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CHAPITRE XV.

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Les débris de la grande armée, après le passage du Niémen. Défection des Prussiens. Murat abandonne l'armée, qui se replie sur l'Elbe. -Les cabinets de l'Europe, au commencement de 1843.- La Russie forme une sixième coalition. Proclamation adressée aux Français par le prétendant Louis XVIII. -Ouverture de la campagne d'Allemagne.- Victoires de Lutzen, de Bautzen et de Wurtchen. Armistice et congrès de Prague Trahison du prince de Metternich; l'Autriche entre dans la coalition. La France de Napoléon.

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A RIL AOUT 1813.

Avant de suivre Napoléon sur de nouveaux champs de bataille, il nous faut jeter un regard en arrière et reprendre un à un les événements qui se sont passés sur le théâtre de la guerre. depuis sa rentrée à Paris. Les intrigues de l'Angleterre et les manœuvres de la Russie qui ont déjà détaché la Prusse de notre alliance, et qui travaillent à entraîner l'Autriche, appellent aussi notre attention. Les catastrophes qui vont se précipiter n'auront rien de soudain, rien de spontané; l'œuvre en aura été laborieusement préparée par le cabinet de Saint-Pétersbourg et par les ministres de la Grande-Bretagne.

Les débris de la grande armée, après le passage du Niémen, avaient cherché en vain un point de ralliement et une ligne de défense. D'abord on avait espéré que les Russes ne franchi

le

raient pas le fleuve; mais, le 14 décembre 1812, l'ennemi traversa le Niémen et se répandit dans les plaines de Pologne, où les Cosaques massacrèrent et firent prisonniers tous les détachements isolés qui cherchaient à gagner les bords de la Vistule. Murat et le prince Eugène se dirigèrent vers Kænisgberg. Le duc de Tarente tenait Tilsit avec neuf mille Français et le contingent prussien qui se trouvait à Taurogen, sur la rive droite du Niémen. Ce contingent, placé sous les ordres de Masséna, était commandé par le duc d'York. Reynier, le prince de Schwartzenberg et Poniatowski entrèrent à Varsovie. Le roi de Naples crut un instant à la possibilité de tenir sur la Vistule, en attendant les renforts que Napoléon devait lui envoyer dès son arrivée à Paris. Les chefs de chaque corps reçurent, en conséquence, l'ordre de se cantonner le long du fleuve, à Plock, Thorn, Marienbourg, Marienwerder et Elbing. Le général Rapp prit le commandement de Dantzick. Ce fut alors que premier signal des trahisons fut donné à nos alliés par le contingent prussien. Le 31 décembre, le prince d'York ayant traité secrètement à Taurogen avec les Russes, passa de leur côté, et le duc de Tarente se replia sur Koenigsberg, que Murat avait abandonné le 1er janvier 1813, à la nouvelle de la défection de notre allié. Cet événement malheureux n'est pas le seul qui frappe notre armée, déjà éprouvée par de si cruelles catastrophes. Dans le cantonnement de la Vistule, nos soldats ont trouvé une température plus douce et des aliments en abondance. Le bien-être, après tant de privations affreuses, est fatal à un grand nombre, dont les forces délabrées ne peuvent supporter un aussi brusque changement. Les hôpitaux sont encombrés; la mortalité décime les tristes débris de nos divisions, et les généraux Lariboissière et Eblé succombent à ce nouveau fléau. Murat semble avoir perdu la tête, et il se montre complétement audessous de la tâche que lui a laissée Napoléon. Sa retraite est une véritable fuite. Le quartier général a été transporté de Kœ

145 nigsberg à Posen, où viennent se rallier sept mille hommes du duc de Tarente, six mille hommes de la division Heudelet, et seize cents cavaliers de la division Cavaignac, ayant fait partie du onzième corps commandé par le duc de Castiglione. Le roi de Naples, un instant remis de sa panique, parle cependant de reprendre l'offensive et de courir sur les bords de la Vistule, que les Russes sont à la veille de franchir. Mais, le 16 janvier, il transmet son commandement au prince Eugène, abandonne l'armée et part en poste pour son royaume de Naples. Murat croit l'étoile de Napoléon éclipsée pour toujours; il voit l'empire français disloqué par les résultats inattendus de la campagne de Russie, et il se hâte d'aller se placer à la tête de ses sujets, pour sauver sa royauté au milieu du grand naufrage des dynasties napoléoniennes. L'empereur qualifie en termes sévères la conduite de son beau-frère, et il écrit à sa sœur Caroline, reine de Naples :

« Le roi a quitté l'armée le 16. Votre mari est un fort brave > homme sur le champ de bataille; mais il est plus faible » qu'une femme ou qu'un moine quand il ne voit pas l'en» nemi. Il n'a aucun courage moral. »

Et le 26 janvier, écrivant à Murat, il lui dit:

