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« droitures et de leurs franchises, pour la conserva«<tion des puits, des fontaines, et pour le payement « de leurs rentes à vie ou à perpétuité, seront levées « par six personnes que le prévôt fera élire par le << peuple.

« Il n'y aura plus à Laon de tour du beffroi, et « les deux cloches qui y étaient en seront ôtées et « confisquées au roi. Les deux autres cloches qui sont << en la tour de Porte-Martel y resteront, dont la << grande servira à sonner le couvre-feu au soir, le « point du jour au matin, et le tocsin; et la petite, « pour faire assembler le guet1. »

Comme il n'y a guère de révolution sans changement de noms pour les édifices publics, une ordonnance postérieure défendit que la tour dont on avait enlevé les deux grosses cloches de la commune fût appelée tour du beffroi 2. Il semble qu'on voulût, par là, effacer les souvenirs démocratiques attachés à ces vieux murs d'où partait autrefois le signal qui annonçait aux bourgeois libres l'ouverture de l'assemblée populaire ou les dangers de leur cité. Le beffroi ou la grande tour communale bâtie au centre de la ville était un sujet d'orgueil et d'émulation pour les petites républiques du moyen âge. Elles employaient des sommes considérables à la construire et à l'orner, afin qu'aperçue de loin, elle donnât une grande idée de leur puissance. C'était surtout parmi les communes du Midi que régnait cette espèce d'émulation;

1. Recueil des Ordonnances des rois de France, t. II, p. 77 et suiv. 2. « Et défendons que ladite tour soit jamais appelée beffroi. » (Ibid., t. XII, et préface du t. XI.)

elles cherchaient à se surpasser l'une l'autre en magnificence, et quelquefois en bizarrerie, dans la construction de leurs tours. On donnait à ces édifices des noms sonores et recherchés, comme celui de Miranda ou la Merveille1; et il paraît que la fameuse tour de Pise doit à une vanité de ce genre son architecture singulière.

LETTRE XIX

Sur les communes d'Amiens, de Soissons et de Sens.

L'histoire de la commune d'Amiens remonte jusqu'à l'année 1113, année qui suivit la catastrophe de la révolution de Laon. Il paraît que l'exemple de cette dernière ville avait inspiré aux habitants leur premier désir de liberté. Amiens n'était point à cet égard dans une situation aussi simple que Laon : cette grande et antique cité n'avait pas moins de quatre seigneurs. L'évêque exerçait les droits de la seigneurie sur une partie de la ville, le comte sur une autre, le vidame sur une troisième, et enfin le châtelain d'une grosse tour, qu'on nommait le Castillon 2, prétendait aux mêmes droits sur le quartier voisin de

1. Voyez le Recueil des poésies des troubadours, publié par M. Raynouard.

...

2. Pro muro Castellionis (sic enim vocatur)... (Guiberti de Novigent., de Vita sua, lib. III, apud ejusdem Opera omnia, ed. Luc d'Achery, p. 517.)

sa forteresse. De ces quatre puissances, la plus gẻnéralement reconnue, mais la plus faible de fait, était celle de l'évêque, qui, n'ayant point de soldats, tremblait devant le comte et recevait de ses autres coseigneurs des injures qu'il ne pouvait rendre. Par intérêt, sinon par esprit de justice, l'évêque d'Amiens devait donc être favorable à la formation d'une commune, qui, au prix de quelques concessions, lui assurerait un appui contre ses trois rivaux dont elle ébranlerait ou détruirait le pouvoir.

Le hasard voulut que la dignité épiscopale fût alors possédée par un homme d'une vertu exemplaire, d'un esprit aussi éclairé que le comportait son siècle, et plein de zèle pour le bien général. Sans se laisser épouvanter par les terribles scènes qui venaient d'avoir lieu à Laon, l'évêque Geoffroi comprit ce qu'avait de légitime le désir d'indépendance et de garanties pour les personnes et pour les biens. Il céda sans efforts et gratuitement aux requêtes des bourgeois, et concourut avec eux à l'érection d'un gouvernement municipal '. Ce gouvernement, composé de vingt-quatre échevins sous la présidence d'un mayeur, fut installé sans aucun trouble au milieu de la joie populaire; et la nouvelle commune promulgua ses lois dans la forme suivante :

<< Chacun gardera fidélité à son juré et lui prêtera << secours et conseil en tout ce qui est juste.

