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ton de l'inquiétude. Quand nous serons sortis de. cette horrible position, j'espère pouvoir trouver moi-même tout ce qu'il me faut, et ne jamais vous tourmenter. Si l'armée ne passe pas le désert avec toute la rapidité de l'éclair, elle périra. Elle n'y trouvera pas de quoi désaltérer mille hommes. On ne trouve que des citernes qui, une fois vidées, ne se remplissent plus. Les villages sont des huttes entièrement sans ressources. De grâce, mon général, ne nous laissez pas dans cette situation; la troupe se décourage et murmure. Faites nous avancer ou reculer à toutes jambes ».

I

L'armée partit d'Alexandrie dans les journées des 18 et 19 messidor, avec son artillerie de campagne et un petit corps de cavalerie, si toute fois on pouvait donner ce nom à trois cents cavaliers montés sur des chevaux qui, épuisés par une traversée de près de deux mois, pouvaient à peine porter leurs cavaliers. L'artillerie, par la même raison, était mal attelée. Le géneral en chef partit le 19 au soir (7 juillet), avec son état-major. Frappant à plusieurs reprises sur l'épaule de Berthier, il lui dit, d'un air satisfait: Eh bien, Berthier, nous y sommes enfin !

Pendant la route, l'armée fut en proie à tous les besoins et harcelée par les Arabes. Ils avaient aussi comblé le puits de Berket-Gitâs. Le soldat, brûlé par l'ardeur du soleil et en proie à une soif dévorante, ne pouvait trouver à se désaltérer dans des puits d'eau saumâtre, insuffisans

'Lettre du 17 messidor.

pour ses besoins. Afin de calmer les murmures et l'impatience des troupes, les chefs assuraient d'heure en heure qu'on allait trouver de l'eau en abondance. Une illusion, propre au sol brûlant de ces contrées, venait tout-à-coup rendre l'espérance. On voyait à quelque distance de soi une plaine immense d'eau, où semblaient se réfléchir les images, des monticules de sable, des arbres, des inégalités du terrain. Le soldat hâletant pressait alors sa marche, mais l'eau fuyait devant lui, se montrant toujours à la même distance. C'était le phénomène du mirage qui fait éprouver à l'homme altéré le supplice de Tantale. A l'espoir trompé de voir le terme de ses maux succédaient la tristesse, l'abattement et une prostration de forces; celui qui en était atteint périssait comme par extinction. Cette mort paraissait douce et calme. A son dernier instant un soldat dit qu'il éprouvait un bien-être inexprimable. Le chirurgien en chef, Larrey, en ranima un assez grand nombre avec un peu d'eau douce aiguisée de quelques gouttes d'esprit de vin qu'il portait avec lui dans une petite outre de cuir, ou avec la liqueur minérale d'Hofmann incorporée dans du sucre '%

Arrivées le 20 à Damanhour, les troupes y séjournèrent le 21. Le 20 au matin, 15 employés

I

Ce phénomène a lieu aussi dans la plaine de la Crau, département des Bouches-du-Rhône, et dans les landes de Bordeaux.

'Larrey, Relation chirurgicale de l'armée d'Orient, page 9.

du service des transports militaires qui devaient suivre le quartier-général, étaient partis d'Alexandrie avant leur escorte. Ils furent attaqués par les Arabes, à quatre lieues de la ville, cinq d'entre eux furent tués, les dix autres se sauvèrent.

