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mille, il en parcourut tous les cantons avec son élève, pour en connaître les différentes constitutions, et pénétra jusqu'à Milan; il y fut reçu avec tous les égards dus au mérite malheureux. Mounier, témoin de l'abus qu'on avait fait en France du dogme de la souveraineté du peuple, voulut en détruire les séduisantes illusions en composant un ouvrage intitulé: Adolphe (Berne, 1794, in-8°), et crut avoir bien servi son pays en le publiant. Les désastres dont fut victime à cette époque la république de Genève, subjuguée par les idées d'indépendance qui régnaient en France, furent l'objet d'un nouvel ouvrage qu'il intitula: Relation des malheurs de Genève. Il prévit alors que la Suisse ne resterait pas long-temps tranquille spectatrice des orages qui l'environnaient, et jugea qu'elle ne serait bientôt plus un lieu de sûreté pour lui; il la quitta au mois d'octobre 1795, se rendit à Erfurt et de là à Weimar. Tous les genres d'afflictions devaient l'assaillir en même temps; jusque-là il avait trouvé dans son bonheur domestique une sorte de compensation aux chagrins de voir sa patrie en proie à la violence des partis, et cette consolation lui fut enlevée : il perdit son épouse. Le soin qu'il devait à ses enfans encore jeunes, put seul lui donner le courage de supporter cette perte; mais les efforts mêmes qu'il fit pour surmonter sa douleur, n'en furent pas moins le germe de la maladie qui l'emporta quelques années plus tard. Mounier, cédant alors à la pro. position que lui fit le duc de Wei

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mar, de former un établissement d'éducation dans un de ses châteaux, nommé le Belvédère, fit annoncer qu'il ne se chargerait que des jeunes gens qui, se déVouant aux fonctions publiques, avaient besoin de compléter leur éducation. Cet établissement, comme tous ceux de ce genre, ne se peupla que très-lentement, mais enfin il réunit un assez grand nombre d'élèves allemands, et surtout anglais, sur lesquels il exerça le plus grand ascendant par le dévouement avec lequel il se livra å leur instruction outre la surveillance générale, il leur fit des cours de philosophie, de droit public et d'histoire, et il lui resta encore assez de moiens pour composer un ouvrage intitulé: De l'influence attribuée aux philosophes, aux francs-maçons et aux illuminės, sur la révolution française, in-8°, Tubinge, 1801; Paris, 1821. Il donne dans la première partie ses idées sur les causes de la révolution; il traite les deux suivantes avec la candeur et l'esprit de justice qui le caractérisaient, et présente dans la dernière un tableau aussi impartial que satisfaisant de tout ce qu'on avait écrit de mieux sur cette matière. Il existe de cet ouvrage deux traductions, l'une anglaise, l'autre allemande. Le 18 brumaire ayant annoncé le retour de l'ordre en France, Mounier sollicita et obtint sa radiation de la liste des émigrés, dans les premiers mois de 1801; il se rendit à Grenoble au mois d'octobre suivant. Son intention était de reconstruire à Lyon l'établissement qu'il venait d'abandonner, mais cédant aux sollicitations de ses anciens collè

gues, il fit le voyage de Paris, et ne put résister aux instances qu'ils lui firent de servir encore son pays sous un gouvernement qui commençait sous les plus heureux auspices. On lui offrit et il accepta, au printemps de 1802, les fonctions de préfet du département d'Ille-et-Vilaine. La terreur et la guerre civile avaient tour-à-tour exercé leurs fureurs dans ce malheureux pays. Il lui fallait un administrateur juste et ferme, pour cicatriser des plaies encore sanglantes, et Mounier é tait éminemment l'un et l'autre, prêt à servir le pouvoir contre les désorganisateurs, et à protéger les citoyens contre les envahissemens du pouvoir. Imbu des principes du gouvernement constitutionnel, le seul qu'il croyait convenir à sa patrie, il en faisait constamment la règle de sa conduite, réprimant tous les excès, et repoussant toutes les mesures arbitraires. Appelé à Paris, sur la fin de 1804, il demanda à passer dans un département dont le climat lui fût plus favorable; la crainte, sans doute, de ne pas le trouver assez docile aux mesures du gouvernement, fit écarter sa demande, et Napoléon, par forme de compensation, le nomma conseiller-d'état. Mounier y conserva son indépendance, et mérita cet éloge du chef de l'état: « Oh! pour celui-là, c'est un hon»nête homme; je sais ce qu'il pense.» Mounier goûta enfin le bonheur dans la capitale : entouré de ses enfans et de ses nombreux amis, il s'occupait, après avoir rempli ses fonctions publiques, à revoir ses cours du Belvedere, pour les refondre en

