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Outre les classiques et les ouvrages sérieux qu'il s'était réservés, on y avait compris des romans, pour aider les jeunes généraux ou officiers de l'état-major, Lannes, Junot, Eugène Beauharnais, à supporter l'ennui de la traversée. Le soir on se rassemblait chez le général Bonaparte pour faire une lecture, et l'on préludait dans cette réunion à ces séances de l'institut d'Égypte, qui ont jeté tant d'éclat sur cette glorieuse expédition. A peine la lecture était-elle commencée, que Bonaparte l'interrompait et donnait le signal de la discussion. Elle était vivement soutenue par Caffarelli-Dufalga et d'autres officiers, qui joignaient l'instruction aux talens militaires. La plus grande liberté régnait dans ces conversations, animées tout à la fois par les souvenirs des belles campagnes d'Italie et les espérances d'un avenir non moins glorieux. Elles se prolongeaient fort avant dans la nuit, et quoiqu'elles n'eussent aucun but déterminé et qu'elles s'étendissent à tous les sujets, on peut croire qu'elles étaient pour Bonaparte, un moyen d'étudier de plus près les hommes qui l'en

touraient.

Enfin, en approchant de Malte, on fut rejoint par l'Arthémise. Stanglet, qui la commandait, vint à bord de l'Orient rendre compte de sa mission à l'amiral. Brueys était alors avec Bonaparte et plusieurs officiers dans la salle du conseil. Stanglet fut introduit, et apprit à l'amiral qu'ayant rencontré le convoi, il l'avait escorté vers Malte. Brueys, malgré son caractère indulgent, ne put s'empêcher d'adresser quelques reproches à Stanglet, et

de lui dire qu'il s'était écarté de l'objet de sa mission, qui devait se borner à reconnaître le convoi et à venir lui en rendre compte; qu'il avait fait perdre plusieurs jours à l'armée, pour laquelle le moindre retard pouvait avoir des suites si graves. Stanglet, brave officier, qui avait cru, en escortant un convoi auquel on attachait tant de prix, rester dans les limites de sa mission, répondit avec vivacité qu'il était bien pénible pour un officier qui avait fait son devoir et agi pour le mieux, de recevoir de semblables reproches, et qu'il en appelait à la justice du général en chef lui-même.

A ces mots, Bonaparte, qui avait assisté à la discussion sans paraître y prendre part, se leva précipitamment, et, se grandissant de toute cette expression énergique qu'il savait imprimer à sa figure et à son corps dans les situations fortes :

Gardez-vous, s'écria-t-il, d'en appeler à moi, car si j'étais l'amiral, vous seriez traduit sur-lechamp devant un conseil de guerre, pour avoir dépassé vos ordres et compromis le salut de l'armée. »

Stanglet fut accablé de cette sortie, et Bruey's qui savait apprécier les talens et le courage de cet officier, l'un des plus distingués de la flotte, fut obligé d'intercéder pour lui. Ce qui avait surtout indisposé le général, c'est que l'Arthémise avait été donner sur Malte, et que Murat qui était à bord, avait insisté pour qu'elle passât au vent d'un vaisseau de l'ordre, qui rentrait dans le port; il s'était même fait descendre à terre.

Ce fut quelques heures après cette scène que l'on rallia sous Malte le convoi de Civita-Vecchia. L'armée navale se trouva alors composée de treize vaisseaux de ligne, dont un de 120 (POrient), deux de 80, et dix de 74 canons; de deux vaisseaux vénitiens de 64 (le Causse et le Dubois), armés en flûtes; de huit frégates de 40 et 36 canons; de six frégates vénitiennes armées en flûtes, deux bricks, des cutters, avisos, chaloupes canonnières et autres petits bâtimens de guerre au nombre de soixante-douze.

Il y avait, dans les trois convois, environ quatre cents bâtimens de transport; et l'on évaluait à dix mille hommes, le total des gens de

mer.

Cette armée navale était commandée par le viceamiral Brueys, ayant sous ses ordres les contreamiraux Villeneuve, Blanquet-Duchayla, Decrès; pour chef d'état-major, le chef de division Gantheaume, et Dumanoir le Peley, commandant le

convoi.

Elle portait l'armée de terre, composée de 32,000 hommes de toutes armes.

On y comptait onze généraux de division: Berthier, chef de l'état-major; Caffarelli-Dufalga, commandant le génie; Kléber, Desaix, Reynier, Dugua, Vaubois, Bon, Dumuy, Menou et Barraguay-d'Hilliers.

Seize généraux de brigade: Lannes, Rampon, Damas, Murat, Lanusse, Andréossy, Dumas. Vial, Leclerc, Verdier, Fugières, Zayonschek,

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Davoust, Vaux, Belliard et Dommartin, commandant l'artillerie.

Sucy était commissaire-ordonnateur en chef. L'armée formait cinq divisions, commandées par Kléber, Desaix, Menou, Bon et Reynier. Il y avait, dans le convoi, cent savans, artistes ou ingénieurs'.

Soit que l'Égypte dût être la base d'une entreprise contre les Anglais dans l'Inde, soit qu'on en fût réduit à ne faire de ce pays qu'une colonie française, la conquête de Malte devait être le premier objet de l'expédition, afin d'avoir, à tout événement, une station intermédiaire, et un vaste entrepôt pour la marine militaire et la marine marchande de la République.

Cette île appartenait depuis 1530 à l'ordre religieux et militaire des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, auxquels Charles-Quint en avait fait don, sous le magistère de Philippe Villiers de l'Ile-Adam.

Elle avait été successivement fortifiée depuis cette époque, et passait universellement pour imprenable. La cité Valette, capitale de l'île, est assise sur une presqu'île qui occupe le milieu du port, protégé par une ligne d'ouvrages d'art extrêmement multipliés. La population de La Valette est évaluée à 30,000 âmes; celle de l'île entière s'élève à 90,000. Le commerce d'entrepôt a été la source de la prospérité de Malte, qui est à peu près sans cultures et qui tire la majeure partie

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Voyez la liste aux pièces justificatives, no. III.

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de ses subsistances de la Sicile, dont elle est voisine.

Avant d'avoir décidé l'expédition d'Égypte, le Directoire et Bonaparte avaient résolu de s'emparer de Malte pour l'empêcher au moins de tomber entre les mains d'une des trois grandes puissances auxquelles on supposait, non sans quelque raison, des vues sur cette île ; Bonaparte y avait en conséquence envoyé Poussielgue, qui avait toute sa confiance, avec une mission simulée, afin de préparer cette conquête : Poussielgue y avait travaillé dans le sens de ses instructions secrètes, avec un riche banquier de son nom, et Carnuson, consul de France.

Les dispositions de beaucoup de Maltais et d'une partie des chevaliers concouraient puissamment à favoriser les menées des Français. Les membres de l'ordre occupant seuls tous les emplois du gouvernement, cette distinction blessait l'orgueil de la plupart des familles puissantes de l'île, qui, comme sujets de l'ordre, ne pouvaient avoir des fonctions subalternes. Les postes que administratifs étaient expressément réservés à l'ordre le droit de souveraineté. Aucun repar cours, autre que celui à l'autorité magistrale, n'était ouvert à un Maltais qui avait à se plaindre d'un chevalier, et cette autorité était devenue odieuse par sa partialité. D'ailleurs l'ordre était tombé dans la décadence depuis que les jouissances du luxe avaient amolli la plupart de ses membres, que ses chefs étaient devenus des princes opulens qui laissaient leurs favoris gouver

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