A midi, un Grec courut dans les rues d'Alexandrie, en criant de toutes ses forces que les Mamlouks arrivaient; que l'armée française était coupée; qu'il fallait fermer les boutiques : elles furent en effet fermées. On amena cet homme à Kléber ; il le renvoya au schérif qui lui fit administrer une bonne volée de coups de bâton; on publia dans les rues la défense de donner de pareilles alarmes. Cependant les Arabes se montraient plus nom

breux que jamais autour du quartier-général de Damanhour. Ils harcelaient les grandes gardes ; plusieurs actions s'engagèrent. Le général de brigade Muireur venait d'acheter un cheval; il voulut l'essayer et sortir du camp. On l'engagea à ne pas trop s'éloigner; mais par une fatalité qui accompagne souvent ceux qui sont arrivés à leur dernière heure, il n'écouta pas cet avis. Après avoir fait quelques pas au galop, il fut attaqué par trois Arabes accroupis et cachés derrière des monticules de sable, tué et dépouillé avant qu'on ne fût venu à son secours. Le général en chef le regretta vivement. Il le regardait comme un des plus braves généraux de son armée. C'était l'homme des dangers et des avant-postes; son sommeil

'Lettre de Bonaparte au Directoire, du 6 thermidor (24 juillet).

était inquiet si l'ennemi ne se trouvait pas en face'.

Le 22, au lever du soleil, l'armée se mit en marche pour Ramanieh; la division Desaix qui était arrivée la première à Damanhour, laissa défiler toutes les autres, et forma l'arrière-garde; à cause du petit nombre de puits, les divisions furent forcées de marcher à deux heures l'une de l'autre.

En sortant de Damanhour, Bonaparte n'ayant avec lui que quelques officiers d'état-major et quelques-uns de ses guides, marchait à une certaine distance des corps d'armée, séparé seulement par une légère élévation de terrain des Bédouins dont il ne fut point apperçu. Après avoir reconnu le péril auquel il venait d'échapper: Il n'est point écrit là-haut, dit-il gaiement, que je doive être pris par les Arabes.

A neuf heures et demie du matin, les divisions Menou, Bon et Reynier, avaient pris position. Le soldat découvrit le Nil; il s'y précipita tout habillé et s'abreuva avec délice de ses eaux. Dès lors les marches ne furent plus aussi pénibles. On se délassait le soir de la fatigue et de la chaleur en se baignant dans le fleuve.

Le général en chef reçut à Rahmanieh un coup de pied de cheval qui lui fit à la jambe droite une contusion assez forte pour faire craindre des suites. Larrey les prévint et le guérit en peu de temps, malgré la marchie et l'activité naturelle de Bonaparte qui ne lui permettaient pas le repos.

• Derniers momens de Napoléon.-Antomarchi, t. II, p. 4.

Presque au même instant où l'armée s'était précipitée dans les eaux du Nil, le tambour la rappela à ses drapeaux. Un corps d'environ 800 Mamlouks s'avançait en ordre de bataille. On courut aux armes. Ils s'éloignèrent et se dirigèrent sur la route de Damanhour, où ils rencontrèrent la division Desaix. Le feu de l'artillerie avertit qu'elle était attaquée. Bonaparte marcha à l'instant contre les Mamlouks; mais l'artillerie de Desaix les avait déjà éloignés. Ils avaient pris la fuite et s'étaient dispersés après avoir eu 40 hommes tués ou blessés. Parmentier, lieutenant à la 61. demi-brigade, et un guide à cheval périrent dans cette action. Dix fantassins furent légèrement blessés.

Le soldat, épuisé par la marche et les privations, avait besoin de repos ; les chevaux, faibles et harassés par les fatigues de la mer, en avaient plus besoin encore. Bonaparte prit le parti de séjourner à Rahmanieh les 23 et 24, et d'y attendre la flottille et la division Dugua qui venait par Rosette.

La terreur, répandue sur tous les points de l'Égypte, à la nouvelle de l'arrivée des Français à Alexandrie, s'était fait sentir à Rosette plus qu'ailleurs, à cause de sa proximité de cette première ville. Ses habitans s'attendaient à être pillés, massacrés, ou au moins emmenés en esclavage. Ils étaient entretenus dans ces idées par des marchands candiotes qui s'y trouvaient alors; ils y avaient été attirés par gouverneur, leur compatriote, Osman Roguey, qui, délégué de SalehBey, y avait commis lui-même, comme kachef, le

le

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