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Il paraît que Bonaparte jugea inutile de blâmer sa conduite; il répondit au contraire à son rapport: « Si l'on pouvait vous faire un reproche, ce serait de n'avoir pas mis à la voile immédiatement après que l'Orient a sauté, puisque depuis trois heures, la position que l'amiral avait prise, avait été forcée et entourée de tous côtés par l'ennemi. Vous avez rendu dans cette circonstance, comme dans tant d'autres, un service essentiel à la République en sauvant une partie de l'escadre1».

Le général en chef s'occupait sérieusement d'en réorganiser une autre. En réunissant pendant tout l'hiver ce qu'il y avait dans les différens ports de la Méditerranée à Corfou, Malte, Ancône et Alexandrie, elle se serait composée de dix vaisseaux, y compris deux vénitiens attendus de Toulon, avec un convoi, et de huit ou dix frégates. Son but était, avec cette escadre, de contenir les forces maritimes de la Porte, de favoriser le passage des convois qu'il espérait recevoir de la France et de seconder les opérations ultérieures de l'armée. Il écrivit donc à Villeneuve de travailler à cette réunion, et aux généraux Vaubois et Chabot, suivant que ce contre-amiral irait à Malte ou à Corfou, de le seconder et de lui fournir tout ce qui lui serait nécessaire, en matelots, cn garnisons et en approvisionnemens 2. Il se proposait, lorsque les Anglais auraient quitté les parages de l'Égypte, d'envoyer des matelots à Ancône et à

' Lettre du 4 fructidor ( 21 août).

'Lettres du 30 thermidor et 4 fructidor ( 17 et 21 août).

Corfou, pour renforcer les équipages. Et revenant sur la question dont l'indécision avait causé la perte de la flotte, il fit au capitaine Barré cette demande laconique : « Si un bâtiment de 74 se présente devant le port d'Alexandrie, vous chargerez-vous de le faire entrer ? » La réponse de Barré ne pouvait pas être douteuse; mais l'occasion ne se présenta plus pour la marine française d'en faire l'expérience. Ce fût Sidney Smith qui résolut la question en faisant entrer plus tard. dans le port d'Alexandrie, deux vaisseaux anglais de 80, le Tigre et le Canopus.

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Le contre-amiral Blanquet Duchayla avait aussi fait, à Bonaparte, un rapport sur la bataille navale jusqu'au moment où le Franklin, qu'il montait, s'était rendu, de dix à onze heures du soir; mais principalement jusqu'à la blessure qui lui avait fait laisser le commandement à huit heures. Suivant lui, ce vaisseau était démâté de son grand mât et du mât d'artimon, l'équipage était anéanti, et il était entouré de six vaisseaux ennemis. Il prévenait le général en chef qu'il avait obtenu, de l'amiral anglais, d'être transporté sur les côtes de l'Italie, à bord de l'Alexander, avec son capitaine de pavillon, son chirurgien-major et son secrétaire.

Kléber mandait de son côté au général en chef : « Le contre-amiral Blanquet, qui a le nez totalement emporté, est parti hier matin pour atteindre

'Lettre du 26 vendémiaire an VII (17 octobre).

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au large le bâtiment anglais qui doit le prendre à son bord et le conduire en Italie1.

2Cependant Bonaparte demandait à Gautheaume: «Pourquoi le Franklin s'est-il rendu presque sans se battre? Et à Kléber: «Faites-moi connaître ce que l'opinion dit sur la conduïte du Franklin; il paraît qu'il ne s'est pas battu».

