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la fuite. Bonaparte s'y rendit aussi. On commença par réciter une espèce de litanie comprenant la vie de Mahomet depuis sa naissance jusqu'à sa mort. Une centaine de cheyks, assis en cercle sur des tapis et les jambes croisées, récitaient les versets en balançant fortement le corps en avant et en arrière et tous ensemble. Ensuite on servit un grand dîné où l'on fut assis sur des coussins. Il y avait de 100 à 120 convives répartis en 20 tables. Celle du général en chef et du cheyk ElBekry était au milieu; c'était un petit plateau de bois précieux et de marqueterie élevé à 18 pouces de terre. On servit successivement un grand nombre de plats; c'étaient des pilaux de riz, des rôtis, des entrées, des pâtisseries, le tout fort épicé. Les cheyks dépeçaient tout avec leurs doigts; aussi pendant le repas offrit-on trois fois à laver. On eut pour boisson de l'eau de groseille, de la limonade, plusieurs espèces de sorbets, et pour dessert beaucoup de compotes et de confitures. Le soir, toute la ville fut illuminée. On alla sur la place d'Esbekyeh, dont l'illumination en verres de couleur était fort belle. Il s'y trouva un peuple immense. On était placé en ordre par rangs de 20 à 100 personnes, qui récitaient debout des prières et des litanies avec des mouvemens qui finissaient par devenir convulsifs.

<«< Nous avons, écrivit Bonaparte à Menou, célébré ici la fête du prophète avec une pompe et une ferveur qui m'ont presque mérité le titre de saint'.>>

⚫ Lettre du 11 fructidor.

Quoique les agens de la Porte en Égypte n'eussent pas répondu aux démarches pacifiques que Bonaparte n'avait cessé de faire auprès d'eux, depuis son arrivée devant Alexandrie, il n'en continua pas moins de manifester dans tout le Levant des sentimens de paix envers le grand-seigneur. Il fit tous ses efforts pour ouvrir des communications directes avec le cabinet ottoman, afin de prévenir une rupture. Il chargea le consul français à Tripoli de Barbarie de faire connaître au bey de cette régence que la République Française continuerait à vivre en bonne intelligence avec lui comme par le passé; que tous les sujets du bey seraient également protégés en Égypte, espérant de son côté qu'il se comporterait envers la République avec tous les égards qui lui étaient dus ; qu'il célébrait la fête du prophète avec la plus grande pompe; que la caravane de Tripoli allait partir; qu'il l'avait protégée, et qu'elle n'avait eu qu'à se louer des Français; d'engager le bey à envoyer beaucoup de vivres à Malte, des moutons à Alexandrie, et à faire savoir aux fidèles que les caravanes seraient protégées et que l'émir-haggi était nommé 1.

L'émir-haggi expédia un exprès à Constantinople. Bonaparte chargea Kléber de lui donner toutes les facilités nécessaires pour son passage. Le général en chef s'adressa au grand-visir par la lettre suivante :

« L'armée française que j'ai l'honneur de commander est entrée en Égypte, pour punir les

Lettres des 17 thermidor et 1er. fructidor.

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beys mamluks des insultes qu'ils n'ont cessé de faire au commerce français. Le citoyen TalleyrandPérigord, ministre des relations extérieures à Paris, a été nommé, de la part de la France, ambassadeur à Constantinople, pour remplacer le citoyen Aubert Dubayet, et il est muni des pouvoirs et instructions nécessaires de la part du Directoire exécutif, pour négocier, conclure et signer tout ce qui est nécessaire, afin de lever les difficultés provenant de l'occupation de l'Égypte par l'armée française, et de consolider l'ancienne et nécessaire amitié, qui doit exister entre les deux puissances. Cependant, comme il pourrait se faire qu'il ne fût pas encore arrivé à Constantinople, je m'empresse de faire connaître à votre excellence l'intention où est la République Française, non seulement de continuer l'ancienne bonne intelligence, mais encore de procurer à là Porte l'appui dont elle pourrait avoir besoin contre ses ennemis naturels, qui, dans ce moment, viennent de se liguer contre elle.

L'ambassadeur Talleyrand-Périgord doit être arrivé. Si, par quelque accident, il ne l'était pas, je prie votre excellence d'envoyer ici, au Kaire quelqu'un qui qui ait votre confiance, et qui soit muni de vos instructions et pleins pouvoirs, ou de m'envoyer un firman, afin que je puisse envoyer moi-même un agent, pour fixer invariablement le sort de ce e ce pays, et arranger le tout à la plus grande gloire du sultan, et de la République Française, son alliée la plus fidèle, et à l'é

TOME 1. GUERRE D'ÉGYPTE.

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ternelle confusion des beys et Mamlouks, nos ennemis communs.

Je prie votre excellence de croire aux sentimens d'amitié ét de haute considération, etc.. in Lorsque les troupes françaises obligèrent Ibrahim-Bey d'évacuer la province de Charqyeh, Bonaparte lui avait écrit qu'il acceptait pour médiateur le pacha d'Égypte, et qu'il vint le trouver. Il écrivit directement au pacha pour lui renouveler son désir de le voir revenir au Kaire pour y reprendre ses fonctions, et le prier de ne pas douter de la considération que l'on aurait pour lui, et du plaisir qu'il aurait à faire sa connais

sance 2.

Il écrivit au pacha de Damas plusieurs lettres pour l'assurer que les Français n'étaient pas ennemis des Musulmans, et le prier d'être persuadé du désir où ils étaient de vivre en bonne intelligence avec lui, et de lui donner tous les signes de la plus parfaite amitié 3

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Bonaparte confia au jeune Mailly de ChâteauRenaud, officier de l'état-major, la mission de porter à Lataquie un paquet pour Constantinople; d'après ses instructions, rédigées avec le plus grand soin, il devait partir directement pour Lataquie sur une djerme qui lui serait fournie à Damiette; avoir pour première attention d'éviter

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les croisières anglaises; engager le patron à changer de route lorsqu'il s'en verrait menacé; ne s'approcher même qu'avec précaution des petits bâtimens venant de la côte, et ne les hêler que lorsqu'il serait sûr que ce n'étaient pas des corsaires; les patrons de barque, reconnaissant facilement au large les djermes de leur pays. Il lui était recommandé, en cas de visite, de cacher soigneusement ses paquets, et de faire ce que la prudence lui dicterait ; et comme il portait l'habit oriental de ne parler qu'en langue turque avec son interprète arabe.

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Parvenu à la marine de Lataquie, Mailly devait demander à parler à Codja-Hanna-Coubbé intendant du gouverneur, et noliseur du brigantin français la Marie, arrivé à bon port à la rade de Damiette, le 11 fructidor, lui faire valoir la permission qu'avait donnée le général en chef à ce bâtiment, de faire son retour en riz, pour alimenter son échelle et la ville d'Alep; demander de suite la permission de communiquer avec Geoffroy, proconsul de la République Française à Lataquie, résidant à un demi-quart de lieue de la marine, et, assisté de cet agent, se rendre chez le gouverneur, auquel il remettrait une lettre du général en chef.

Il fallait que Mailly prévît qu'il y avait des espions anglais à Lataquie, et que, pour mieux masquer l'expédition de son paquet pour Constantinople, il eût soin de dire au gouverneur, et de répandre dans le public que le général en chef avait envoyé sur toute la côte divers officiers

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