« Je ne vous parle pas de mon mécontentement de la con>> duite que vous avez tenue depuis mon départ de l'armée; » cela provient de la faiblesse de votre caractère. Vous êtes » un bon soldat sur le champ de bataille; mais hors de là » vous n'avez ni vigueur ni caractère. Je suppose que vous

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n'êtes pas de ceux qui pensent que le lion est mort. Si vous

» faisiez ce calcul, il serait faux... »

L'ennemi ayant traversé sans obstacle la Vistule, trois de ses divisions s'avancent vers l'Oder, menaçant de couper le prince Eugène et de tourner ses positions de Posen. Le prince Eugène, investi du commandement de l'armée, se maintient dans cette ville du 16 janvier au 11 février; par cette ta

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titude ferme, il donne le temps aux premières divisions venues de France et d'Italie, de se développer derrière l'Elbe, et il retient dans notre alliance plusieurs puissances dont les vœux étaient déjà du côté de l'ennemi. Il est enfin forcé de se replier. Le 7 février, le prince de Schwartzenberg a livré Varsovie aux Russes par une capitulation; le général Reynier, ainsi abandonné, se retire sur Dresde et découvre la gauche du vice-roi. Sur sa droite, Frédéric-Guillaume a réuni un corps nombreux de Prussiens à Stettin, sous prétexte de former un contingent qu'il a promis à Napoléon après la défection du duc d'Yorck, désapprouvée par lui. Ces troupes entrent en pourparler avec le général russe Wittgenstein. Le prince Eugène évacue Posen et entre à Berlin le 22. Mais il lui faut encore sortir de cette capitale; les Prussiens ont ouvert à l'ennemi la ligne de l'Oder, et c'est sur l'Elbe que le vice-roi va attendre Napoléon.

L'Europe se trouve dans une profonde agitation, et les intrigues se croisent en tous sens de Londres à Saint-Pétersbourg, de Saint-Pétersbourg à Londres, à Vienne et à Berlin. La trahison du duc d'Yorck, la capitulation du prince de Schwartzenberg, l'inaction des contingents prussiens réunis sur l'Oder et qui livrent ce fleuve aux divisions russes, ne sont point de ces actes isolés qui s'expliquent d'eux-mêmes au milieu des grands désastres, lorsque la force qui rattachait entre eux des éléments divers par une énergique cohésion, vient tout à coup à se détendre. Ces faits sont les symptômes d'événements plus graves et de ruptures éclatantes. Napoléon a bien compris la situation lorsqu'il a quitté Smorgoni pour entrer en France. Ce n'est plus que sur la France qu'il peut compter. En vain il essaye encore de conserver quelques illusions sur le rôle que l'Autriche peut jouer dans le conflit, sur l'appui de certains États de l'Allemagne qui lui doivent leur agrandissement et même leur existence. Cinq fois, la France a vaincu les rois coalisés, et les rois conspirent une dernière fois son abaissement.

Alexandre Ier forme le noyau de la sixième coalition avec l'appui moral, les subsides de l'Angleterre, et l'alliance qu'il a conclue le 28 août 1812 à Abo avec Bernadotte, prince royal de Suède. Le contingent suédois que Bernadotte a promis à l'empereur de Russie est tout prêt à entrer en ligne. Il s'agit de gagner la Prusse, de détacher l'Autriche et de soulever l'Allemagne tout entière contre la France. Alexandre se inet à l'œuvre. C'est par la Prusse qu'il commence, comme la plus facile à diriger dans les projets qu'il médite. Il y avait deux voies à suivre pour enlever le cabinet de Berlin à l'alliance française. La première consistait à réveiller l'amourpropre national de la nation prussienne, à l'aigrir contre l'occupation et l'influence françaises, à provoquer un grand mouvement dans l'opinion publique, par l'intermédiaire d'agents qui agiraient sur les sociétés secrètes, et celles-ci sur le peuple; enfin à renouveler la croisade de 1806, alors que la reine, vêtue en amazone et suivie d'une jeunesse pleine d'enthousiasme, parcourait les rues de Berlin prêchant la guerre nationale contre Napoléon. Par ce moyen, Alexandre était sûr d'entraîner tôt ou tard Fréderic-Guillaume dans son parti, quelque répugnance personnelle qu'eût ce roi à rompre le traité solennel de 1812. Mais cette tactique, pour être sùre, avec le caractère que l'on connaissait à Fréderic-Guillaume, esprit bon, loyal, honnête homme, mais incapable de résister à une contrainte d'où qu'elle vînt, présentait un inconvénient. Frédéric-Guillaume, en cédant à regret et lentement, en prolongeant le statu quo par ses irrésolutions, pouvait donner le temps à Napoléon d'arriver à Berlin, de repasser l'Oder, et de porter de nouveau le théâtre de la guerre sur la Vistule et le Niémen. La seconde voie à suivre consistait à s'adresser directement au roi de Prusse, à lui prouver que son intérêt politique était du côté de la Russie et non du côté de la France, à le convaincre des dangers que courait son royaume dans l'alliance

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