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Vial pour attaquer le camp retranché d'Embabeh, et se porta en personne, entre le Nil et Reynier, sur le gros des Mamlouks. Ceux-ci ne pouvant rompre la ligne, tournèrent autour des carrés, se jetèrent dans l'intervalle formé par les deux divisions, et dès lors leur charge fut manquée. Un double feu acheva leur défaite. Les Arabes qui formaient la gauche de Mourad-Bey, voyant pencher la victoire du côté des Français, abandonnèrent le champ de bataille et s'enfoncèrent dans le désert.

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Cependant la division Menou, commandée par Vial, s'avançait entre les Mamlouks et les retranchemens d'Embabeh, tandis que la colonne d'attaque du général Bon, conduite par Rampon, marchait pour occuper une espèce de défilé entre le camp et Gizeh. A la vue de ces dispositions formidables, une partie des Mamluks qui étaient dans les retranchemens en sortirent, cherchant à se faire jour; les janissaires, les spahis et les felláh s'enfuirent vers la gauche d'Embabeli; mais la division Vial qui,' dans ce moment même, terminait son mouvement, les reçut à bout portant, les chargea à la baïonnette et les jeta dans le Nil. Pendant ce temps, les autres divisions gagnaient toujours du terrain. Les Mamlouks qui étaient hors des retranchemens, se trouvant pris entre le féu des carrés et celui des colonnes d'attaque, essayèrent de regagner leur camp, et tombèrent en désespérés sur la petite colonne de Rampon, entre le fleuve et le village. Tous leurs efforts furent vains un bataillon de

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carabiniers, sous le feu duquel ils furent obligés de passer à cinq pas, en fit une boucherie effroyable; le champ de bataille en fut jonché. Ne voulant pas tomber entre les mains des Français, un très-grand nombre se jeta dans le Nil et s'y noya.

Mourad-Bey qui avait, depuis le commencement de la bataille, constamment combattu les divisions Desaix, Reynier et Dugua, voyant son camp retranché au pouvoir des Français, séparé lui-même de sa droite, qui était cernée de toutes parts et en partie détruite, accablé de fatigue, blessé à la joue et couvert de sang, fit sa retraite sur les Pyramides, suivi de 3,000 cavaliers. Il fut poursuivi par Desaix et Reynier; mais bientôt il s'aperçut de la fausse direction qu'il avait donnée à sa retraite, et voulut reprendre la route de Gizeh. Il reconnut en même temps la faute qu'avait faite un corps de sa cavalerie en restant dans les retranchemens. Quelques-uns de ces braves, cernés de toutes parts, s'y défendaient encore vaillamment et vendaient chèrement leur vie, En vain Mourad essaya plusieurs charges pour leur rouvrir un passage. Ses Mamlouks eux-mêmes avaient l'âme frappée de terreur et agirent mollement. Les divisions Desaix, Reynier et Dugua leur coupèrent le chemin de Gizeh et les poursuivirent jusqu'à la lisière du désert.

Alors la confusion et le carnage furent horribles à Embabeh. De cette nombreuse milice, tout ce qui put échapper aux baïonnettes des Français, se précipita. sur des djermes, kaïkes et autres, ba

teaux pour passer le Nil qui les engloutit. Un petit nombre seulement parvint à s'échapper; les fellâh, légèrement vêtus et excellens nageurs, se sauvèrent presque tous. On dit que près de 5,000 Mamlouks furent tués ou noyés dans cette bataille. Leurs nombreux cadavres répandirent en peu de jours jusqu'à Damiette et Rosette, et le long du rivage, la nouvelle de la victoire des Français. On porte à 10,000 hommes la perte de l'ennemi, tant Mamluks que janissaires et fellȧh. Plus de 400 chameaux chargés de bagages, un pareil nombre de chevaux, 50 pièces d'artillerie et le camp des Mamlouks tombèrent au pouvoir des Français. Ils n'eurent que 260 blessés, et ne perdirent qu'une trentaine d'hommes.