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suite et les publier. La métaphy sique et la politique surtout, faisaient le sujet le plus ordinaire de ses conversations; il développait, avec complaisance, ses idées sur la monarchie constitutionnelle, pour laquelle il avait combattu quinze ans auparavant. Bientôt ses forces l'abandonnèrent, et il ne lui resta plus que son zèle pour continuer ses travaux : une maladie de foie, dont il était depuis long-temps attaqué, ayant pris tout-à-coup un caractère alarmant, on vit se manifester les symptômes d'une hydropisie de poitrine, et il expira le 26 janvier 1806. Son éloge funèbre fut prononcé par Regnault-de-SaintJean-d'Angely, son ancien collègue, qui le peignit d'un mot, en disant de lui: Cet homme avait la soif de justice. Un Éloge historique de Mounier fut aussi publié quelque temps après, à Grenoble, par M. Berriat-Saint-Prix; on y trouve des détails intéressans. Au reste, l'histoire de Mounier est tout entière dans les écrits mentionnés précédemment; il s'y est peint tel qu'il était réellement; il y rend compte de ses actions, et même de ses pensées, et si l'on veut avoir une notion juste de son caractère, on ajoutera à tout ce que nous avons dit de cet homme estimable, ce vers de Virgile qui se trouve au bas de l'un de ses portraits:

Illum non populi fasces, non purpura regum flexit.

MOUNIER (LE BARON CLAUDEEDOUARD PHILIPPE), fils du précédent, est né à Grenoble en 1784; il suivit sa famille à l'étranger, et rentra en France avec elle à

l'époque du 18 brumaire an 8. Il était auditeur au conseil-d'état lors de la mort de son père, à l'occasion de laquelle l'empereur lui témoigna des regrets qui honoraient la mémoire du défunt, et donnaient à M. Mounier fils l'espoir que le chef du gouvernement s'intéresserait à sa fortune. En ef fet, il fut nommé secrétaire du cabinet en 1809, maître des requêtes en 1810, et, le 12 décembre 1813, il prêta serment en qualité d'intendant des bâtimens de la couronne. Il avait été précédemment gratifié, par Napoléon, d'une action de 25,000 francs sur le Journal de l'Empire (aujourd'hui Journal des Débats), au moment où il était devenu propriété de l'état. Le roi, à son retour en 1814, le maintint dans ses emplois; et le collége électoral de Grenoble le porta, en 1815, comme candidat à la chambre des députés. Dans la même année, eonseiller-d'état, et charge, en 1817, de présider la commission mixte de liquidation, il fut nommé, vers le même temps, directeur-général des domaines, et, en 1819, directeur-général de l'administration départementale et de la police. Administrateur sage et modéré, il laissa des regrets lorsqu'il quitta cette dernière direction au changement de ministère. En 1819, il a été nommé pair de France. MOURAD-BEY, le plus redoutable des chefs de Mamelouks que les Français eurent à combattre en Egypte, naquit en Circassie vers 1750, et fut acheté, dans son enfance, par Mohamed Abou-Dhahab, sous les auspices duquel ses talens et son courage le firent éle

