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et un moyen de couvrir ce système tyrannique d'une apparence de légalité.

On n'hésita plus à abolir sans ménagement les droits les plus anciens et les plus sacrés, à violer les propriétés les plus légitimes, et à dépouiller l'Église de sa dignité, de ses prérogatives et de ses possessions. Il est permis de croire que le pouvoir despotique exercé par une faction, pour le malheur du pays, se serait plus tôt brisé entre ses mains si les déclamations trompeuses sorties de la tribune, les vociférations féroces des clubistes et la licence de la presse n'avaient pas comprimé l'opinion et étouffé la voix de la partie saine de la nation espagnole, qui, l'Europe ne l'ignore pas, en forme l'immense majorité. Mais la mesure de l'injustice a été comblée, et la patience des Espagnols fidèles paraît enfin avoir trové son terme : déjà le mécontentement éclate sur tous les points du royaume, et des provinces entières sont embrasées par le feu de la guerre civile.

Au milieu de cette cruelle agitation, l'on voit le souverain du pays, réduit à une impuissance absolue, dépouillé de toute liberté d'action et de volonté, prisonnier dans sa capitale, séparé de tout ce qui lui restait de serviteurs fidèles, abreuvé de dégoûts et d'insultes, et exposé, du jour au lendemain, à des attentats dont la faction, si même elle ne les provoque pas sur lui, n'a conservé aucun moyen de le garantir.

Vous, monsieur, qui avez été témoin de l'origine, des progrès et des résultats de la révolution de l'année 1820, vous êtes à même de reconnaître et d'attester qu'il n'y a rien d'exagéré dans le tableau que je viens d'en tracer rapidement. Les choses en sont venues au point que les souverains réunis à Vérone ont dû enfin se demander quels sont aujourd'hui et quels seront désormais leurs rapports avec l'Espagne.

On avait pu se flatter que la maladie affreuse dont l'Espagne se trouve attaquée éprouverait des crises propres à ramener cette ancienne monarchie à un ordre de choses compatible avec son propre bonheur, et avec des rapports d'amitié et de confiance avec les autres États de l'Europe. Mais cet espoir se trouve jusqu'ici déçu. L'état moral de l'Espagne est aujourd'hui tel que ses relations avec les puissances étrangères doivent nécessairement se

trouver troublées ou interverties. Des doctrines subversives de tout ordre social y sont hautement prêchées et protégées; des insultes contre les premiers souverains de l'Europe remplissent impunément ses journaux. Les sectaires de l'Espagne font courir leurs émissaires pour associer à leurs travaux ténébreux tout ce qu'il y a dans les pays étrangers de conspirateurs contre l'ordre public et contre l'autorité légitime.

L'effet inévitable de tant de désordres se fait surtout sentir dans l'altération des rapports entre l'Espagne et la France. L'irritation qui en résulte est de nature à donner les plus justes alarmes pour la paix entre les deux royaumes. Cette considération suffirait pour déterminer les souverains réunis à rompre le silence sur un état de choses qui, d'un jour à l'autre, peut compromettre la tranquillité de l'Europe.

Le gouvernement espagnol veut-il et peut-il apporter des remèdes à des maux aussi palpables et aussi notoires? Veut-il et peut-il prévenir ou réprimer les effets hostiles et les provocations insultantes qui résultent pour les gouvernements étrangers de l'attitude que la révolution lui a donnée et du système qu'elle a établi ?

Nous concevons que rien ne doit être plus contraire aux intentions de S. M. C. que de se voir placée dans une position aussi pénible envers les souverains étrangers; mais c'est précisément parce que ce monarque, seul organe authentique et légitime entre l'Espagne et les autres puissances de l'Europe, se trouve privé de sa liberté et enchaîné dans ses volontés, que ces puissances voient leurs rapports avec l'Espagne dénaturés et compromis.

Ce n'est pas aux cours étrangères à juger quelles institutions répondent le mieux au caractère, aux mœurs et aux besoins réels de la nation espagnole; mais il leur appartient indubitablement de juger des effets que des expériences de ce genre produisent par rapport à elles, et d'en laisser dépendre leurs déterminations et leur position future envers l'Espagne. Or le roi notre maître est d'opinion que, pour conserver et rasseoir sur des bases solides ses relations avec les puissances étrangères, le gouvernement espagnol ne saurait faire moins que d'offrir à ces puissances des preuves non équivoques de la liberté de S. M. C., et une garantie suffisante de

son intention et de sa faculté d'écarter les causes de leurs griefs et de leurs trop justes inquiétudes à son égard.

Le roi vous ordonne, monsieur, de ne pas dissimuler cette opinion au ministère espagnol, mais de lui faire lecture de la présente dépêche, d'en laisser une copie entre ses mains, et de l'inviter à s'expliquer franchement et clairement sur ce qui en fait l'objet.

Lettre du comte de Nesselrode, ministre des affaires étrangères de Russie, adressée de Vérone au Chargé d'affaires de l'empereur à Madrid, sur les affaires d'Espagne. (1822.)

Les souverains et les plénipotentiaires réunis à Vérone dans la ferme intention de consolider de plus en plus la paix dont jouit l'Europe, et de prévenir tout ce qui pourrait compromettre cet état de tranquillité générale, devaient, dès le moment où ils se sont assemblés, porter un regard inquiet et attentif sur une antique monarchie que des troubles intérieurs agitent depuis deux ans, et qui ne peut qu'exciter à un égal degré la sollicitude, l'intérêt et les appréhensions des autres puissances.

