Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

d'après ses instructions, accepter l'ultimatum des coalisés, et le contre-projet qu'il présente, dans la séance du 15 mars, ne peut être accepté par eux. Dans ce contre-projet, l'empereur Napoléon renonce, il est vrai, à tous droits de souveraineté et de possession sur les provinces illyriennes et sur les territoires formant les départements français au delà des Alpes, l'ile d'Elbe exceptée, et les départements français au delà du Rhin. » Mais il dispose « de la couronne d'Italie en faveur de son héritier désigné, le prince Eugène Napoléon et ses descendants. » Il veut annexer à ce royaume d'Italie les îles Ioniennes. Il excepte des restitutions faites au pape le duché de Bénévent; il conserve à sa sœur, la princesse Élisa, Lucques et Piombino; à Berthier, la principauté de Neuchâtel; au fils de Louis Bonaparte, le grand-duché de Berg. Il stipule des indemnités aux rois et aux princes dépossédés, et, chose grave, il se réserve d'être partie active au congrès, et de discuter la distribution des territoires auxquels il renonce. Enfin il ne parle point de la Belgique et d'Anvers, qu'il compte par conséquent conserver.

Le 18 mars, les plénipotentiaires des cours alliées ont déclaré, au nom et par l'ordre de leurs souverains, que, d'après le contre-projet, « la France garderait une force territoriale infiniment plus grande que ne le comporte l'équilibre de l'Europe; qu'elle conserverait des positions offensives et des points d'attaque au moyen desquels son gouvernement a effectué tant de bouleversements. Les cessions qu'elle ferait ne seraient qu'apparentes. Les principes annoncés à la face de l'Europe par le souverain actuel de la France, et l'expérience de plusieurs années ont prouvé que les États intermédiaires sous la domination des membres de la famille régnante en France ne sont indépendants que de nom. En déviant de l'esprit qui a dicté les bases du traité du 17 février, les puissances n'eussent rien fait pour le salut de l'Europe. L'Europe et la France

même deviendraient bientôt victimes de nouveaux déchirements; l'Europe ne ferait pas la paix, mais elle désarmerait. » En conséquence, les plénipotentiaires des puissances coalisées sont chargés de déclarer que, « fidèles à leurs principes et en conformité avec leurs déclarations antérieures, les puissances alliées regardent les négociations entamées à Châtillon comme terminées par le gouvernement français. Ils ont ordre d'ajouter à cette déclaration celle que les puissances alliées, indissolublement unies pour le grand but qu'avec l'aide de Dieu elles espèrent atteindre, ne font pas la guerre à la France; qu'elles regardent les justes dimensions de cet empire comme une des premières conditions de l'équilibre politique, mais qu'elles ne poseront pas les armes avant que leurs principes aient été reconnus et admis par son gouvernement'. »

A la suite de cette rupture, le prince de Metternich, qui n'a cessé d'entretenir avec le duc de Vicence des relations amicales et confidentielles, lui écrit de Troyes, à la date du 18 mars : « Je ne crois pas que la déclaration qui vous a été faite puisse vous surprendre, quand, après six semaines de réunion, le premier contre-projet présenté par la France diffère totalement de l'esprit qui a dicté le projet des puissances. Elles n'ont pu entrevoir dans ce fait qu'une recherche, de la part de votre cabinet, de traîner les négociations en longueur. Nous ne poserons pas les armes sans avoir atteint le seul fruit de la guerre que nous croyions digne de notre ambition, la certitude de jouir, pendant des années, d'un repos qui ne vous est pas moins nécessaire qu'à nous. »

Le prince de Metternich écrit encore au duc de Vicence, le même jour : « Les affaires tournent bien mal, monsieur le duc. Le jour où l'on sera tout à fait décidé pour la paix, avec les sacrifices indispensables, venez pour la faire, mais non

1. Protocole des conférences de Châtillon-sur-Seine, séance du 18 mars 1814.

pour être l'interprète de projets inadmissibles. Les questions sont trop fortement placées pour qu'il soit possible de continuer à écrire des romans, sans de grands dangers pour l'empereur Napoléon. Que risquent les alliés? En dernier résultat, après de grands revers, on peut être forcé de quitter le territoire de la vieille France. Qu'aura gagné l'empereur Napoléon? Les peuples de la Belgique font d'énormes efforts dans le moment actuel. On va placer toute la rive gauche du Rhin sous les armes. La Savoie, ménagée jusqu'à cette heure pour la laisser à toute disposition, va être soulevée, et il y aura des attaques très-personnelles contre l'empereur Napoléon, qu'ou n'est plus maitre d'arrêter... Je vous ai voué, mon cher due, la confiance la plus entière: pour mettre un terme aux dangers qui menacent la France, il dépend encore de votre maître de faire la paix. Le fait ne dépendra plus peut-être de lui sous peu. Le trône de Louis XIV, avec les ajoutés de Louis XV, offre d'assez belles chances, pour ne pas être joué sur une carte. Je ferai tout ce que je pourrai pour retenir lord Castlereagh quelques jours. Ce ministre parti, on ne fera plus la paix'. >>