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ver au rang des 24 beys qui gouvernaient l'Egypte. En 1775, il signala sa valeur contre Ali-Bey, qu'il vainquit et fit prisonnier. Après la mort de Mohamed, en 1776, il conçut le projet de s'emparer du gouvernement du Caire, auquel prétendait Ibrahim-Bey, et partit d'Acre pour combattre ce dernier. Les forces des deux rivaux étaient à peu près égales; mais également frappés de la crainte que quelqu'autre prétendant ne s'élevât sur les ruines de celui qui succomberait dans la lutte, ils résolurent de faire la paix, et après une courte négociation, fls convinrent de partager la puissance sous les titres de Cheik-al-Belad, pour Ibrahim, et d'Emir-el-Hadj, pour Mourad cet accord était fait à peine, qu'une ligue des anciens beys, à la tête desquels était Ismaël, se forma contre eux. Obligés de céder à l'orage, ils se réfugièrent d'abord dans le château du Caire, d'où ils parvinrent à gagner la Haute-Egypte. Ils en revinrent bientôt avec des forces considérables, et après une longue alternative de succès et de revers, malgré les fréquentes divisions que l'ambition formait entre eux, mais que leur intérêt commun faisait toujours cesser, ils vainquirent Ismaël et les autres beys, et les forcèrent de reconnaître leur domination. En 1786, la Porte-Ottomane, voulant ressaisir son autorité presque perdue dans ce pays, envoya au Caire le capitan-pacha Ghazy-Haçan, qui obtint quelques avantages sur Mourad et Ibrahim, et nomma pour les remplacer les beys Hacen et Ismaël; mais tandis qu'il s'occupait spécialement à le

ver au Caire une contribution de 45 millions, les troupes ottomanes furent complètement battues par les Mameluks. Le capitanpacha quitta l'Egypte, où les nouveaux beys, qu'il avait investis du pouvoir, ne purent se soutenir contre leurs redoutables adversaires. Ces deux chefs ayant réussi à ne laisser au gouvernement du grand seigneur qu'une ombre d'autorité, représentée par un pacha, auquel on payait un faible tribut, donnèrent alors un libre cours à leur ambition, et se disputèrent souvent la suprématie les armes à la main; cependant ils paraissaient vivre en bonne intelligence, lorsque les Français, sous la conduite du général en chef Bonaparte, débarquèrent en Egypte, et ceux-ci eurent à combattre, d'une part, les beys et leur milice (les Mamelouks), et de l'autre, le pacha et les troupes ottomanes. Quoiqu'unis par les mêmes intérêts, les deux beys n'opposèrent point aux Français la même résistance; Ibrahim, à qui Mourad reprochait de les avoir attirés par sa conduite tyrannique, après leur avoir livré quelques combats partiels, sembla' depuis presque toujours fuir devant eux, tandis que Mourad, fortement décidé à défendre l'Egypte, malgré ses défaites à Rhamanié et à Chebreisse, reparut plus terrible sur le champ de bataille des Pyramides, où la valeur française put scule triompher de son active persévérance. Dans cette mémorable journée, il osa, avec 5 ou 6,000 Mamelouks, soutenir l'attaque de 30,000 guerriers habitués à vaincre. Cependant la perte de ses chameaux, de ses baga

