Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

ner, et que les chevaliers avaient presque entièrement cessé de faire aux Barbaresques cette guerre d'extermination pour laquelle ils avaient été institués.

Le dernier grand-maître, Emmanuel de Rohan, vieillard sans ambition et sans énergie, avait laissé énerver son pouvoir et flotter au hasard les rènes de son gouvernement. Ferdinand de Hompesch, nouvellement élu, suivait avec indifférence cette funeste tradition. Dans toute l'Europe, et jusque parmi les habitans de Malte, cet ordre était frappé de mépris.

A ces motifs de déconsidération se joignait l'influence de plusieurs chevaliers des langues de France, qui professaient assez ouvertement des principes favorables à la cause de la République.

La seule mesure que l'ordre eût prise pour se retremper, au milieu de tant de périls imminens avait été de chercher à se mettre sous la protection du czar Paul rer.; mais, par un singulier hasard, le courrier que cet empereur envoyait à Malte porter son acceptation, avait été arrêté en Italie par un parti de Français, et conduit au géral en chef Bonaparte.

La connaissance de cette intrigue justifiait aux yeux du Directoire les menées auxquelles ses agens se livraient dans l'île. Il avait ordonné à Brueys, lorsqu'il revint de Corfou, de croiser quelques jours devant Malte. L'escadre y avait en effet séjourné trois jours sous différens prétextes : tous les points favorables à un débarquement avaient été parfaitement reconnus et étudiés. Ce

dernier fait prouvait incontestablement que les Français avaient des intelligences dans l'île. Elles avaient été sur le point de manquer leur effet, il y avait peu de jours, lorsque la frégate l'Arthé mise qui escortait le convoi de Civita-Vecchia, s'était présentée inopinément devant Malte, ce qui pouvait précipiter le mouvement des partisans de la France et compromettre l'entreprise de Bonaparte.

Le 18 prairial (6 juin ) au matin, l'avant-garde de l'armée navale parut au nord-ouest de Malte, où elle rallia le convoi de Civita-Vecchia, composé de 70 bâtimens, qui arrivèrent le même jour. La division resta trois jours en panne jusqu'à ce qu'elle eût été rejointe par le reste de l'escadre; le 21, cette flotte immense fit un mouvement vers les côtes, s'étendant de l'île de Goze à Marsa-Siroco, et menaçant à la fois tous les points attaquables. Afin de sonder les dispositions des chevaliers et des Maltais, Bonaparte fit demander par un de ses aides-de-camp au grandmaître, Ferdinand de Hompesch, l'entrée des mouillages de l'île.

Le grand-maître, après avoir consulté le conseil de l'ordre, répondit : « Que la demande du général Bonaparte devait être exposée par écrit; qu'en tous cas les lois et les statuts de l'ordre ne permettaient pas à plus de quatre vaisseaux étrangers d'entrer à la fois dans les ports de Malte et de ses dépendances; que l'ordre protestait de nouveau de son amitié envers la République Française ».

Le consul Carnuson, chargé de porter à Bonaparte la réponse du conseil, se rendit à bord de ľ Qrient; là il remit au général, outre la lettre du grand-maître, une liste des chevaliers et des habitans maltais qui avaient pris l'engagement secret de favoriser les tentatives de l'escadre. Ces partisans de la France ou de l'indépendance maltaise, s'élevaient, dit-on, à plus de 4,000. Carnuson passa la nuit à bord de la flotte; le lendemain, au point du jour, il écrivit au grand-maître : « Que la réponse du conseil de Malte était aux yeux du général Bonaparte une déclaration de guerre; que les Français en avaient conçu d'autant plus de ressentiment, que personne n'ignorait la conduite partiale de l'ordre en faveur des Anglais ; que l'escadre était résolue de recourir à la force.» Sans perdre de temps, Bonaparte ordonna à Brueys de se préparer à l'attaque des forts qui protègent l'entrée du port La Valette et fit commencer le débarquement sur sept points différens des îles de Malte et de Goze; il était quatre heures du matin.

