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DE LA GUERRE

DE LA PÉNINSULE,

DE 1807 A 1814,

SERVANT D'INTRODUCTION AUX JOURNAUX DES SIÉGES FAITS

OU SOUTENUS PAR LES FRANÇAIS DANS cette guerre.

CAMPAGNE DE 1807 ET DE 1808.

I.

Le traité de Tilsit fut signé le 8 juillet 1807. Napoléon se trouvait à l'apogée de sa puissance et de sa gloire; il porta ses vues sur l'Espagne.

Ce royaume était lié à la France par le traité de Saint-Ildephonse, et, depuis dix ans, il faisait pour elle de très-grands sacrifices. Il payait chaque année un subside de 50 millions de francs pour aider aux frais de la guerre; sa marine avait été anéantie avec la nôtre à Trafalgar, en combattant contre les Anglais; et son armée, forte à peine de cent mille hommes, avait dû fournir un corps auxiTome 1.

liaire de seize mille vétérans, sous les ordres du marquis de la Romana, qui, d'abord envoyé en Italie, avait été dirigé ensuite sur les rivages lointains de la Baltique. Le pays était d'ailleurs mal administré, et se trouvait sans commerce, sans industrie. Il n'avait guère d'autres ressources que les galions qui lui étaient expédiés du Mexique; mais les Anglais, maîtres des mers, empêchaient depuis longtemps ces riches convois d'arriver.

Charles IV, vieillard faible et indolent, ne régnait que de nom; son favori, Manuel Godoy, créé prince de la Paix pour avoir conclu le traité qui soumettait son pays à la France, s'était emparé de la conduite des affaires. Aucune démarche ne lui coûtait pour assurer sa puissance; il était abhorré de toute la nation. Le prince des Asturies, héritier du trône et en âge de gouverner, était le point de ralliement des mécontents et l'objet de la haine du ministre. Godoy redoutait sa domination après la mort du Roi, et cherchait tous les moyens de le perdre. Il parvint même à le faire arrêter, sous le prétexte d'une conspiration; mais, craignant l'animadversion publique et les conséquences d'une détermination si hardie, il s'employa ensuite pour le faire mettre en liberté.

Un tel état de choses ne pouvait durer. Les Espagnols désiraient un changement de gouverne

ment, et regardaient même déjà comme prochaine une abdication forcée du Roi en faveur de son fils. Napoléon pouvait hâter cette révolution; les vœux de l'Espagne se tournaient donc vers lui, et l'éclat de ses victoires, joint au désir de sa puissante intervention, l'avait rendu l'objet d'une affection portée jusqu'à l'enthousiasme. Ces dispositions favorisaient ses projets de conquête, et lui offraient les moyens d'enlever à la maison de Bourbon le seul trône qu'elle possédât encore. Il n'avait pas oublié la proclamation menaçante que le prince de la Paix avait fait paraître au mois d'octobre 1806, huit jours avant la bataille d'Iéna (1); et il avait toujours à craindre une diversion du côté des Pyrénées au moment où il serait engagé contre les puissances du Nord. Il voulut fixer l'irrésolution de l'Espagne avant que les Anglais en profitassent pour dominer toute la Péninsule, ce qui eût fait crouler tout son système continental.

moyen

Pour assurer le succès de son entreprise, Napoléon voulut d'abord occuper le Portugal, comme d'en éloigner les Anglais, qui déjà y exerçaient une très-grande influence. Dans ce but, il feignit de se réconcilier avec le prince de la Paix, et l'amena à conclure un traité secret, qui fut signé

(1) Voir pièces justificatives, n° 1.

à Fontainebleau le 27 octobre 1807. Par ce traité, la famille de Bragance devait être dépossédée du Portugal et le pays partagé en trois principautés; l'une, donnée en souveraineté à Godoy; une autre au roi d'Étrurie, gendre de Charles IV, en compensation de la cession faite par lui à l'Empereur de la Toscane et du duché de Parme, qui devaient être réunis au royaume d'Italie; la troisième devait rester en dépôt jusqu'à la paix générale. Provisoirement, tout le pays devait être occupé par les troupes françaises et espagnoles (1).

Conformément à ce traité, et avant même qu'il fût signé, le général Junot franchit la Bidassoa, le 18 octobre, à la tête de vingt-cinq mille hommes, se dirigeant sur Salamanque, pour entrer de là en Portugal. En même temps, vingt mille hommes de troupes espagnoles, formés en trois corps sous les ordres des généraux Taranco, Caraffa et Solano, se portèrent à Tuy, à Alcantara et à Badajoz, pour faire partie de l'expédition, et se trouvèrent ainsi dirigés du côté opposé à celui où étaient les véritables dangers de l'Espagne. Junot avait l'ordre de s'avancer à marches forcées, afin de ne pas être prévenu à Lisbonne par les Anglais. Il quitta Salamanque le 12 novembre; et, prenant le chemin

(1) Voir pièces justificatives, no 2 et 3.

le plus court, il se dirigea, par Ciudad-Rodrigo et le Puerto de Peralès, sur Alcantara, où il fit sa jonction le 17 avec le corps espagnol du général Caraffa. L'armée française était déjà fort affaiblie et sans vivres. Elle venait de faire cinquante lieues en cinq jours, à travers des montagnes incultes qui n'offraient qu'un vaste désert. Le temps était affreux et la pluie tombait par torrents. Mais Junot, sachant que marcher était vaincre, partit d'Alcantara le 19, et entra en Portugal par Zarza-laMayor, Segura et Castelbranco, se dirigeant sur Abrantes. Il proclama qu'il n'avait d'autre but que de soustraire le gouvernement de Portugal au joug de l'Angleterre, et de mettre le pays en état de soutenir son indépendance. Déjà le Régent, dans l'espoir de conjurer l'orage, avait, le 20 octobre, ordonné la saisie des marchandises anglaises et interdit aux vaisseaux de cette nation l'entrée des ports du Portugal. Mais, instruit de la prochaine arrivée de l'armée française et des projets de Napoléon, il s'embarqua le 27 novembre, avec la famille royale et toute la cour, pour se réfugier au Brésil. Junot pressa sa marche avec quelques bataillons d'avant-garde, et, le 30, il entra à Lisbonne sans coup férir. Le reste de l'armée, exténué par dix-huit jours de marches forcées à travers des montagnes arides, était resté à dix ou quinze lieues en arrière, et n'offrait plus qu'une masse confuse

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