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tence contre eux. La cour décida qu'ils seraient ramenés de force devant elle, et que l'arrêt serait exécuté par le comte de Nevers, qui en reçut l'injonction, en ces termes, de la bouche de l'archevêque de Reims : « Nous ordonnons que le comte de Nevers, ici pré«sent, ait à se saisir de vive force des traîtres et << profanateurs de Vézelay, et à les amener par-de«vant le roi, au lieu qui lui sera désigné, pour qu'ils «y soient punis. En outre, ledit comte de Nevers « livrera intégralement à l'abbé Pons tous leurs <«< biens, tant meubles qu'immeubles, en restitution « des dommages qu'ils lui ont causés 1. »

On demanda au comte s'il acceptait cette sentence, et il répondit : « Je l'accepte; » puis il pria la cour d'accorder aux condamnés un délai que lui-même eur avait promis, comptant sur la clémence du roi. Mais le roi, de sa propre bouche, répondit : « Je « vous commande, par mon autorité royale et par la « foi que vous me devez, d'accomplir ce qui vient « d'être arrêté et de ne rien omettre de la sentence. Quant aux délais, ce sera votre affaire; passé le <«< terme d'une semaine, je n'en accorde aucun, ni « à ces gens, ni à vous 2. >>>

1. ... Ut comes Nivernensis, qui de fidelitate regis præsens adest, profanos illos proditores vi comprehendat, et puniendos regi ubi jussus fuerit adducat. Res porro eorun, tam mobiles quam immobiles ex integro pro restitutione illati damni abbati tradat. (Hist. Vizeliac. monast., lib. III, apud Luc d'Achery, Spicileg., t. II, p. 533, col. 1.)

2. De induciis autem tua intererit; nam a me nec tibi nec illis aliquæ conceduntur, quin sequenti dominica perficiatur quod definitum est. (Ibid.)

LETTRE XXIV

Fin de l'histoire de la commune de Vézelay.

Dans la route qu'il fit, en grande compagnie, pour retourner de Moret à Auxerre, le comte de Nevers se montra fort troublé de sa nouvelle situation et des engagements qu'il venait de prendre. D'un côté, il ne voyait aucun moyen de résister aux ordres du roi; de l'autre, sa conscience lui reprochait ce qu'il allait faire contre des hommes que lui-même avait poussés à la révolte, auxquels il s'était lié par serment, et sur lesquels se fondait son espérance d'obtenir la seigneurie de Vézelay1. Il prit un parti moyen, celui d'éluder par un subterfuge la commission humiliante dont il ne pouvait se décharger. Plusieurs de ses affidés se rendirent promptement à Vézelay et y firent publier, à son de trompe, que le lundi suivant, en exécution d'un jugement du roi, le seigneur comte de Nevers ferait arrêter, bien malgré lui, tous les bourgeois qu'on trouverait dans la ville, et les ferait conduire à Paris; qu'il les invitait conséquemment à quitter leurs maisons en sauvant

1. Tyrannus vero dolens super impios quos ad conspirationem incitarat, quos ad facinus provocarat, quorum juratus erat, quorum opes ob fiduciam sui exhauserat, quorum etiam auxilio dominium monasterii Vizeliacensis sese obtinere sperabat... (Ibid.)

leurs meubles, et à chercher un refuge partout où ils pourraient'.

Cette proclamation causa parmi les habitants de Vézelay une sorte de terreur panique. Le vertige les prit quand ils virent devant eux, comme exécuteur de la sentence rendue contre leur commune, le pouvoir même sur l'appui duquel son établissement reposait. Tout ce qu'il y avait d'hommes dans la ville se nirent en devoir de sortir, abandonnant leurs marchandises et leurs propriétés; de sorte que le lendemain il ne restait plus à Vézelay que des femmes et des enfants2. Le comte de Nevers avait donné l'ordre de recevoir les émigrés dans ses châteaux, pourvu qu'ils ne vinssent pas au lieu de sa résidence. Ils se réfugièrent ainsi dans plusieurs forteresses voisines; mais comme leurs bandes étaient trop nombreuses pour qu'ils y fussent tous admis, la plupart s'établirent en campement, sous des huttes construites par eux dans les forêts des environs 3.

1. Missis ergo satellitibus suis, jussit clamare sub voce præconis omnibus oppidanis seu vicanis ex ore comitis, ut sublatis mobilibus cunctis omnes pariter, quaqua possent, confugerent in præsidiis illis, ubi eum minime venturum sperarent... (Hist. Vizeliac. monast., lib. III, apud Luc d'Achery, Spicileg., t. II, p. 533, col. 1.)

