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l'attachement que vous avez pour la République Française, ce qui me ferait désirer de trouver le moyen de vous donner des preuves de l'estime que je vous porte. L'occasion me paraissant aujourd'hui favorable, je me suis empressé de vous écrire cette lettre amicale, et j'ai chargé un de mes aides-de-camp de vous la porter, pour vous la remettre en main propre. Je l'ai chargé aussi de vous faire certaines ouvertures de ma part; et, comme il ne sait point votre langue, veuillez bien faire choix d'un interprète fidèle et sûr, pour les entretiens qu'il aura avec vous. Je vous prie d'ajouter foi à tout ce qu'il vous dira de ma part, et de me le renvoyer promptement avec une réponse écrite en turc, de votre propre main. Veuillez agréer mes voeux et l'assurance de mon sincère dévoûment. >>

Dès le 20 germinal ( 9 avril ), d'après les ordres du Directoire, concertés sans doute avec Bonaparte, qui était alors à Paris, le ministre de la marine avait chargé le général Chabot d'envoyer un de ses principaux officiers porter à Ali une lettre par laquelle on lui témoignait toute la satisfaction et la reconnaissance du gouvernement pour les secours qu'il avait donnés à l'escadre française, et son offre de les continuer.

' Ces ouvertures consistaient, dit-on, à s'emparer de la Macédoine et à favoriser le soulèvement de la Grèce. Il n'y a que Lavalette qui puisse le dire. Il n'est pas douteux que la politique commandait à Bonaparte de mettre, à tout événement, dans ses intérêts, un homme tel qu'Ali-Pacha.

L'absence d'Ali-Pacha ne permit pas à Lavalette, lorsqu'il fut arrivé à Corfou, de remplir sa mission. Le général Chabot cependant exprima son étonnement de ce qu'on l'envoyait au pacha sans présens et sans suite; ne croyant pas devoir différer l'exécution des ordres qu'il avait précédemment reçus du ministre de la marine, et encouragé encore par la nouvelle de la prise de Malte, il envoya à Janina, auprès des deux fils d'Ali, Mouctar et Veli, qui étaient dans cette ville, l'adjudant-général Rose, déjà employé avec succès dans plusieurs missions auprès du pacha. Rose donna un grand éclat à sa mission, et fut reçu avec solennité, le 6 messidor (24 juin ). II leur remit la dépêche du ministre de la marine, une lettre du général Chabot, et leur dit qu'il avait reçu de Bonaparte l'ordre de leur annoncer la prise de Malte après un combat de quelques heures, l'entrée d'une escadre considérable dans les mers du Levant, et l'assurance qu'il donnait à Ali-Pacha et à ses fils, de la protection et de l'amitié de la République.

« Je ne puis vous exprimer, écrivit Rose à Bonaparte, l'effet que cette nouvelle fit sur les deux jeunes pachas, la joie qu'ils en témoignèrent, et l'assurance de leur reconnaissance. Ils ajoutèrent qu'il n'y avait pas d'offres que ne vous ferait AliPacha pour contribuer à la gloire de la grande nation. Nous étions convenus qu'il y aurait un tartare tout prêt, que nos lettres le seraient également, et qu'il partirait de suite pour porter ces

nouvelles à Ali-Pacha, à son camp. Le tartare partit lorsque j'étais encore avec les pachas. >>

Rose, dans sa lettre, ne tarissait point sur le dévoûment d'Ali-Pacha et de ses fils, sur la confiance qui leur était due, et sur le grand parti qu'on en tirerait, si la France dirigeait quelques troupes du côté de l'isthme de Corinthe.

Sur la nouvelle de la prise de Malte, que Rose avait fait passer dans les montagnes de Maïna, le bey de cette contrée le chargeait de faire ses complimens à Bonaparte, et de l'assurer de tout son dévoûment à la République Française '.

D'après l'accueil fait à Rose par les fils d'Ali, le général Chabot ne doutait pas que le pacha, dès qu'il serait informé du voisinage des forces françaises, ne quittât l'armée et ne se rendît à Janina. Il exaltait également la puissance, l'amitié, les talens d'Ali, et ne jugeait pas nécessaire de prendre de ce côté-là les précautions que Bonaparte lui avait recommandées. Il n'en était pas ainsi du pacha de la Morée, qui ne cessait d'accabler les Français de vexations. Le général Chabot croyait que les Grecs étaient pour la France, et que les Maïnotes surtout lui étaient dévoués.

Ainsi, comme on le verra dans la suite, les agens français étaient dupes de la fausseté et de la perfidie d'un brigand cruel, qui ne connaissait d'autre que ses intérêts. Il est vrai que la France ne

loi

Lettre du 24 messidor (12 juillet).

dépensait pour se le rendre favorable, que de stériles protestations.

Du reste, à la nouvelle de la prise de Malte, l'allégresse fut générale dans les départemens des Iles-Ioniennes ; des fêtes publiques furent célébrées dans toutes les communes; Corfou et Zante se distinguèrent par leur pompe et leur magnificence. Le président de l'administration du département de Corcyre, Teotoky et le secrétaire Loverdo', exprimaient à Bonaparte l'ardent désir de voir. dans leur pays leur libérateur, de le connaître, et de lui témoigner leur reconnaissance.

Reprenons la suite des opérations de Bonaparte à Malte. Il écrivit au roi d'Espagne :

« La République Française a accepté la médiation de Votre Majesté pour la capitulation de la ville de Malte.

2

M. le chevalier d'Amati, votre résident dans cette ville, a su être à la fois agréable à la République Française et au grand-maître. Mais vu l'occupation du port de Malte par la République, la place de M. d'Amati se trouve supprimée. Je le recommande à Votre Majesté, pour qu'elle veuille bien de pas l'oublier dans la distribution de ses grâces.

Je prie Votre Majesté de croire aux sentimens d'estime et à la très-haute considération que j'ai pour elle 2. >>

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2.

Depuis, entré au service dans les armées de la République, général de brigade en 1813, et lieutenant-général en 1815. 2 Lettre du 29 prairial ( 17 juin ).

Pendant que la flotte française faisait de l'eau Bonaparte acheva d'improviser, pour ainsi dire, en deux jours, l'organisation de toutes les branches de l'établissement public.

Par ses arrêtés des 28 et 29 prairial (16 et 17 juin), il ordonna la formation de la garde nationale, prescrivit le désarmement du reste des habitans de l'île, et fit approvisionner les forts. Il mit l'administration publique sous la direction du général commandant Malte, détermina la levée régulière des impôts, ainsi que leur emploi et celui du produit de la vente des domaines nationaux. Il les appliqua d'abord aux besoins des troupes de terre et de mer; ensuite à l'établissement d'une école centrale et de différens cours publics à l'école et dans les hôpitaux; enfin à l'entretien de la bibliothèque et des autres établissemens publics. Il décida aussi qu'un certain .nombre de jeunes Maltais seraient admis dans les colléges de France. Les distinctions nobiliaires et toute espèce de servitude furent abolies, plusieurs ordres religieux supprimés; l'exclusion des religieux étrangers à l'île prononcée; la liberté des cultes proclamée; enfin l'exercice du ministère évangélique fut déclaré gratuit.

Il restait à payer au grand-maître Hompesch le prix de sa faiblesse et de sa lâcheté, les 600,000 fr. stipulés par la convention. Bonaparte lui en fit compter 300,000, savoir, 100,000 en argent, et le reste en quatre traites du payeur sur celui de Strasbourg, qu'il invita le Directoire à faire acquitter. 300,000 fr. furent laissés à Malte, du

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