1. ... Cui episcopus nulla vi exactus debuisset præstare favorem præsertim quum et nemo eum urgeret, et coepiscopi sui eum miserabile exitium et infaustorum civium confligium non lateret. (Guiberti de Novigent., de Vita sua, lib. III, apud ejusdem Opera on mia, ed. Luc 'Achery, p. 515.)

« Si quelqu'un viole sciemment les constitutions << de la commune et qu'il en soit convaincu, la com«<mune, si elle le peut, démolira sa maison et elle « ne lui permettra point d'habiter dans ses limites « jusqu'à ce qu'il ait donné satisfaction.

« Quiconque aura sciemment reçu dans sa maison <«< un ennemi de la commune et aura communiqué << avec lui, soit en vendant et achetant, soit en bu« vant et mangeant, soit en lui prêtant un secours « quelconque, ou lui aura donné ajde et conseil contre « la commune, sera coupable de lèse-commune, et à << moins qu'il ne donne promptement satisfaction en « justice, la commune, si elle le peut, démolira sa << maison.

« Quiconque aura tenu devant témoin des propos « injurieux pour la commune, si la commune en est « informée, et que l'inculpé refuse de répondre en « justice, la commune, si elle le peut, démolira sa << maison, et ne lui permettra pas d'habiter dans ses << limites jusqu'à ce qu'il ait donné satisfaction.

<< Si quelqu'un attaque de paroles injurieuses le << maire dans l'exercice de sa juridiction, sa maison << sera démolie, ou il payera rançon pour sa maison << en la miséricorde des juges.

« Que nul n'ait la hardiesse de vexer au passage, « dans la banlieue de la cité, les personnes domici « liées dans les limites de la commune ou les mar«< chands qui viennent à la ville pour y vendre leurs « denrées. Si quelqu'un ose le faire, il sera réputé << violateur de la commune, et justice sera faite sur « sa personne ou sur ses biens.

<< Si un membre de la commune enlève quelque

« chose à l'un de ses jurés, il sera sommé par le << maire et les échevins de comparaître en présence << de la commune, et fera réparation suivant l'arrêt « des échevins.

« Si le vol a été commis par quelqu'un qui ne soit « pas de la commune, et que cet homme ait refusé << de comparaître en justice dans les limites de la <«< banlieue, la commune, après l'avoir notifié aux gens << du château où le coupable a son domicile, le saisira << si elle le peut, lui ou quelque chose qui lui appar<<< tienne, et le retiendra jusqu'à ce qu'il ait fait répa<< ration.

« Quiconque aura blessé avec armes un de ses ju« rés, à moins qu'il ne se justifie par témoins et par «<le serment, perdra le poing ou payera neuf livres, << six pour les fortifications de la ville et de la com«mune, et trois pour la rançon de son poing; mais << s'il est incapable de payer, il abandonnera son <«< poing à la miséricorde de la commune.

« Si un homme, qui n'est pas de la commune, frappe « ou blesse quelqu'un de la commune, et refuse de «< comparaître en jugement, la commune, si elle le « peut, démolira sa maison; et si elle parvient à le << saisir, justice sera faite de lui par-devant le maire « et les échevins.

« Quiconque aura donné à l'un de ses jurés les « noms de serf, récréant, traître ou fripon, payera « vingt sous d'amende1.

1. Qui vero juratum suum, servum, recredentem, traditorem, etc. (Recueil des Ordonnances des rois de France, t. XI, p. 267.) — En vieux français, récréant signifie renégat.

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