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dispositions sont faites depuis long-temps pour qu'il arrive dix millions dans les caisses du payeur de la marine. » Et après avoir fait le relevé des envois, <«< marchez hardiment, rassurez les fournisseurs. Je viens moi-même de la trésorerie, j'ai vérifié que ces fonds sont en pleine marche '. >>

Dans l'intérieur de la République, presque tous les services étaient plus ou moins en souffrance. Pour les finances, le Directoire était souvent en guerre avec les conseils législatifs; le trésor était dans la pénurie. Mais pour l'expédition d'Égypte ou trouvait de l'argent, on faisait des miracles. Rien n'était épargné, on réunissait toutes les ressources. Le trésor de Berne se trouva là fort à propos. A la demande de Bonaparte, le Directoire donna l'ordre d'en faire passer en poste trois millions à Lyon. Bonaparte écrivit au général Schauenbourg d'en accélérer le plus possible l'envoi, ces fonds étant destinés à l'armée d'Angleterre 1.

On a imputé à Bonaparte d'avoir favorisé, provoqué même la révolution de la Suisse, dans la vue de s'emparer de ce trésor pour les frais de son expédition. Lorsqu'en frimaire de l'an 6, les troupes françaises entrèrent en Helvétie, on ne parlait en France que de la descente en Angleterre. L'expédition d'Égypte ne fut décidée que le 15 ventôse, et c'est ce jour là même que Français entraient à Berne. Comment Bonaparte

Lettre du 8 gei niinal (28 mars).
Lettre du 15 germinal (2 avril).

les

et le Directoire auraient-ils pu prévoir qu'on laisserait à leur disposition un trésor qu'il était si facile d'enlever avant l'invasion, et de mettre en sûreté ?

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Général en chef de l'armée d'Italie, Bonaparte avait destiné au marquis de Gallo un présent en diamans valant 100,000 francs. Il écrivit à Berthier de le remettre à Belleville, ministre français à Gênes, à l'un et à l'autre de garder le secret le plus profond, afin que cela ne produisît pas un mauvais effet, et au dernier de vendre ce présent, d'en envoyer le produit à la caisse du payeur, et de n'en disposer que sur son ordre et pour des événemens extraordinaires

Sur la proposition de Bonaparte, Estève fut nommé payeur-genéral de l'armée d'expédition, et Poussielgue contrôleur.

L'expédition d'Égypte n'est pas une invasion de barbares qui vont y porter le pillage et la dévastation. Soit qu'elle devienne le point d'appui d'une expédition dans l'Inde, soit qu'on se borne à y fonder une colonie française, les élémens que Bonaparte a rassemblés pour en faire la conquête, ne lui suffisent pas pour la conserver outre des généraux, des soldats, des canons, il lui faut des administrateurs, des savans, des artistes, des ou vriers. Pour établir et multiplier ses relations avec les habitans du pays, pour répandre parmi eux ses ordres, ses conseils, ses desseins, ses

'Lettre du 13 germinal.

pensées, il lui faut d'habiles interprètes, des Européens qui aient vécu dans l'Orient.

Cinq jeunes de langue, Raige, Belletête, Chézy, Laporte et Jaubert; l'ancien consul français au Kaire, Magallon; Venture, employé aux relations extérieures, et Panuzen, interprète, furent attachés à l'expédition ; il voulut avoir aussi Peyron, qui avait été longtemps agent du gouverne→ ment royal auprès du sultan Tippo-Saïb, et qu'il espérait faire passer aux Indes pour y renouer les anciennes intelligences.

Il désigna des savans et des artistes pour l'accompagner. C'étaient Dangés, Duc-la-Chapelle, astronomes; Costaz, Fourier, Monge, Molard, géomètres; Conté, chef de bataillon des aërostiers; Thouin, Geoffroy, Delille, naturalistes; Dolomieu, minéralogiste; Berthollet, chimiste, Dupuis, antiquaire; Isnard, Lepère (Gratien ), Lancret, Lefebvre, Chézy, ingénieurs des ponts et chaussées. Leurs places en France leur étaient conservées; il leur était alloué une indemnité de route et un traitement extraordinaire. Pour leur cacher leur véritable destination, on annonçait aux uns qu'ils iraient à Bordeaux, aux autres qu'ils iraient à Flessingue. Monge était à Rome; Bonaparte, qui avait beaucoup d'amitié pour lui, lui écrivit « Nous avons un tiers de l'Institut et des instrumens de toute espèce. Je compte sur l'imprimerie arabe de la Propagande et sur vous,

Cette liste fut ensuite modifiée, mais surtout augmentée.

dussé-je remonter le Tibre avec l'escadre pour vous prendre >>1.

L'imprimerie nationale de la République était aussi appelée à fournir son contingent à l'expédition. Bonaparte demanda tous les caractères arabes et grecs qui y existaient, excepté les matrices et des caractères français pour trois presses. Dubois-Laverne, directeur de l'imprimerie, et le citoyen Langlès, montrèrent beaucoup de mauvaise volonté.

Bonaparte s'en plaignit au ministre de l'intérieur, et le pria de donner des ordres pour que ces caractères fussent emballés et que Langlés les suivît, la République ayant le droit de l'exiger puisqu'elle avait fait son éducation et qu'elle l'entretenait depuis long-temps. Quant aux caractères grecs, "( il y en a, écrivait-il, puisque l'on imprime en ce moment Xénophon; et ce n'est pas un grand mal que le Xénophon soit retardé de trois mois, pendant lesquels on fera d'autres caractères, les matrices restant ».

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Dubois-Laverne et Langlès ne partirent point. Le premier fut remplacé dans l'expédition par Marcel, nommé directeur de l'imprimerie nationale, après la mort de Dubois-Laverne.

Barraguay-d'Hilliers eut l'ordre d'embarquer à Gênes les ingénieurs géographes et des ponts et chaussées attachés à l'armée d'Italie. Ce fut un re

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crutement important pour l'institut du Kaire, les travaux et les recherches scientifiques.

Ce fut seulement à la fin de germinal que 40 savans, artistes, ingénieurs, ouvriers, surent enfin que leur destination était, non pas l'Égypte, mais Rome, et qu'ils allaient se rendre à Toulon. Berthier, chef de l'état-major de l'armée d'Angleterre, leur délivra des passeports. Toutes les précautions furent prises pour que rien ne les arrêtât dans leur route, et qu'ils fussent, à leur arrivée à Toulon et à Marseille, reçus et logés convenablement.

Bonaparte avait fixé le départ de l'expédition vers le 1*. floréal. Il se disposait donc à partir bientôt pour Toulon; mais au moment de quitter la France, sa pensée se reporta vers cette descente en Angleterre qu'on a mal à propos traitée de projet imaginaire, et au commandement de laquelle il avait été réellement destiné. Il remit au Directoire, le 24 germinal (13 avril), une note renfermant des conseils sur les mesures à prendre pour exécuter l'hiver suivant cette descente dont le général regardait alors le succès comme presque certain; il pensait même que cette grande entreprise serait facilitée par l'expédition d'Égypte, dont le résultat devait être de diviser les forces de l'Angleterre, et de l'obliger à un effort immense qui l'épuiserait '.

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Quoique le Directoire eût donné à Bonaparte

Voyez pièces justificatives, no. 1er. Nous aurons occasion, dans le cours de la campagne, de rappeler cette note.

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