* On lit dans les pièces justificatives du Journal du siége et blocus de Malte, par le président Bosredon-Ransijat, que les Anglais avaient reçu du grand-maître la faculté de faire dans l'ile une levée de matelots. Après la conquête de la Corse, ils avaient encore obtenu 25 milliers de poudre du gouvernement maltais; ce qui était d'autant plus hostile envers la France, que l'ordre ne possédant rien en Angleterre, pouvait, sans inconvénient pour ses intérêts, conserver une stricte neutralité. Lorsque l'Espagne s'unit à la coalition de l'Europe contre la France, Malte lui fournit 4,000 fusils et la faculté de se recruter de matelots dans l'île. Enfin plusieurs armemens d'émigrés qui allaient combattre contre la France y avaient eu lieu publiquement.

Dans l'intérieur de Malte, l'absence prolongée du consul Carnuson avait assez fait prévoir le résultat de sa mission. Aussi la nuit du 21 fut-elle employée en préparatifs de défense. Le grandmaître fit armer les milices, établir des palissades aux ouvrages avancés, transporter dans les murs de la ville les poudres qui se trouvaient dans les magasins extérieurs, operations qui, dans des temps calmes, auraient exigé plusieurs jours. 7,000 hommes furent rassemblés, mais ces troupes n'étaient ni disciplinées, ni aguerries; les canons étaient mal servis, leurs affûts pourris, les munitions mal réparties. Le grand-maître, enfermé dans son palais, ne paraissait pas ; les commandemens étaient distribués au hasard à ceux qui se présentaient pour les remplir. On voyait des enfans de 16 ans occuper des postes importans qui réclamaient des officiers consommés; et, à la tête des milices, un bailli qui n'avait servi que sur mer, et un vieillard plus que septuagénaire. Tels étaient les chefs que l'ordre de Malte opposait à des généraux jeunes, audacieux, accoutumés à la victoire.

Le désordre régnait dans les murs de La Valette et s'accroissait d'heure en heure. Les habitans de la campagne, accourus en foule, hommes, femmes, enfans, se répandaient tumultueusement dans les rues, sur les places publiques, dans l'intérieur des maisons; le siége n'était pas commencé, les magasins regorgeaient de vivres et déjà la disette se faisait sentir. Les bruits de trahison, habilement propagés par les partisans de

la France, circulaient au sein de cette multitude inquiète. On disait que les chevaliers des langues de France (ils formaient environ les deux tiers de l'ordre ), vendus de longue main au Directoire avaient comploté de livrer Malte; on donnait pour chefs à cette conspiration trois commandeurs dont un avait la direction de l'artillerie, un autre celle du génie : ce dernier, assurait-on, devait, en cas de résistance prolongée, intercepter l'eau de l'acquéduc qui alimentait la ville. De tels bruits, répandus dans les casernes et dans les postes militaires, servaient aux milices de motif pour se révolter, ou de prétexte pour fuir. Les chevaliers français voyaient presque partout leur autorité méconnue au cri de trahison, ils étaient abandonnés, poursuivis, massacrés : trois d'entre eux périrent sous la baïonnette de leurs soldats '; un quatrième, soupçonné d'intelligence avec les assiégeans, fut percé d'une balle au milieu du poste qu'il commandait '; un autre fut précipité du haut des remparts par les hommes de son poste; cinquante environ furent blessés. La même confusion régnait dans les délibérations du conseil. La langue espagnole refusait de s'armer, prétextant l'alliance de sa nation avec la République Française. Plusieurs chevaliers des langues de France, et à leur tête le commandeur Bosredon de Ransijat, avaient exprimé un semblable refus. <«< Nous avons prêté serment de combattre les

Ce furent MM. Montazet, Dormy et Vallin. 'M. d'Andelard.

« ZurückWeiter »