· Par un ordre du jour du 7, il décerna de justes éloges aux marins qui, dans la fatale journée du 14 thermidor, avaient glorieusement soutenu l'honneur du pavillon français, et notamment à la mémoire du capitaine Du Petit-Thouars. Le Franklin y était maltraité. Kléber lui écrivit qu'il l'avait vu avee peine, ajoutant: « Les justes éloges que vous donnez à la conduite du capitaine Du Petit-Thouars du Tonnant, devaient être partagés avec le capitaine Thévenard de l'Aquilon, qui, a combattu avec le même dévouement et le même héroïsme, Ces deux hommes méritent un monument; il me serait doux de l'ériger 3

JiTandis que Kléber formait ce vou, Bonaparte le prévenait en partie; il arrêtait que le nom de Du Petit-Thouars serait donné à une des principales rues du Kaire, et que le brick, appartenant aux Mamlouks, qu'on y avait trouvé, s'appellerait le Tonnant, ou 9 stb...Dantom of tor

Gantheaume répondit que le lendemain du combat, il avait envoyé son aide-de-camp Daurac,

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avec le capitaine de la marine, chargé de la négociation relative aux prisonniers, sous prétexte d'offrir des secours aux officiers de terre; mais dans le fait pour examiner un peu l'état des choses; que son aide-de-camp lui avait rapporté que les batteries du Franklin étaient absolument hors de service, et le vaisseau en général dans un état pitoyable, n'ayant plus que son mât de misaine; qu'il était d'ailleurs certain que la blessure qu'avait reçue, à 8 heures du soir, le contre-amiral Blanquet, avait dû le mettre hors de connaissance »>.

Bonaparte n'en conserva pas moins une opinion défavorable à cet officier, et ne lui pardonna pas surtout d'avoir demandé aux Anglais de le ramener en Italie. Ceux même qui pourraient trouver trop sévère la lettre suivante que le général en chef écrivit, à cet égard, à Kléber, ne pourront refuser à son auteur un sentiment délicat et profond de l'honneur militaire et de la dignité nationale.

« Un vaisseau comme le Franklin, qui portait l'amiral, puisque l'Orient avait sauté, ne devait pas se rendre à 11 heures du soir. Je pense d'ailleurs que celui qui a rendu ce vaisseau est extrêmement coupable, puisqu'il est constaté par son procès-verbal qu'il n'a rien fait pour l'échouer et pour le mettre hors d'état d'être emmené: voilà ce qui fera à jamais la honte de la marine française ! Il ne fallait pas être grand manoeuvrier, ni un homme d'une grande tête pour couper un câble et échouer un bâtiment. Cette conduite est d'ailleurs

'Lettre à Bonaparte, du 9 fructidor (26 août).

spécialement ordonnée dans les ordonnances et instructions que l'on donne aux capitaines de vaisseau. Quant à la conduite du contre-amiral Duchayla, il eût été beau pour lui de mourir sur son banc de quart, comme Du Petit-Thouars.

» Mais ce qui lui ôte toute espèce de retour à mon estime, c'est sa lâche conduite avec les Anglais depuis qu'il a été prisonnier. Il y a des hommes qui n'ont pas de sang dans les veines. Il entendra done tous les soirs les Anglais, en se soûlant de punch, boire à la honte de la marine française ! Il sera débarqué à Naples pour être un trophée pour les lazzaronis: il valait beaucoup mieux, pour lui, rester à Alexandrie ou à bord des vaisseaux comme prisonnier, sans jamais souhaiter ni demander rien. O'Hara, qui d'ailleurs était un homme très-cominun, lorsqu'il fut fait prisonnier à Toulon, sur ce que je lui demandais, de la part du général Dugommier, ce qu'il désirait, répondit : Étre seul, et ne rien devoir à la pitié. La gentillesse et les traitemens honnêtes n'honorent que le vainqueur; ils déshonorent le vaincu, qui doit avoir de la réserve et de la fierté 1».

Après la bataille d'Abouqyr, la confusion et la stupeur avaient été telles à Alexandrie, que les

Lettre du 24 fructidor (10 septembre).

Le contre-amiral Perrée annonça, le 18 ventôse an 7, au ministre de la marine, qu'un rapport infidèle avait provoqué l'ordre du jour du général en chef, dans lequel le contre-amiral Blanquet-Duchayla était inculpé, et que la marine avait appris avec satisfaction que le Directoire avait rendu justice à cet officier. (Moniteur, 26 germinal an vir. )

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