Ces documents intimes achèvent d'éclairer la situation et de mettre en lumière la faute commise par Napoléon. Le duc de Vicence ne le rejoint, il est vrai, que le 23 mars à SaintDizier, où l'a conduit le mouvement commencé le 20; mais la rupture des conférences de Châtillon lui est connue; le duc de Vicence ne lui a pas dissimulé les dispositions des coalisés; celles de ses serviteurs les plus dévoués à Paris, celles de Paris même lui ont été révélées par les dépêches qui n'ont cessé de se succéder. Son conseil privé, consulté sur l'ultimatum européen du 17 février, a déclaré à l'unanimité, moins une voix, qu'il fallait l'accepter; enfin il connaît les événements

1. Cité dans les documents du Manuscrit de 1814, page 336.

du 12 mars, à Bordeaux. Malgré les lumières qui jaillissent de tous côtés de la situation, il s'éloigne de Paris, au moment où la rupture des conférences de Châtillon fait disparaître la dernière chance de paix qui soutenait les espérances du pays, et il laisse le chemin de cette capitale, où tout le monde, même ses partisans dévoués, aspirait à la paix, ouvert aux coalisés qui ne cessent de répéter qu'ils viennent l'apporter, et qu'ils ne font pas la guerre à la France. Depuis le commencement de la campagne, toutes les fois que la route de cette ville ne leur a pas été fermée, ils y ont marché, et tout son plan est fondé sur l'espoir que les deux armées européennes, dont chacune est trop forte pour qu'il puisse l'attaquer de front, abandonneront un chemin resté ouvert et menant au cœur de la France, pour le suivre dans son mouvement vers la frontière!

C'était trop présumer de l'ancien prestige de son nom, et de la terreur que son génie militaire inspirait à ses adversaires. La raison veut que, dans les choses humaines, on calcule sur le probable, et non sur le possible. Or le calcul des probabilités le plus simple indiquait que les coalisés marchaient sur Paris, dont la route restait ouverte, et que la prise de Paris entraînerait la chute de Napoléon. Les lieutenants de l'Empereur étaient frappés de ce péril, que seul il ne voulait pas voir1.

1. « L'Empereur me dit qu'il voulait, après avoir combattu l'armée autrichienne, prendre presque toutes les garnisons avec lui, et manœuvrer sur les derrières de l'ennemi. Pendant ce temps, il me laisserait en avant de Paris et me chargerait de la défense de la capitale. Je lui représentai que le rôle contraire me paraissait plus convenable. La défense de Paris exigeait le concours des pouvoirs civils, dont lui seul pouvait faire usage. Sa présence à Paris et son action immédiate sur cette ville valaient une armée, tandis que moi je n'y compterais que par le nombre de mes soldats. Il devait donc prendre pour lui dans ce moment le rôle défensif et me laisser le rôle offensif. Il me disait qu'il voulait aller lui-même à Verdun et à Metz, mais qu'il manœuvrerait de manière à être plus près de Paris que l'ennemi, ce qui, dans la condition donnée, paraissait difficile. » (Mémoires du duc de Raguse, tome VI, page 220.)

IV

SUITE DE LA CAMPAGNE DE FRANCE.

SUR PARIS.

MARCHE DES COALISES

Nous avons pris jusqu'ici notre point de vue dans les conseils de Napoléon; le moment est venu de pénétrer dans le conseil des coalisés, et de voir quels projets y étaient agités pendant qu'il commençait cette dangereuse manœuvre. Les souverains étaient entrés sur notre territoire sans parti pris contre Napoléon; ils n'espéraient pas le renverser, ils ne le désiraient pas. Toute leur ambition se réduisait à diminuer sa puissance et à lui ôter les moyens de troubler la paix du monde, en ramenant son empire à des proportions plus étroites et en organisant territorialement l'Europe contre lui. La pensée du retour des Bourbons ne leur était pas venue. Ils ne le croyaient ni désiré, ni désirable, ni possible. Le 22 janvier, l'empereur Alexandre, en entrant à Langres, disait à son hòte le baron de Chalancey, qui cherchait à lui suggérer cette pensée, que « la France ne désirait point le retour des Bourbons, et que les souverains coalisés n'avaient point le projet de favoriser leur rentrée en France'. » Comme M. de Chalancey insistait en disant que les Français verraient avec bonheur les Bourbons régner sur la France Alexandre reprit : « Vous le désirez, un certain nombre de gentilshommes comme vous peuvent le désirer aussi; mais je suis convaincu que la majorité de la France ne veut pas des Bourbons, le peuple surtout n'en veut pas. » Alors un ouvrier menuisier, qui achevait de monter un lit dans l'alcôve où devait coucher Alexandre

1. Ce fait et les détails qui suivent nous ont été communiqués et certifiés par M. Théodore de S.-F., neveu de M. de Chalancey.

« ZurückWeiter »