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de ses vaisseaux étaient très-faibles et composées de soldats valétudinaires, jeunes et insubordonnés; il lui semblait qu'on n'avait fait un choix dans l'armée que pour donner ce qu'il y avait de plus mauvais; il attendait des vivres de Rosette, sans quoi il se verrait bientôt forcé de réduire la ration; il avait de la peine à se procurer de l'eau, et il manquait de bois.

Il annonçait l'arrivée à Alexandrie d'un convoi escorté par 3 avisos et une demi-galère, en tout 17 bâtimens restés en arrière. Il terminait ainsi sa dépêche : « J'attends de vos nouvelles avec bien de l'impatience, mes voeux vous accompagnent partout, et, s'ils sont exaucés, tous vos pas seront marqués par des succès». Par cette lettre, on voit déjà que, dans l'opinion de l'amiral, sa position au mouillage d'Abouqyr ne répondait pas aux espérances qu'il avait d'abord manifestées dans ses lettres à Bonaparte, des 14 et 19 messidor; et qu'en tout il montrait moins de confiance et plus d'incertitude.

Dans ce moment même, le capitaine Barré fit à l'amiral le rapport de ses sondes; il se terminait ainsi : « Je désire, général, avoir rempli vos intentions, ainsi que celles du général en chef, et mon avis, en dernière analyse, est que les vaisseaux peuvent passer avec les précautions d'usage que vous connaissez mieux que moi».

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Barré remit copie de ce rapport au chef de di

Lettre du 25 messidor (13 juillet).

Rapport du 25 messidor. Voyez Pièces Justificatives, no. VII.

vision Dumanoir, qui en approuva les conclusions et transmit son avis à l'amiral.

Brueys ne trouva point le rapport assez satisfaisant; il en résultait qu'on était obligé de passer sur un fond de 25 pieds; et les vaisseaux de 74 en tiraient au moins 22; il fallait par conséquent un vent fait exprès et une mer calme pour hasarder d'y passer sans courir le plus grand risque d'y perdre un vaisseau, d'autant que le passage était étroit et que l'effet du gouvernail était moins prompt, lorsqu'il y avait peu d'eau sous la quille. Il chargea donc le capitaine Barré de continuer ses recherches pour savoir s'il ne trouverait pas mieux dans l'espace compris entre la tour du Marabou et la côte de l'est, et d'envoyer son travail quand il serait fini au général en chef, ainsi que sa façon de penser sur la qualité des vaisseaux qu'on pouvait se permettre de faire entrer dans le Port-Vieux, avec certitude de ne pas les risquer 1. Cette dernière phrase est remarquable de la part de l'amiral qui était sur les lieux et dont c'était le métier.

Barré envoya au général en chef son rapport et copie de la lettre de l'amiral sans aucune réflexion. La sécheresse de sa dépêche semblerait annoncer que l'extrême circonspection de Brueys lui donnait de l'humeur, et qu'il répugnait à faire le nouveau travail qui lui était prescrit.

La frégate l'Arthémise, qui avait porté Lavalette de Malte à Corfou pour remplir une mission

'Lettre du 2 thermidor (20 juillet ).

1o.

de Bonaparte auprès d'Ali-Pacha, et escorté le grand-maître Hompesch jusque sur l'île Melada, rejoignit la flotte à Abouqyr le 1er. thermidor. Elle confirma, d'après la déposition d'un bâtiment impérial, que l'escadre anglaise avait été vue à l'est du phare de Messine. Le lendemain un bâtiment turc déclara l'avoir rencontrée le 28 messidor à 30 lieues dans l'ouest de l'île de Candie. L'amiral ne pouvait s'expliquer la manoeuvre des Anglais, et l'attribuait au défaut de vivres qui les avait forcés de retourner, sans combattre une escadre sans doute ils avaient ordre de chercher.

que

La frégate la Junon s'échoua en entrant dans la baie d'Abouqyr, et faillit périr. Il fallut la mettre en état d'être envoyée à Alexandrie pour être virée en quille.

