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échappés à la déprédation et à la mort; la solennité qu'il avait donnée à l'ouverture des eaux du Nil, à la fête du prophète, la nomination de l'émir-haggi, et les précautions qu'il prenait pour la sûreté future de la caravane.

Le schérif Galib, fils de Mussayd, sultan de la Mekke, répondit à l'émir Bonaparte, le protec→ teur des ulémas et l'ami de la sacrée Caâba; l'assura que les pélerins qui viendraient la visiter n'avaient rien à craindre, l'invita à prendre quelque mesure pour encourager le commerce du café, les négocians de l'Hedjas n'étant point encore rassurés contre les vexations qu'ils éprouvaient de la part des Mamlouks; à leur faire connaître les droits qu'ils auraient à payer, lui promettant qu'alors ils accourraient en foule.

Parmi les pachas de la Porte, celui avec lequel il importait le plus à Bonaparte de maintenir la parxy était le fameux Achmet, pacha de Saïde (Sidon) et de Saint Jean-d'Acre, surnommé Djezzar, ou le boucher. Cet homme féroce et entreprenant, commandait avec le titre de visir tout le pays situé entre le Nahr-el-Keb et Césarée, et avait une grande puissance. Il était à la fois son ministre, son chancelier, son trésorier et son secrétaire, souvent même son jardinier, son cuisinier, et quelquefois juge et bourreau. Il avait le vêtement d'un simple Arabe, et sa barbe blanche descendait sur sa poitrine. I portait dans sa ceinture un poignard garni de diamans ; comme d'honneur de son gouvernement. Il donnait ses audiences, assis sur une natte, dans une

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chambre sans meubles, ayant près de lui un pistolet à quatre coups, une carabine à vent, une hache et un long sabre. Pendant la conversation, il découpait avec des ciseaux toutes sortes de figures en papier. Dans ses antichambres, on voyait des domestiques mutilés de toutes les manières ; l'un avait perdu une oreille, l'autre un oeil, Fautré un bras. L'intérieur de son harem était inaccessible; on ne connaissait point le nombre de ses femmes; celles qui entraient une fois dans cette prison mystérieuse étaient perdues pour le monde. On leur donnait à manger par un tour, et c'était par là aussi que le médecin tâtait le pouls de celles qui étaient malades. Il tuait de sa propre main celles dont la fidélité lui était suspecte. Ik avait alors près de soixante ans ; mais sa vigueur était encore celle d'un homme dans la force de F'âge.

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«Tel était l'homme, dit un Anglais, auquel l'Angleterre associa - un de ses braves officiers Sydney-Smith; ce fut aux drapeaux ensanglantés de ce monstre que la Grande-Bretagne réunit son étendard.» ;

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Bonaparte envoya à Achmet-Pacha le chef de bataillon Beauvoisin pour lui remettre en main propre une lettre et lui en développer de vive voix le contenu.

... Cette lettre était ainsi concuen

« En venant en Égypte faire la guerre aux beys, j'ai fait une chose juste et conforme à tes intérêts,

Mém. Polit., etc., de T. E. Ritchie. Paris, '1804; t. 1, p. 224

puisqu'ils étaient tes ennemis. Je ne suis point venu faire la guerre aux Musulmans. Tu dois savoir que mon premier soin en entrant à Malte, a été de faire mettre en liberté 2,000 Turcs qui, depuis plusieurs années, gémissaient dans l'esclayage, En arrivant en Egypte, j'ai-rassuré le peuple, protégé les muphtis, les imans et les mosquées. Les pélerins de la Mekke n'ont jamais été accueillis avec plus de soin et d'amitié que je ne l'ai fait, et la fête du prophète vient d'être célébrée avec plus de splendeur que jamais.

Je t'envoie cette lettre par un officier qui te fera connaître de vive voix mon intention de vivre en bonne intelligence avec toi, en nous rendant réciproquement tous les services que peuvent exiger le commerce et le bien des États; car les Musulmans n'ont pas de plus grands amis que les Français '. >>

Djezzar-Pacha ne voulut ni recevoir Beauvoisin, ni répondre à Bonaparte, ainsi qu'on le voit par les deux lettres suivantes : er

<< Beauvoisin, envoyé du général en chef Bonaparte, à El-Hadji-Achmet-Pacha, Djezzar. J'ai l'honneur de vous informer que, dans ce moment, j'arrive dans le port de votre capitale, venant de la part du général en chef Bonaparte, votre intime ami. Je suis porteur d'une lettre pour vous, qui vous fera connaître les sentimens d'estime et d'attachement qu'il vous porte. Je me flatte que, conformément aux ordres qu'il m'a

'Lettre du 5 fructidor...

donnés, vous m'admettrez à votre audience, pour que je puisse dissiper tous les doutes et soupçons qu'on a cherché à répandre sur ses vues ultérieures, et raffermir entre vous la bonne harmonie et la bonne intelligence; et, si vous jugez à propos de m'accorder cet honneur, mes vœux seront remplis, et je ne cesserai de prier Dieu pour la conservation de vos jours.

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Au même.

Après vous avoir prié d'agréer les vœux que je fais pour votre prospérité, j'ai l'honneur de vous informer qu'en conséquence de la réponse que vous m'avez faite par l'entremise de votre serviteur le Reis-Mustapha, il ne me reste plus qu'à retourner vers le général en chef Bonaparte, votre ami particulier; et en effet il ne m'appar tient pas de vous demander les raisons pour lesquelles vous n'avez pas trouvé à propos de me recevoir et de me donner un moment d'audience. Je partirai avec un grand regret, celui de n'avoir pu moi-même vous témoigner les sentimens d'estime et d'amitié que le général en chef Bonaparte a et aura toujours pour vous. Je prendrai cependant la liberté de vous assurer que la République. Française est disposée à resserrer les liens de bonne harmonie qui l'attachent à vous, et à vous en donner des preuves convaincantes toutes les fois qu'elle trouvera quelque chose à faire pour vous. Mais pour vous mettre plus à nême de juger des sentimens distingués du général en chef envers vous, je dois vous envoyer la lettre qu'il

vous a écrite, et, si vous le jugez à propos, vous me chargerez de lui en porter la réponse. Agréez les adieux que je vous fais d'ici, et les voeux que je ne cesserai de faire pour votre prospérité. »

Djezzar, comme tous les Orientaux, se servait souvent d'allégories et de paraboles. Voici l'apelogue par lequel il expliquait les raisons qui le rendaient ennemi des Français :

« Un esclave noir, disait-il, après un long voyage où il avait souffert tous les genres de privations, arriva dans un petit champ de cannes à sucre. Il s'y arrêta, s'abreuva de cette liqueur délicieuse, et se détermina à s'établir dans ce champ. Un moment après passèrent deux voyageurs qui se suivaient. Le premier lui dit : salamaleck (le salut soit avec toi). « Le diable t'emporte», lui répondit l'esclave. Le second voyageur s'approcha de lui et lui demanda pourquoi il avait si mal accueilli un propos plein de bienveillance. - J'avais de bonnes raisons pour cela, répliquat-il; si ma réponse eût été amicale, cet homme m'aurait accosté, se serait assis auprès de moi, il aurait partagé ma nourriture, l'aurait trouvée bonne, et aurait cherché à en avoir la propriété exclusive. >>

Les négocians français, établis à Jaffa, ayant fait part de leurs sollicitudes au général en chef, il leur répondit :

« Je n'ai reçu qu'aujourd'hui, citoyens, votre lettre du 9 thermidor. Je vois avec peine la position dans laquelle vous vous trouvez; mais les nouvelles ultérieures que l'on aura eues de nos

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