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et de l'artillerie, il s'écriait : «Que de grandes, que de belles choses il y aurait à faire ici '.

Un employé de l'armée fit courir le bruit à Alexandrie, qu'il y avait eu, à Paris, un mouvenient dans le sens contraire au 18 fructidor de l'an v; que Lamarque, Sieyes et plusieurs autres avaient été déportés; que Talleyrand était ambassadeur à Vienne; Bernadotte ministre de la guerre, et Bonaparte rappelé. Cette dernière assertion produisit une grande sensation. Kléber fit arrêter le nouvelliste pour l'interroger. Ce qui avait donné quelque consistance à ces bruits, c'est qu'un courrier qui, quelques jours auparavant, était arrivé de Toulon, pour Bonaparte, avait pris un air fort mystérieux. Kléber, en informant le général en chef de ce fait, le priait de lui faire connaitre ce qu'il y avait de vrai : « Car je suis résolu, lui mandait-il, de vous suivre partout.; je vous suivrai également en France. Je n'obéirai plus jamais à d'autre qu'à vous, et je ne comman derai pas parce que je ne veux pas être en contact immédiat avec le gouvernement '.

Le général Dumuy, que Kléber avait envoyé avec un petit corps dans le Bahyreh, trouva les habitans de Damanhour insurgés, fut obligé de faire sa retraite et rentra dans Alexandrie...

Kléber résolut de faire un emprunt de 30,000 f, şur le commerce. Koraïm fut d'abord de cet avis. Des députés s'étant réunis avec lui chez le géné

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ral en chef, Koraïm fit des difficultés, s'emporta et injuria un interprète français. Kléber réduisit à 15,000 fr. l'emprunt offert par les marchands francs et neutres, et taxa les Musulmans à une contribution militaire de 100,000 fr., payable dans vingt-quatre heures.

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Koraïm, tout en affectant le plus grand zèle pour les Français, travaillait en secret à entraver leurs opérations et à leur aliéner l'esprit des naturels du pays. Kléber dissimulait cependant avec lui; mais il vit clairement que Koraïm avait donné avis aux Arabes de la marche de Dumuy, fomenté l'insurrection de Damanhour, et que ce schérif cherchait, en trahissant l'armée, à justifier, auprès du gouvernement égyptien, ses premières démarches en faveur des Français. Kléber le fit arrêter et conduire sur un des bâtimens de l'escadre; il le remplaça par Mohammed-el-Guriani, ennemi irréconciliable des beys qui l'avaient dépouillé de tous ses biens.

Comme le général en chef avait accordé beaucoup de confiance à Koraïm, et recommandé à Kléber de le traiter avec une grande déférence, ce général manda à l'amiral Brueys d'avoir pour son prisonnier, toute la considération due à son rang; et il écrivit à Koraïm qu'il ne voulait que lui fournir les moyens de se rendre auprès du général en chef pour se justifier; et à Bonaparte, que la rentrée de ce personnage dans Alexandrie, ferait un mauvais effet, même parmi ceux de sa nation, dont il n'était ni aimé ni estimé.

« Il y a trois jours, écrivit l'amiral à Bonaparte,

que le général Kléber m'a envoyé le schérif d'Alexandrie; je lui ai destiné un grand local pour lui et ses gens; enfin je le traite avec égard et distinction, en attendant que vous ayez prononcé sur son sort. Il paraît fort content, et ne cesse de donner des bénédictions au général Bonaparte et au capitan-pacha, car c'est ainsi qu'il me nomme. Le général Kléber me dit vous avoir rendu compte des motifs qui l'ont déterminé à l'éloigner d'Alexandrie et à l'envoyer à mon bord '. »