Les Mamlouks avaient sur le Nil une soixantaine de bâtimens chargés de toutes leurs richesses. En voyant l'issue du combat et désespérant de les sauver, il y mirent le feu. La flottille française n'avait pu suivre la marche de l'armée; le vent lui avait manqué. Si on l'avait eue, on aurait pu faire un grand nombre de prisonniers, et s'emparer de toutes les richesses qui furent la proie des flammes.

Le contre-amiral Perrée avait entendu le canon des Français, malgré le vent du nord qui soufflait avec violence. A mesure qu'il s'était calmé, le bruit du canon lui avait paru augmenter, de sorte qu'à la fin, il paraissait s'être rapproché de la flottille. Il crut donc que les Français faisaient leur

'. Larrey. Relation chirurgicale de l'armée d'Orient, page 13.

retraite, et que la bataille était perdue; mais la multitude de cadavres mamlouks que roulait le Nil, rassura bientôt la flottille sur l'issue du combat.

Les divisions Desaix, Reynier et Dugua, après avoir poursuivi les Mamlouks, jusqu'à la nuit revinrent à Gizeh ; déjà cette ville était au pouvoir des Français. Bonaparte descendit de cheval à Embabeh, et se rendit à pied à la maison de campagne de Mourad-Bey, à Gizeh; le contentement était peint sur son visage. Cette habitation ne ressemblait en rien aux châteaux d'Europe. L'étatmajor eut beaucoup de peine à en reconnaître la distribution et à s'y loger. Là, pour la première fois l'armée trouva en Egypte le luxe et les arts de l'Europe. Les jardins étaient remplis d'arbres magnifiques et de berceaux de vignes chargées de raisins. L'espoir d'un riche butin avait ranimé les forces du soldat. Les divisions Bon et Menou, occupaient le camp retranché, nageaient dans l'abondance. On avait trouvé de nombreuses provisions de bouche, et des bagages. Sur le corps de chaque Mamlouk, les soldats trouvaient une bourse de trois, quatre et cinq cents pièces d'or ; car on sait qu'ils avaient coutume de porter toute leur fortune avec eux, quant ils allaient combattre. Leurs vêtemens étaient extrêmement riches et éclatans de magnificence, leurs cimetères et leurs pistolets ciselés d'or et d'argent; les harnois, les selles et les housses de leurs chevaux éblouissaient les yeux par leur luxe et leur richesse. Le champ de bataille était devenu un marché. Au

milieu des cadavres, on vendait des chevaux, des armes, des vêtemens, des chameaux. C'était la joie la plus bruyante dans le silence de la mort; les uns mangeaient, buvaient; d'autres se couvraient la tête d'un turban ensanglanté; celui-ci revêtait une pelisse, son trophée; personne ne songeait plus aux souffrances qu'il avait endurées. Le chef de brigade Destaing fut nommé général de brigade.

Pendant la nuit, la division Menou passa un bras.du Nil, et prit position dans l'île de Roudah. Toute la rive droite offrait l'aspect d'un vaste incendie; les flammes, qui dévoraient la flottille en. nemie, s'élevaient à une grande hauteur, et éclai raient le champ de bataille jusqu'aux Pyramides.

Lorsque, le 3 thermidor au matin, Mourad-Bey se préparait à livrer bataille, Seïd-Aboubeker, pacha du Kaire, où il représentait le fantôme de suzeraineté du sultan, avait été extrêmement embarrassé sur la conduite à tenir dans une circonstance aussi critique. La lettre que Bonaparte avait chargé le commandant de la caravelle de lui envoyer, ne lui était point parvenue; il ignorait donc les vues du général. Réuni à Ibrahim-Bey, plus prudent et moins belliqueux que Mourad, il avait invité Baudeuf, l'un des principaux négocians français, à leur faire connaître le but de l'expédition. N'en étant point lui-même instruit, celui-ci avait répondu que les intentions de la France ne pouvaient être hostiles contre la Porte, et que probablement elle ne voulait qu'un passage pour aller attaquer les possessions anglaises

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