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tout le reste de ses revenus pour payer ses créanciers. » Il en vint heureusement à bout et après avoir acquitté pour onze cent dix mille écus de dettes, il se trouva encore en état de créer des pensions pour ceux de ses amis qui en avaient besoin. Exemple rare qu'il n'avait reçu de personne, et que personne n'a encore suivi jusqu'à présent.

» Ce prélat plus content dans sa retraite que lorsqu'il maniait dans le tumulte de la Cour les plus importantes affaires de l'État, continua de suivre avec autant de piété que de courage le nouveau genre de vie qu'il avait embrassé, et il termina enfin sa carrière le 24 août 1679, âgé de 65 ans. Il mourut à Paris, dans l'hôtel de Lesdiguières, et son corps fut porté dans l'abbaye royale de Saint-Denis en France, dont il a été le dernier abbé. Il est inhumé dans la grande église devant le choeur, près de la grille de fer qui le ferme, et du grand pilier de la croisée, vis-à-vis le tombeau de François 1er. Son cœur fut déposé dans l'église des religieuses du Calvaire du Marais, à la prière de Marie-Catherine de Gondi, sa nièce, qui était générale de cet ordre.

>> Il nous reste de ce prélat quantité d'ouvrages qui presque tous ont trait aux troubles qui agitèrent la minorité de Louis XIV. Nous en excepterons la Conjuration du comte Jean-Louis de Fiesque, ouvrage exact et bien écrit, qu'il composa n'étant encore âgé que de 17 ans. »

HISTOIRE

DE

LA FRONDE

A MADAME DE

LIVRE I.

:

L y a plus de douze cents ans que la France a des rois mais ces rois n'ont pas toujours été absolus au point qu'ils le sont aujourd'hui. Leur autorité n'a jamais été réglée, comme celle des rois d'Angleterre et d'Aragon, par des lois écrites; elle a été seulement tempérée par des coutumes reçues, et comme mises en dépôt au commencement dans les mains des Etats-généraux, et depuis dans celles des Parlements (1). Les enregistrements des traités faits entre les couronnes, et les vérifications des édits pour les levées d'argent, sont des images presque effacées de ce sage milieu que nos pères avaient trouvé entre la licence des rois et le libertinage des peuples. Ce milieu a été considéré par les sages et les

(1) L'historien aurait dû remarquer que cette substitution lente des Parlements aux Etats-généraux est une vraie révolution, qui disloqua l'ancienne constitution. En effet, le Parlement de sa nature, était simplement un corps de magistrats. (N. E.)

bons princes, comme un assaisonnement de leur pouvoir, très-utile même pour le faire goûter aux sujets ; il a été regardé par les mal habiles et les mal intentionnés, comme un obstacle à leurs dérèglements et à leurs caprices. L'Histoire du sire de Joinville nous fait voir clairement que saint Louis l'a connu et estimé ; et les ouvrages d'Oresme, évèque de Lisieux, et du fameux Juvénal des Ursins, nous convainquent que Charles V, qui a mérité le titre de Sage, n'a jamais cru que sa puissance fùt au-dessus des lois et de son devoir. Louis XI, plus artificieux que prudent, donna sur ce chef, aussi bien que sur tous les autres, atteinte à la bonne foi. Louis XII l'eut rétablie, si l'ambition du cardinal d'Amboise (1), maitre absolu de son esprit, ne s'y fût opposée. L'avarice insatiable du connétable de Montmorency (2) lui donna bien plus de mouvement à étendre l'autorité de François Ier qu'à la régler. Les vastes et lointains desseins de MM. de Guise ne leur permirent pas sous François II, de penser à y donner des bornes. Sous Charles IX et sous Henri III, la Cour fut si fatiguée des troubles, que l'on y prit pour révolte ce qui n'était pas soumission. Henri IV, qui ne se défiait pas des lois, parce qu'il se fiait en lui-même, marqua combien il les estimait, par la considération qu'il eut pour les remontrances très-hardies de Miron, prévôt des marchands, touchant les rentes de l'hôtel-de-ville. M. de Rohan disait que Louis XIII n'était jaloux de son autorité qu'à force de ne la pas connaître. Le maréchal d'Ancre (3) et M. de Luynes (4) n'étaient que des ignorants qui n'étaient pas capables de l'en informer. Le cardinal de Richelieu, qui leur succéda fit, pour ainsi parler, un fonds de toutes les mauvaises intentions et de toutes les ignorances des deux derniers siècles, pour s'en servir selon ses intérêts. Il les déguisa en maximes utiles et nécessaires pour établir l'autorité royale; et la fortune secondant ses desseins, par le désarmement du parti protestant en France, par les victoires des Suédois, par la faiblesse de l'Empire, par l'incapacité de l'Espagne, il forma

(1) George d'Amboise, premier du nom, cardinal en 1498, premier ministre d'Etat de Louis XII, mort en 1510.