L'amiral ne reçut que le 2 thermidor deux mortiers qu'il avait demandés pour placer sur l'écueil où la tête de sa ligne était appuyée; et comptait les faire placer le lendemain '.

Le même jour, 3, on eut une alerte sur la flotte. A l'entrée de la nuit, on découvrit deux voiles anglaises, un vaisseau et une frégate; ils se tinrent à trois lieues au vent. L'amiral les prit pour l'avant-garde de l'escadre ennemie; il fit signal de se préparer à mettre sous voile; mais ils virèrent de bord.

Brueys avait envoyé l'aviso le Chien-de-Chasse sur la côte de la Caramanie, auprès des îles de Chypre ct de Rhodes pour s'informer près des

'Lettre de Brueys à Bonaparte, du 2 thermidor (20 juillet).

agens français s'ils n'avaient pas connaissance de l'escadre anglaise, quelles étaient les forces navales des Turcs et si elles faisaient des mouve

mens, et pour inviter ces agens à lui dépêcher des bateaux dès qu'ils auraient quelques nouvelles importantes à lui apprendre. L'aviso cassa son mât à moitié chemin, et il rentra le 8 thermidor sans avoir touché aucune terre. S'il avait eu des vivres, disait l'amiral, il aurait détaché deux bonnes frégates qui auraient parfaitement rempli cette mission. Il aurait eu en outre une division de ses bons marcheurs toujours à la voile, pour empêcher les curieux de venir sur les côtes, à moins qu'ils ne fussent en bon nombre; mais sans subsistances, ni moyens de remplacement en gréement, on restait paralysé; et cette inaction le rendait malade.

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Telle était la position de la flotte. L'amiral n'avait encore obtenu aucun objet de remplacement, et il se trouvait hors d'état de rien entreprendre sans avoir reçu quelques approvisionnemens. Il avait des transports à l'entrée de Bogaz, et espérait sous peu de jours recevoir du général Menou des subsistances. L'eau se faisait avec la plus grande. difficulté. Il n'y avait qu'un seul puits au bord de la mer qui ne fournissait pas à la moitié de la consommation. Les Arabes attaquaient les hommes qui allaient à l'aiguade, ils en avaient massacré 11 et blessé 4. Les avisos ne pouvaient pas entrer dans le Nil à cause de leur tirant; les chaloupes portaient peu d'eau et étaient quelquefois plusieurs jours sans pouvoir franchir le Bogaz. Si on

ne lui procurait pas quelques djermes, l'amiral craignait de se trouver à la fin de son eau.

Le fort d'Abouqyr était presque sans défense. Une seule pièce de 36 était en état, mais, comme toutes les autres, sans affût. Brueys y envoya un affût de vaisseau et deux canons de 8 avec leur attirail, vingt coups à tirer à boulet rond et autant à mitraille. Les deux pièces furent placées pour battre la campagne et défendre l'entrée du fort.

Les deux mortiers étaient placés sur l'écueil et quatre pièces de canons de 6 en défendaient l'approche. « Du reste, écrivait l'amiral à Bonaparte, cette rade est entièrement ouverte, et n'est pas susceptible de protéger les vaisseaux contre un ennemi supérieur. On doit y être fort mal l'hiver. »

Le nouveau travail de sondes qu'avait ordonné l'amiral, était fini; il en attendait le plan, et, dès qu'il l'aurait reçu, il se proposait de l'envoyer au général en chef, afin qu'il se décidât sur les vaisseaux qu'il voudrait faire entrer dans le port. Du reste, il était toujours sans nouvelles de Bonaparte, et flottant entre la crainte et l'espérance.

La communication entre Alexandrie et l'armée, interrompue par les Arabes depuis son départ de cette ville, ne fut rétablie qu'après la bataille des Pyramides et la prise du Kaire. Alors les Arabes

'Lettre de Brueys à Bonaparte, du 8 thermidor (26 juillet).

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