ges et de presque toute son artillerie, le contraignit de gagner la Haute-Egypte, quand, de son côté, Ibrahim, plus prudent que belliqueux, se retirait dans la Syrie, en cotoyant la rive droite du Nil. Chargé de poursuivre Mourad, l'infatigable Desaix ne cessa de le harceler dans sa fuite; mais, toujours battu et repoussé, le bey trouvait constamment de nouvelles ressources dans son activité et son génie. Desaix néanmoins parvint à l'éloigner définitivement du Nil, en remportant sur lui l'importante victoire de Sédiman, qui ouvrit aux Français l'entrée de la Haute-Egypte. Lorsqu'après avoir levé le siége d'Acre, nos troupes évacuèrent la Syrie, Mourad, qui était parvenu à organiser de nouvelles forces, fit une tentative, dont le but était de favoriser la descente de la flotte turque; mais, après des efforts infructueux, il fut encore obligé de regagner la Haute-Egypte, pour y réparer ses pertes. Ce qui lui en assurait les moyens, c'est que personne ne connaissant comme lui toutes les routes du désert, bien que constamment battu, il réussissait toujours à s'échapper avec un petit nombre de cavaliers d'élite, prêts à reprendre l'offensive,aussitôt que l'occasion s'en présentait. Après le retour du général en chef Bonaparte en Europe, Kléber, à qui il avait laissé en partant le commandement de l'armée française d'Orient, eut une entrevue avec Mourad-Bey, qui depuis long-temps la désirait : elle eut lieu dans une île au-dessus de Djizeh, où ces deux braves conclurent la paix, le 30 avril 1800, dix jours après

la célèbre victoire d'Héliopolis, remportée par les Français sur l'armée turque, commandée par le grand-visir. Mourad, pénétré d'estime pour la valeur et la franchise reconnue du général en chef Kléber, lui jura une amitié qui ne s'est jamais démentie, et consentit à recevoir, au nom de la France, le titre de prince gouverneur des provinces d'Assouan et de Djirdjeh, dans le Said (Haute-Egypte). Depuis cette époque, fidèle à ses engagemens, il contribua de tous ses moyens au succès des opérations de l'armée française. Après la mort funeste de Kléber, Mourad envoya proposer des secours au général Menou, son successeur, en lui faisant remettre, par un de ses officiers, le plan de campagne des Anglo-Turcs, et les propositions du grand-visir. Le général français, par un motif de défiance que l'on conçoit difficilement, refusa l'offre du bey, qu'on se trouva obligé de solliciter plus tard, et dans des circonstances qui rendirent son intervention sans effet. Les revers des Français affligè rent sensiblement, Mourad-Bey; l'estime qu'il avait conçue pour eux, l'empêcha de s'unir à leurs ennemis; enfin, il ne participa nullement aux événemens qui les forcèrent d'abandonner l'Egypte. Il mourut, après trois jours de inaladie, le 22 avril 1801. On a varié sur les causes de cette mort, que, dans quelques récits, on attribue à une attaque de peste, et dans d'autres à une tasse de café empoisonnée. Mourad-Bey, sans être d'une haute stature, était un homme de très bonne mine; il possédait cet air de dignité que donne assez or

dinairement l'exercice d'un grand pouvoir; il joignait l'adresse à la force du corps, était somptueux dans ses habits, et sa magnificence égala quelquefois celle des anciens despotes de l'Asie. On lui reproche avec raison quelques actes de cruauté, malheureusement trop communs dans ces contrées, où la civilisation est encore imparfaite; cependant il montra en beaucoup d'occasions de la grandeur d'âme. La fermeté, la franchise et la loyauté formaient le fond de

son caractère.

MOURADGEA D'OHSSON, écrivain ottoman, envoyé extraordinaire de Suède à Constantinople, naquit dans cette ville. Sa famille, originaire de la Grèce, l'éleva avec soin et le fit attacher de bonne heure à la légation de Suède, près de la sublime Porte. Il suivit, avec succès, la carrière diplomatique, et parvint, avec rapidité, au poste de chargé d'affaires, puis de ministre plénipotentiaire, enfin, d'envoyé extraordinaire. Ses talens et ses services furent récompensés par l'ordre de Wasa. La diplomatie ne remplissait pas tellement sa vie active et laborieuse, qu'il ne trouvât encore le temps de se livrer à la culture des lettres. A l'âge de moins de 25 ans, il possédait à fond les langues orientales et connaissait parfaitement les annales de sa patrie, qu'il avait étudiées dans la langue originale. Très-instruit des mœurs et des usages de l'Orient, il résolut, pour mettre à exécution le projet que depuis long-temps il avait formé, de donner l'histoire générale de l'empire ottoman, de se procurer des matériaux dignes

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