Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

teups, des progrès désespérans. Les mâts venaient de tomber; le feu gagna tout le gaillard et la batterie de douze; celle de trente-six, malgré les ordres de Gantheaume, continuait à tirer avec beaucoup de vivacité. Dans cette cruelle position, il renouvela l'ordre de cesser entièrement le feu, et donna au maître calfat celui d'ouvrir les robinets pour noyer les poudres. Alors tout l'équipage se jeta à la mer par les sabords sur les débris dont elle était couverte. Ayant voulu encore une fois remonter sur le pont, Ganteaume trouva le feu dans la batterie de vingt-quatre et tout le haut embrasé; la batterie de trente-six était déserte et tout le monde à l'eau. Étant venu au sabord de retraite, il trouva le moyen de se jeter sur un grand débris de la galerie, au-dessous des flammes, et parvint à saisir un canot où étaient environ trente hommes qui ne pouvaient se dégager du vaisseau; après quelques efforts, ils parvinrent enfin à isoler ce canot, et ils s'en allèrent au gré de la lame.

Une demi-heure après, à dix heures et demie, l'Orient, embrasé dans tous ses quartiers, sauta en l'air.

Le fils de Casabianca, âgé de neuf à dix ans, donna, pendant tout le combat, des preuves de sang froid qui furent remarquées de tout l'équipage. Quand le feu eût gagné la deuxième batterie, il alla trouver son père au poste des blessés. Lorsque le vaisseau fut entièrement évacué, et que les flammes gagnaient la troisième batterie, un matelot, resté auprès du capitaine Casabianca,

offrit en vain à cet enfant de le sauver; il ne voulut pas abandonner son père. Ils périrent ensemble dans l'explosion '.

Elle suspendit pendant un quart d'heure le combat. Sans se laisser abattre par ce cruel événement, les Français recommencèrent le feu. Le Franklin, le Tonnant, le Peuple Souverain, le Spartiate, l'Aquilon le soutinrent jusqu'à trois heures du matin. De trois à cinq heures il se ra→ lentit de part et d'autre. Entre cinq et six il redoubla et devint terrible Le 15 thermidor (2 août), à midi, le combat durait encore; il ne se termiua qu'à deux heures, lorsque tous les vaisseaux français furent pris ou détruits.

Thévenard, commandant de l'Aquilon, était mort sur son banc de quart; Du Petit-Thouart, capitaine du Tonnant, eut les deux cuisses emportées par un boulet. Il voulut rester sur son banc de quart, un autre boulet lui emporta un bras; il demanda une pipe, fuma pendant quelques minutes, s'écria: « Equipage du Tonnant, ne vous rendez jamais! » ordonna de jeter son corps à la mer plutôt que de le laisser tomber au pouvoir des Anglais, et expira.

Tout avait été décidé par l'explosion de l'Orient; dès ce moment la bataille fut perdue, car la division du contre-amiral Villeneuve ne prit qu'une faible part au combat. A une heure après midi il coupa les cables du Guillaume-Tell qu'il montait, et prit le large emmenant le Généreux

1 Courrier d'Égypte, du' 16 fructidor.

et les frégates la Diane et la Justice. Les trois autres vaisseaux se jetèrent à la côte sans se battre. Les Anglais n'ayant pas deux vaisseaux en état de manoeuvrer, ne purent poursuivre Villeneuve; il gagna bientôt le large. Leur perte fut considérable, mais ils la cachèrent. L'amiral Nelson fut blessé. Leurs vaisseaux éprouvèrent de grands dommages. La perte des Français fut inmense, et leur escadre anéantie.

D'après un calcul assez vraisemblable, la totalité des hommes à bord des treize vaisseaux composant l'escadre française, était de. . . . 8,930

A déduire :

Sur les deux vaisseaux emmenés par Villeneuve..

Échappés du vaisseau le Timo

[merged small][ocr errors]

Renvoyés à terre par Nelson, en vertu d'un cartel, comme prisonniers de guerre, y compris 1,500

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

1,300

400

5,005

3,105

200/

Il en avait donc péri dans le combat. . . 3,925

Le tableau suivant fait connaître le sort de tous les vaisseaux qui composaient l'escadre au mouillage d'Abouqyr.

[blocks in formation]

Gantheaume, échappé à l'incendie de l'Orient, après avoir vu successivement les derniers vaisseaux rendus ou détruits et Villeneuve gagner la haute mer, jugeant sa présence inutile sur la plage d'Abouqyr, se rendit à Alexandrie et rédigea son rapport. Kléber, qui du haut du phare, avait été témoin du combat, expédia, le jour même, son aide-de-camp Loyer pour porter ce rapport à Bonaparte, et lui manda : « Votre présence ici me semble nécessaire; dans une telle circonstance vous ne sauriez être remplacé. » L'aide-de-camp se rendit par mer à Rosette, d'où le général Menou l'expédia, le 18, par un aviso sur le Nil.

Les communications étaient encore si difficiles,

que Loyer fut onze jours en route, et n'arriva auprès de Bonaparte que le 26. Il revenait alors de son expédition contre Ibrahim-Bey; il partait de Salhieh et n'en était pas éloigné de deux lieues. Il supporta ce malheur avec courage, et dut même affecter de la sécurité pour ne pas affaiblir, dans l'armée, la confiance qui lui devenait plus que jamais nécessaire. Il prit à part l'aide-de-camp de Kléber et s'entretint avec lui. Après avoir entendu son récit avec l'apparence de la plus grande impassibilité, il dit avec le même sang-froid: « Nous n'avons plus de flotte: eh bien! il faut rester dans ces contrées, ou en sortir grands comme les anciens 1. >>

Nouveau Cortez, ses vaisseaux étaient brûlés ; mais il n'en avait pas ordonné l'incendie, et tout autre que lui en eût été accablé. Comme on le verra bientôt, ce revers répandit un grand découragement dans l'armée. Avec tout autre général, dès ce moment, elle eût été perdue.

<«< Tu dois bien croire, écrivait le commissaire des guerres Miot à son frère, 28 thermidor combien cet événement rend notre situation embarrassante dans ce pays; et elle enlèverait l'espérance à toute l'armée, si l'on ne connaissait pas le génie du général en chef qui la dirige. » En effet, Bonaparte mesurant hardiment sa situation, et persuadé qu'il pouvait sans vaisseaux con

1

D'après Miot, Expédition en Égypte, page 79, ce serait à l'ordonnateur en chef que Bonaparte, de retour au Kaire, aurait adressé ces mots.

2

⚫ Correspondance interceptée, tome II, page 115.

« ZurückWeiter »