Autrichiens devaient prendre possession du royaume de Naples au nom du roi Ferdinand IV. Cette capitulation ne contenait pas un seul article en faveur de Joachim; pas une seule disposition qui pât le rassurer sur le sort de sa famille. L'exemple qu'il avait donné en 1814, ses généraux l'imitaient en 1815. Il garda le silence, s'avouant sans doute secrètement à lui-même qu'il avait perdu le droit de se plaindre des ingrats. Dans la matinée du 21, le roi envoya recon

naître un bâtiment venant de Naples, et qui faisait voile pour doubler l'île d'Ischia. Ce bâtiment portait un des aides-de-camp du roi, le général Manhiz, qui se rendait en France avec sa famille. Joachim y fut reçu avec son neveu, le colonel Bonafoux, son secrétaire et un valet-de-chambre: le général Manhiz n'adinit point à son bord les autres compagnons du roi. Un second bâtiment, allant également en France, passa le lendemain près de l'ile et les recueillit: la reine, d'après une convention faite avec le commodore Campbell, devait s'embarquer et mettre à la voile aussitôt que la ville de Naples serait remise aux troupes Autrichiennes. Joachim débarqué á Cannes, le 25 mai, avait envoyé un courrier à Napoléon pour l'informer de son arrivée et lui demander ses ordres. Il n'en reçut point de réponse : seulement M. Baudus, qui avait été précepteur de son enfance, lui fut envoyé par le duc d'Otrante. Les discours réservés et la conduite mystérieuse de cet envoyé, é taient peu propres à calmer les inquiétudes du roi. Il quitta Cannes, et vint s'établir près de Toulon, à Plaisance, maison de campagne du vice-amiral Lallemant. Il y reçut la nouvelle que lord Exmouth n'avait point ratifié la convention signée par le commodore Campbell, et que la reine et ses enfans, au lieu de venir le rejoindre en France, seraient transportés à Trieste. Telle fut toujours la politique de l'Angleterre: les agens qui stipulent pour elle sont désavoués par des agens

« ZurückWeiter »