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A tous ces bruits quelques feuilles publiques ajoutèrent même que le général avait quitté Paris, mais cette nouvelle fut bientôt démentie et l'on apprit qu'au moment où il achevait ses préparatifs, des circonstances graves et imprévues étaient venues jeter de l'hésitation dans son esprit et inquiéter les directeurs ; c'étaient les révolutions de Suisse et de Rome, et l'insulte faite à Vienne å l'ambassadeur français, Bernadotte.

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Le Directoire, dit-on, manda Bonaparte pour s'appuyer de son influence sur l'opinion, lui donna connaissance d'un message aux conseils pour déclarer la guerre à l'Autriche, et d'un décret qui lui conférait le commandement de l'armée d'Alle magne. Mais l'opinion du Directoire ne fut point partagée par Bonaparte. Suivant lui, le choix de Bernadotte était mauvais, son caractère était trop exalté pour un ambassadeur, sa tête n'était pas assez calme, il avait eu matériellement tort. Déclarer la guerre à l'Autriche c'était jouer le jeu de l'Angleterre. Croire que, si le cabinet de Vienne eût voulu la guerre, il eût insulté l'ambassadeur c'était peu connaître sa politique. Il aurait au contraire caressé, endormi, tout en faisant marcher ses troupes. On pouvait être certain qu'il donnérait satisfaction. Se laisser entraîner ainsi par tous les événemens, c'était ne point avoir de systéme politique. L'avis de Bonaparte prévalut; le Di rectoire attendit.

Montholon, tome IV, page 295.

En arborant le drapeau tricolor à son hôtel, Bernadotte fut entraîné sans doute par un sentiment exalté de la dignité de la République. Mais le moment était mal choisi, et ce fut une faute..

On n'aurait pas trouvé bon, à Paris, lorsqu'on y fêtait les victoires de la République, qu'un ambassadeur d'Autriche y eût fêté celles de son pays, s'il en avait eu à célébrer; mais la faute de Bernadotte, et le choix de sa personne, bon ou mauvais ou désagréable à l'Autriche, ne légitimaient point la violation de son caractère, suscitée ou au moins tolérée par un gouvernement dont la police est toujours prête à empêcher le rassemblement de quatre individus, dans une rue de la capitale. Le Directoire se serait dégradé en donnant tort à son ambassadeur et en supportant cette injure. Malgré cette affaire et la répugnance de Bernadotte pour les ambassades, le Directoire le nomma peu de temps après ministre plénipotentiaire près la République Batave. Il refusa, et dans sa fierté républicaine, répondit au Directoire qui avait approuvé sa conduite : « Vous avez justement senti que la réputation d'un homme qui avait contribué à placer sur son piédestal la statue de la liberté, était une propriété nationale. » (^vaz

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Au premier bruit de l'événement de Vienne, Bonaparte expédia, le 4 floréal (23 avril), des contre-ordres dans la Méditerranée. Il ordonna aux généraux Barraguay-d'Hilliers, à Gênes, et Desaix, à Civita-Vecchia, de débarquer leurs troupes, si elles étaient embarquées; de rentrer

dans le port, si elles avaient mis à la voile; et de les cantonner de manière à pouvoir les embarquer en 48 heures.

Il prévint le général Brune que ces troupes étaient mises à sa disposition, si des indices lui faisaient penser qu'il en avait besoin. « Dans ces nouvelles mesures lui mandait-il, vous voyez l'effet des événemens qui viennent d'arriver à Vienne, sur lesquels cependant le gouvernement n'a encore rien de positif. Si jamais les affaires se brouillent, je crois que les principaux efforts des Autrichiens seraient tournés de votre côté, et, dans ce cas, je sens bien que vous auriez besoin de beaucoup de moyens, et surtout de beaucoup d'argent ».

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Si l'on en croit Napoléon, il commença alors à craindre, qu'au milieu des orages qu'accumulaient chaque jour la marche incertaine du gouvernement et la nature des choses, une entreprise en Orient ne fût devenue contraire aux vrais intérêts de la patrie. « L'Europe, dit-il au Directoire n'est rien moins que tranquille; le congrès de Rastadt ne se termine pas; vous êtes obligés de garder vos troupes dans l'intérieur, pour assurer les élections; il vous en faut pour comprimer les departemens de l'Ouest. Ne convient-il pas de contremander l'expédition, et d'attendre des circonstances plus favorables? » Le Directoire alarmé, craignant qu'il ne voulût se mettre à la tête

'Lettre du 4 floréal (23 avril).

des affaires, n'en fut que plus ardent à presser l'expédition '.

On va voir par la suite de la correspondance de Bonaparte, jusqu'à quel point cette assertion peut être fondée.

Comme il l'avait prévu, l'Autriche offrit satisfaction, et envoya le comte de Cobentzel à Rastadt. De son côté, le Directoire nomma Bonaparte pour s'y rendre. Le journal officiel (le Rédacteur), du 8 floréal, annonça son départ. Le 9, il écrivit à Dufalga : « Vous avez appris l'événement de Vienne. La nouvelle en est venue au moment où j'allais partir, et a dû nécessairement occasioner un retard; j'espère cependant que cela ne dérangera rien. Peut-être serai-je obligé d'aller à Rastadt, pour avoir une entrevue avec le comte de Cobentzel; et, si tout allait bien, je partirais de Rastadt pour Toulon. »

Il donna contre-ordre au convoi de Gênes qui devait se rendre à Toulon; et décida au contraire que l'escadre le prendrait en passant, et irait même à Civita-Vecchia.

Il donna les mêmes avis au vice-amiral Brueys, ajoutant que ce retard de quelques jours ne changerait rien à l'expédition, et que le convoi de Marseille, arrivé à Toulon, devait être tenu en grande rade et prêt à partir 2. Le convoi se composait de trois divisions: celles des généraux Mesnard, Kléber et Reynier; les deux derniers étaient de

'Montholon, tome IV, p. 297.
→ Lettre du 9 floréal ( 28 avril).

l'armée du Rhin. Tombé dans la disgrâce du Directoire, pour lequel il affichait le plus profond mépris, Kléber était sans activité, et vivait à Chaillot, dans l'obscurité, avec son ami Moreau.

Jaloux de se l'attacher, Bonaparte lui proposa de faire partie de l'expédition contre l'Angleterre.

Je le voudrais bien, répondit-il; mais si je le demande, les avocats (le Directoire) me le refuseront. Je m'en charge. Eh bien! si vous jetez un brûlot sur la Tamise, mettez Kléber dedans, vous verrez ce qu'il sait faire". Bonaparte le demanda au Directoire, qui saisit avec empressement l'occasion d'éloigner un général frondeur et difficile à réduire. Rempli d'admiration pour la gloire militaire de Bonaparte, mais peu confiant dans ses principes politiques, en quittant Paris, vers la fin de germinal, Kléber dit, dans son cynisme énergique: Je pars pour voir ce que ce petit b......là a dans le ventre. Bonaparte lui donna, au moment de l'embarquement, une division de troupes, et le commandement supérieur de celles de Mesnard et Reynier qui composaient le convoi de Marseille.

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Tel était l'ascendant de Bonaparte', que, tous les partis, on accourait s'associer à la fortune d'un guerrier qui promettait aux armes françaises une nouvelle moisson de lauriers, et de gloire à la patrie. Deux généraux de l'ancienne armée vinrent se ranger sous son drapeau. Le plus ancien divi

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