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docteurs de la loi se présentèrent aux barricades du quartier de la grande mosquée; les insurgés leur en refusérent l'entrée, et les accueillirent même à coups de fusil. Alors il la fit cerner, et envoya l'ordre au batteries du Moqattam et de la citadelle de la bombarder; il était quatre heures. Le bruit du tonnerre se mêla à celui du canon. Les habitans en conclurent que le ciel se prononçait contre les insurgés, et restèrent tranquilles. Ceuxci offrirent de se soumettre. « Il n'est plus temps, répondit le général en chef, ils ont laissé passer l'heure de la clémence. Puisqu'ils ont commencé c'est à moi de finir. » Ils cherchèrent à s'échapper, les barricades furent levées, ils tombèrent sous les baïonnettes des soldats. A huit heures du soir, Bonaparte fit cesser le carnage. Les insurgés perdirent environ 2,500 hommes. La perte des Français ne fut que de 60 tués et 40 blessés.

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Bonaparte écrivit aux généraux Reynier et Marmont: « Nous avons eu ici beaucoup de tapage. Mais actuellement tout est tranquille. Cela, je crois, sera une bonne leçon; on s'en souviendra long-temps. Toutes les nuits, nous faisons couper une trentaine de têtes, et beaucoup de celles des chefs ». Quatorze cheyks furent désignés comme moteurs de la révolte, cinq furent saisis et décapités sur la place de la citadelle, le 14 brumaire.

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'Lettre de Bonaparte à Marmont, à Reynier et au Directoire, des 2 et 6 brumaire.

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Larrey, Relation chirurgicale de l'armée d'Orient, page 42. 3 Lettres ci-dessus citées.

Le divan fut supprimé, et la ville du Kaire mise entièrement sous le régime militaire.

Le 2 brumaire, on vit affichées sur les murs deux proclamations, l'une des gens de loi aux habitans des provinces, l'autre des cheyks au peuple d'Égypte. On y cherchait par l'exemple de ce qui venait d'arriver au Kaire, à prévenir les peuples contre les insinuations des méchans; on y vantait la clémence du général en chef; on y appelait les Français les seuls amis des Musulmans, les ennemis des idolâtres, les fidèles alliés du sultan ; les Russes y étaient signalés comme les ennemis les plus dangereux de l'islamisme; on y faisait espérer que Bonaparte allégerait les charges du peuple.» Cessez enfin, y disait-on, de fonder vos espérances sur Ibrahim et Mourad, et mettez toute votre confiance en celui qui a créé les humains et qui dispense à son gré les empires. Le plus religieux des prophètes a dit : La sédition est endormie ; maudit soit celui qui la réveillera. »

Deux jours après la révolte du Kaire, des Arabes, accourus de divers points du désert, s'étaient réunis devant Belbéis; Reynier les attaqua, les repoussa partout; ils disparurent et bientôt après

se soumirent.

Le canon du Moqattam retentit dans toute l'Égypte, et ne contribua pas peu à contenir dans la soumission et l'obéissance ceux des habitans qui auraient été tentés de se révolter.

Quels avaient été la cause et le but de cette sédition? Il y eut, à cet égard, même parmi les Français qui en avaient été témoins, une grande

s'étonner

diversité d'opinions. Il ne faut donc pas si cet événement fut ensuite mal jugé et dénaturé en Europe. Bonaparte, dans sa lettre au Directoire, dit simplement que les chefs s'étaient annoncés pour vouloir lui présenter une pétition. On a prétendu que la révolte avait été soufflée par les imans qui regardaient comme une profanation la protection même que le général en chef accordait à la religion; que les mesures prises pour rechercher les propriétés des Mamlouks, les contributions exigées de leurs femmes, et l'obligation imposée aux propriétaires de biens fonds, de présenter leurs titres à l'enregistrement, avaient amené l'explosion.

Certes l'insurrection d'un peuple contre le joug étranger, d'un peuple musulman contre un conquérant chrétien, s'expliquerait assez d'ellemême, sans avoir besoin de recourir à d'autres causes, et ne prouverait rien contre la conduite. de l'armée et de son chef.

Bonaparte était intéressé à bien connaître la nature de cette sédition pour régler sa conduite. On fit donc des recherches pour découvrir la vérité. Tels furent les renseignemens qu'on recueillit et qui furent publiés '.

La sédition avait été préparée par des cheyks subalternes. Jaloux de leurs supérieurs, que le général en chef avait employés dans l'administration, ils travaillèrent à ruiner leur crédit auprès des habitans en les accusant d'être vendus aux

• Courrier d'Égypte, no. 19.

Français et dévoués à leurs volontés; de négliger auprès du général en chef les intérêts du peuple et de ne pas représenter ses besoins.

Vingt cheyks mécontens s'étaient assemblés dans la nuit et avaient décidé de faire fermer les boutiques le lendemain à la pointe du jour, et de réunir une grande populace sous le prétexte d'aller chez le général en chef lui porter leurs plaintes sur la situation du peuple.

Tout étant ainsi convenu, ils réunirent des gens à leur dévotion; il s'y joignit bientôt un assez bon nombre de ces individus communs dans les grandes villes qui, soit espoir du pillage, soit désir du changement, soit curiosité, sont toujours disposés à augmenter les attroupemens et à prendre part aux émeutes. Cette foule se dirigea sur la maison du qady, et fit fermer les boutiques dans les rues où elle passa. En très-peu de temps cet exemple fut suivi dans toute la ville par imitation ou par peur; l'émeute se propagea à mesure que le bruit se répandit qu'elle existait.

Tous les Musulmans employés par les Français dans l'administration, la police et même comme domestiques, montrèrent une fidélité inébranlable. Les membres du divan se mirent entre les mains des Français en se réunissant chez le général en chef dès le commencement de l'émeute. Ils se prêtèrent à toutes les démarches qui furent jugées convenables, et fournirent tous les renseignemens qui leur furent deinandés; la connaissance qu'ils avaient du caractère du peuple et de

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la manière de le conduire fut très-utile dans cette circonstance.

Quoique l'on eût combattu dans toutes les rues, la population entière n'avait pas pris part à la sédition. Les gens honnêtes et tranquilles étaient demeurés dans leurs maisons. Ainsi une portion très - considérable d'habitans avaient servi les Français ou étaient restés neutres. C'est pourquoi le général en chef ne jugea pas devoir sévir contre la ville en masse, et se borna à punir les principaux chefs de la révolte. Les Musulmans regardèrent cette justice comme une grande générosité; car, à la place des Français, ils auraient après la victoire livré la ville au sac et au pillage.

Ajoutons que depuis un mois l'Égypte était inondée d'exemplaires d'un firman du grand-seigneur qui démentait tout ce que Bonaparte avait dit de son accord avec la Porte, et qui prêchait la guerre contre les Français. On le lisait dans les mosquées; on excitait le peuple au massacre. Cette pièce, portant le cachet européen, était de fabrique anglaise.

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