Avant d'avoir reçu cette dépêche, et sur l'avis donné par Kléber, qu'il avait fait conduire Koraïm à bord de l'amiral, Bonaparte ayant des preuves de la trahison de Seïd-Mohammed-el-Koraïm, arrêta qu'il paierait une contribution de 300,000 f., à défaut de quoi il aurait la tête tranchée. Il écrivit à Brueys : « Faites bien garder Koraïm. C'est un coquin qui nous a trompés; s'il ne nous donne pas les cent mille écus que je lui ai demandés, je lui ferai couper la tête 2. »

Depuis que Koraïm était à bord de l'Orient, on jouissait, dans l'intérieur d'Alexandrie, de la plus grande tranquillité; on n'entendait plus de propos incendiaires; il ne se manifestait plus de ces terreurs paniques qui prouvaient l'inquiétude et l'irrésolution des habitans. Il n'en était pas de même hors de la ville; l'affaire du général Dumuy, à Damanhour, avait donné une telle insolence aux Arabes-Bédouins, qu'ils osèrent se montrer en

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assez grand nombre autour d'Alexandrie. Ils arrêtaient les messagers et enlevaient les dépêches ; ils assassinaient les soldats qui avaient l'imprudence de s'écarter. Deux hommes du poste établi à la colonne de Pompée, poursuivirent un chien à deux cents toises dans la plaine, deux Arabes à cheval sortirent d'une embuscade, tuèrent un soldat d'un coup de pistolet, et blessèrent l'autre mortellement. Kléber convoqua l'es chefs du pays, et convint avec eux de mesures pour entreprendre sérieusement de pacifier ces hordes du désert. Il fit faire une petite expédition contre elles par le chef d'escadron Rabasse, qui tua quarante-trois hommes. Les Arabes reviurent le lendemain pour enterrer les leurs, et entre autres leur chef, auquel ils élevèrent un petit monument de pierres brutes; mais on ne leur laissa pas le temps de l'achever. On leur donna la chasse, et ils ne reparurent plus.

Kléber était toujours sans nouvelles du général en chef; mais il avait appris, par Menou, son entrée au Kaire. On la célébra avec toute la pompe dont Alexandrie était susceptible. Les agens diplomatiques, les négocians de toutes les nations et les principaux Musulmans vinrent visiter le général Kléber, et lui protester de leur dévouement et de leur fidélité à la nation française. Pendant la nuit, les marchés, les maisons, les boutiques furent illuminées; les musiques des deux nations échangèrent des sérénades en l'honneur de leurs chefs; les principaux Musulmans se tenaient dans une grande salle, ou allaient et ve

naient pêle-mêle Turcs, Français, et quelques femmes d'officiers et de négocians. On y distribuait largement et gratis des rafraîchissemens et des parfums. Kléber y parut un instant; la joie était générale et paraissait sincère.

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Ayant reçu, le 12 thermidor (30 juillet), tout à la fois les dépêches de Kléber, Bonaparte approuva la conduite qu'il avait tenue, notamment l'arrestation de Koraïm, et lui transmit l'ordre d'arrêter encore d'autres individus ses complices. « La chose que nous avions le plus à craindre, lui mandait-il, c'était d'être précédés par la terreur qui n'existait déjà que trop, et qui nous aurait exposés dans chaque bicoque, à des scènes pareilles à celles d'Alexandrie. Tous ces gens-ci pouvaient penser que nous venions dans le même esprit que saint Louis, et qu'ils portent eux-mêmes lorsqu'ils entrent dans les États chrétiens; mais aujourd'hui les circonstances sont tout opposées. Ce n'est plus ce que nous ferons à Alexandrie qui fixera notre réputation, mais ce que nous ferons au Kaire; d'ailleurs répandus sur tous les points, nous sommes parfaitement connus. Je vous prie d'organiser la place d'Alexandrie. Dès que tous les officiers seront nommés et que vos blessures seront cicatrisées, vous pourrez rejoindre l'armée. Vous sentez que votre présence est encore nécessaire dans cette place, une quinzaine de jours '. »

Le général en chef ordonna à Kléber de

'Lettres du 12 thermidor.

perce

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