2. Et immisit Deus terrorem suum in hominibus illis, et fugerunt, quotquot erant de adversariis, omnes a minimo usque ad maximum, domos, uxores, liberos, possessiones, et mercimonia sua relinquentes, ita ut penitus nemo ex tot millibus summo mane appareret... (Ibid.)

3. Porro impii diffusi sunt per oppida et loca tyranni, quique jussit satellitibus suis atque præpositis, quatenus eos occultarent, excusarent et omnem humanitatem illis exhiberent, tantum sui præsentiam declinare eos juberent. Reliqui circumquaque errando dispersi... inopes et vagi contiguam sylvam occupaverunt, ædificantes ibidem casas... (Ibid., et p. 534, col. 1.)

Le comte s'imaginait que l'abbé Pons, qui n'avait aucune troupe armée à son service, n'oserait faire sa rentrée dans la ville, si lui-même ne l'accompagnait. Pour lui susciter un nouvel embarras et retarder la conclusion des affaires, il fit semblant d'être malade. Mais l'abbé, ne comptant que sur luimême, rentra seul et reprit possession du couvent1. Cette hardiesse obligea le comte à ne pas rester en arrière, et à prouver, du moins en apparence, qu'il obéissait au jugement de la cour du roi. Il envoya quelques hommes d'armes à Vézelay, avec ordre d'arrêter les bourgeois dont il avait eu le temps d'apprendre l'évasion. Ces gens se présentèrent devant l'abbé, et, avec une feinte courtoisie, ils lui exprimèrent leur étonnement de le voir ainsi revenu à l'improviste, malgré le danger qu'il pouvait y avoir pour lui; puis ils lui dirent : « Nous avons com«<mission de notre seigneur pour exercer à votre «< commandement la vengeance décrétée contre vos << adversaires. Si le comte vous a donné des or« dres, répondit l'abbé, c'est votre affaire de les exé« cuter, ou non; pour moi, je n'ai rien à vous dire, si « ce n'est que j'attendrai patiemment l'issue de tout « ce que vous ferez. La besogne serait déjà faite, «reprirent les envoyés du comte, si nous avions << trouvé dans le bourg autre chose que des femmes

1. Existimans autem versutus et callidus comes, quod non præsumeret se absente abbas ingredi in monasterium suum, simulavit languorem. Tunc abbas vecordiam ipsius despiciens, statim ipsa dominica cum triumpho vespere Vizeliacum venit, et monasterium suum obtinuit... (Hist. Vizeliac. monast., lib. III, apud Luc d'Achery, Spicileg., t. II, p. 533, col. 2.)

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<«<et des enfants. - Oui, répliqua l'abbé avec ironie, « vous êtes venus ici quatre hommes pour en arrèter plusieurs milliers 1. » Ils ne répondirent rien; mais l'une des personnes présentes ayant dit que, s'ils voulaient s'emparer des fugitifs, ils en trouveraient quatre-vingts cachés dans le bois le plus proche, leur réponse fut: « Nous ne pouvons y aller mainte<<nant, nous avons un autre chemin à faire 2. »

Les moines de Sainte-Madeleine, voyant qu'ils étaient maîtres du bourg par la fuite de tous les hommes valides, prirent avec eux quelques jeunes gens, fils des serfs qui habitaient les domaines ruraux de l'abbaye, et se répandirent en armes dans les rues, proclamant, avec grand bruit, le rétablissement du pouvoir légitime. Ils allaient de maison en maison à la recherche des usines et des boutiques établies sous le régime de la liberté communale. Arrivés au logis de Simon, ils brisèrent son comptoir de changeur, que l'abbé Pons lui avait concédé autrefois malgré l'avis de tous les frères, et, s'animant de plus en plus à cette puérile vengeance, ils démolirent l'appentis sous lequel se trouvait le comptoir 3. Ensuite ils

1. Respondentes dixerunt se missos ideo esse, ut homines vici illius comprehenderent, sed ingressos neminem præter mulieres et parvulos earum invenisse. Ait illis : « Siccine quatuor homines tot millia com«prehendere venistis? » (Ibid.)

2. « Aliud, inquiunt, iter nobis confecturis; modo non dirigitur illo via nostra : » et sic tergiversantes abierunt. (lbid.)

3. Et egressi sunt quidam de fratribus armatæ cum pueris juventutis, et fregerunt tabulam impii Simonis, et vestibulum domus ipsius quæ contra jus ob contumeliam contradicentium fratrum ædificaverat... (Hist. Vizeliac. monast., lib. III, apud Luc d'Achery, Spicileg., t. II, p. 533, col. 2.), Voyez, sur la concession dont il

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