Lorsqu'au mois de mars 1820 quelques soldats parjures tournèrent leurs armes contre le souverain et la patrie, pour imposer à l'Espagne des lois que la raison publique de l'Europe, éclairée par l'expérience de tous les siècles, frappait de la plus haute improbation, les cabinets alliés, et nommément celui de Saint-Pétersbourg, se hâtèrent de signaler les malheurs qu'entraîneraient après elles des institutions qui consacraient une révolte militaire par le mode de leur établissement.

Ces craintes ne furent que trop tôt et trop complétement justifiées. Ce ne sont plus des théories ni des principes qu'il s'agit ici d'examiner et d'apprécier. Les faits parlent, et quel sentiment leur témoignage ne doit-il pas faire éprouver à tout Espagnol qui conserve encore l'amour de son roi et de son pays? Que de regrets s'attachent à la victoire des hommes qui ont opéré la révolution d'Espagne !

A l'époque où un déplorable succès couronna leur entreprise, l'intégrité de la monarchie espagnole formait l'objet des soins de son gouvernement. Toute la nation partageait les vœux de S. M. C., toute l'Europe lui avait offert une intervention amicale pour rasseoir sur des bases solides l'autorité de la métropole dans les contrées lointaines qui avaient jadis fait sa richesse et sa force. Encouragées par un funeste exemple à persévérer dans la révolte, les provinces où elle avait déjà éclaté trouvèrent dans les événements du mois de mars la meilleure apologie de leur désobéissance, et celles qui restaient encore fidèles se séparèrent aussitôt de la mère-patrie, justement effrayées du despotisme qui allait peser sur son infortuné souverain, et sur un peuple que d'imprévoyantes innovations condamnaient à parcourir tout le cercle des calamités révolutionnaires.

Au déchirement de l'Amérique ne tardèrent pas à se joindre les maux inséparables d'un état de choses où tous les principes constitutifs de l'ordre social avaient été mis en oubli.

L'anarchie parut à la suite de la révolution, le désordre à la suite de l'anarchie. De longues années d'une possession tranquille cessèrent bientôt d'être un titre suffisant de propriété; bientôt les droits les plus solennels furent révoqués en doute; bientôt des emprunts ruineux et des contributions sans cesse renouvelées attaquèrent à la fois la fortune publique et les fortunes particulières. Comme aux jours dont le souvenir seul épouvante l'Europe, la religion fut dépouillée de son patrimoine; le trône, du respect des peuples; la majesté royale, outragée; l'autorité, transportée dans des réunions où les passions aveugles de la multitude s'arrachaient les rênes de l'État. Enfin, comme à ces mêmes jours de deuil si malheureusement reproduits en Espagne, on vit, au 7 juillet, le sang couler dans la demeure des rois, et une guerre civile embraser la Péninsule.

Depuis près de trois ans les puissances alliées s'étaient toujours flattées que le caractère espagnol, ce caractère si constant et si généreux dès qu'il s'agit du salut de la patrie, et naguère si héroïque quand il luttait contre un pouvoir enfanté par la révolution, se réveillerait enfin jusque dans les hommes qui avaient eu le malheur d'être infidèles aux nobles souvenirs que l'Espagne

peut citer avec orgueil à tous les peuples de l'Europe. Elles s'étaient flattées que le gouvernement de S. M. C., détrompé par les premières leçons d'une expérience fatale, prendrait des mesures, sinon pour arrêter d'un commun accord tant de maux qui déjà débordaient de toutes parts, au moins pour jeter les fondements d'un système réparateur, et pour assurer graduellement au trône ses droits légitimes et ses prérogatives nécessaires; aux sujets, une juste protection; aux propriétés, d'indispensables garanties. Mais cet espoir a été complétement déçu. Le temps n'a fait qu'amener de nouvelles injustices; les violences se sont multipliées; le nombre des victimes a grossi dans une effrayante proportion, et l'Espagne a déjà vu plus d'un chef militaire, plus d'un citoyen fidèle porter sa tête sur l'échafaud.

C'est ainsi que la révolution du 9 mars avançait de jour en jour la ruine de la monarchie espagnole, lorsque deux circonstances particulières vinrent appeler sur elle la plus sérieuse attention des gouvernements étrangers.

Au milieu d'un peuple pour qui le dévouement à ses rois est un besoin et un sentiment héréditaires, qui pendant six années consécutives a versé le sang le plus pur pour reconquérir son monarque légitime, ce monarque et son auguste famille viennent d'être réduits à un état de captivité notoire et presque absolue; ses frères, contraints de se justifier, sont menacés journellement du cachot ou du glaive, et d'impérieuses représentations ont interdit au roi lui-même, et à son épouse mourante, la sortie de sa capitale.

D'autre part, après les révolutions de Naples et du Piémont, que les conspirateurs espagnols ne cessent de représenter comme leur ouvrage, on les entend annoncer que leurs plans de bouleversements n'ont pas de limites. Dans un pays voisin, ils s'efforcent, avec une persévérance que rien ne décourage, de faire naître les troubles et la rébellion. Dans des États plus éloignés, ils travaillent à se créer des complices; l'activité de leur prosélytisme s'étend partout, et partout elle prépare les mêmes désastres.

Une telle conduite devait forcément exciter l'animadversion générale. Les cabinets qui désirent sincèrement le bien de l'Espagne lui manifestent depuis deux ans leur pensée, par la nature des rapports qu'ils entretiennent avec son gouvernement. La

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