(2) Anne de Montmorency, connétable en 1538, mort en 1567.

(3) Concino Concini, tué au Louvre en 1617.

(4) Charles d'Albert, duc de Luynes, connétable en 1621, mort la même année.

dans la plus légitime des monarchies, la plus scandaleuse et la plus dangereuse tyrannie qui ait peut-être jamais asservi un Etat. L'habitude qui a eu la force en quelques pays d'accoutumer les hommes au feu, nous a endurcis à des choses que nos pères ont appréhendées plus que le feu mème. Nous ne sentons plus la servitude, qu'ils ont détestée, moins pour leur propre intérêt que pour celui de leurs maîtres, et le cardinal de Richelieu a fait des crimes de ce qui faisait autrefois des vertus. Les Miron, les Harlai, les Marillac, les Pibrac et les Faye, ces martyrs de l'Etat, qui ont plus dissipé de factions par leurs bonnes et saines maximes, que l'or d'Espagne et d'Angleterre n'en a fait naître, ont été les défenseurs de la doctrine, pour la conservation de laquelle le cardinal de Richelieu confina M. le président de Barillon à Amboise; et c'est lui qui a commencé à punir les magistrats, pour avoir avancé des vérités pour lesquelles leur serment les obligeait d'exposer leur propre vie.

Les rois qui ont été sages et qui ont connu leurs véritables intérêts, ont rendu les Parlements dépositaires de leurs ordonnances, particulièrement pour se décharger d'une partie de l'envie et de la haine que l'exécution des plus saintes et mème des plus nécessaires produit quelquefois. Ils n'ont pas cru s'abaisser en s'y liant eux-mèmes ; semblables à Dieu qui obéit toujours à ce qu'il a commandé une fois. Les ministres qui sont toujours assez aveuglés par leur fortune pour ne se pas contenter de ce que les ordonnances permettent, ne s'appliquent qu'à les renverser; et le cardinal de Richelieu, plus qu'aucun autre, y a travaillé avec autant d'imprudence que d'application.

Il n'y a que Dieu qui puisse subsister par lui seul les monarchies les mieux établies et les monarques les plus autorisés, ne se soutiennent que par l'assemblage des armes et des lois, et cet assemblage est si nécessaire, que les unes ne se peuvent maintenir sans les autres. Les lois sans le secours des armes tombent dans le mépris les armes qui ne sont point modérées par les lois, tombent bientôt dans l'anarchie. La république romaine ayant été anéantie par Jules César, la puissance dévolue par la force

de ses armes à ses successeurs, subsista autant de temps qu'ils purent eux-mêmes conserver l'autorité des lois. Aussitôt qu'elles perdirent leurs forces, celle des empereurs s'évanouit par le moyen de ceux mèmes qui s'étant rendus maîtres de leurs sceaux et de leurs armes, par la faveur qu'ils avaient auprès d'eux, convertirent à leur propre substance celles de leurs maîtres, qu'ils sucèrent, pour ainsi parler, à l'abri de ces lois anéanties. L'empire Romain mis à l'encan, et celui des Ottomans exposé tous les jours au cordeau, nous marquent par des caractères bien sanglants, l'aveuglement de ceux qui ne font consister l'autorité que dans la force.

Mais pourquoi chercher des exemples étrangers où nous en avons tant de domestiques? Pépin n'employa, pour détrôner les Mérovingiens, et Capet ne se servit, pour déposséder les Carlovingiens, que de la même puissance que les ministres prédécesseurs de l'un et de l'autre s'étaient acquise sous le nom de leurs maires : et il est à observer que les maires du palais, et que les comtes de Paris se placèrent dans le trône des rois, justement et également par la même voie par laquelle ils s'étaient insinués dans leurs esprits; c'est-à-dire, par l'affaiblissement et par le changement des lois de l'Etat, qui plaît toujours d'abord aux princes peu éclairés, parce qu'ils s'imaginent y voir l'agrandissement de leurs autorités, et qui dans les suites servent de prétextes aux grands, et de motif aux peuples pour se soulever.

Le cardinal de Richelieu était trop habile pour ne pas avoir toutes ces vues; mais il les sacrifia à son intérèt. Il voulut régner selon son inclination, qui ne se donnait point de règles, même dans les choses où il ne lui eut rien coûté de s'en donner; et il fit si bien que si le destin lui eut donné un successeur de son mérite, je ne sais si la qualité pe premier ministre qu'il a prise le premier, n'aurait pas du être, avec un peu de temps, aussi odieuse en France, que l'ont été par l'événement celles de maire du palais et de comte de Paris. La providence de Dieu y pourvut au moins en un sens : le cardinal Mazarin qui prit sa place, n'ayant donné ni pu donner aucun ombrage à l'Etat du côté de l'usurpation. Comme ces deux ministres ont beau

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