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commerce sur les côtes du Malabar et de Coromandel, et depuis le Golfe Persique jusqu'au fond du golfe du Bengale. On n'aura rien à craindre des Indiens qui n'ont jamais eu et n'auront jamais de marine militaire; leur système religieux s'y oppose. Dans le second cas celui d'anéantir le com merce anglais de l'Inde, il suffira d'établir des entrepôts au Kaire, à Alexandrie et à Marseille. Alors, d'après les ordres envoyés à Marseille, les marchandises des Indes arriveront à Paris et dans tous nos ports de l'Océan, en un mois ou six se→ maines, par la voie du roulage et par le canal de Languedoc, indépendamment de celles qui y viendront par mer.

Les Anglais sont dix-huit à vingt mois à attendre les retours. Sous peu d'années, le com→ merce anglais avec l'Inde ne pouvant en aucune manière, soutenir une pareille concurrence, sera indubitablement anéanti, et la France sera seule en possession du commerce de l'Inde. » bold Magallon, comme nous l'avons dit, avait une grande connaissance du pays; sa proposition, d'abord bien accueillie par le le gouvernement fran→ çais, fut cependant ajournée.

Celui-ci s'était toujours flatté que le concours des événemens pourrait faire naître des circonstances favorables pour punir Mourad et Ibrahim beys soit par lui-même, soit par la Porte, toute faible qu'elle était en Égypte. Les circonstances n'avaient point encore changé; il fallait donc remettre à ̧ d'autres temps tout projet sur l'Égypte. Il n'y renonçait pas, car cette contrée fixait son attention

d'une manière toute particulière. Il sentait le degré d'utilité dont elle pouvait être pour la République. Ses vues reposaient sur les bases contenues dans les mémoires de Magallon, dans lesquels il n'avait trouvé que des idées sages et grandes. Le ministre des affaires extérieures Charles Delacroix, en informant Magallon de ces dispositions du Directoire, lui écrivit : « Je conférerai avec vous sur tous ces objets, lorsque vous serez en France; car je ne doute pas qu'après avoir donné vos soins à vos affaires domestiques à Marseille, vous ne vous fassiez un plaisir de vous rendre à Paris pour y donner au gouvernement tous les éclaircissemens qui pourront lui être utiles pour nos affaires en Égypte. Sous ce rapport, le congé d'une année que vous m'avez demandé et que je m'empresse de vous accorder, ne sera pas inutile au service de la République *. »

Le chef de bataillon Lazowsky, chargé par le Directoire de reconnaître l'empire ottoman assura que la Porte était hors d'état d'opposer le moindre obstacle à une entreprise contre l'Égypte, et qu'une rupture avec cette puissance, dont tout présageait la chute prochaine, ne devait entraîner aucun malheur.

L'expédition d'Égypte était faite pour donner une grande idée de la puissance de la France, attirer l'attention sur celui qui la commanderait, surprendre l'Europe par sa hardiesse : elle devait avoir pour résultats :

Lettre du 29 thermidor an IV ( 16 avril 1796.) ·

1°. D'établir sur le Nil une colonie française qui prospérât sans esclaves et qui tînt lieu à la République de Saint-Domingue et de toutes les îles à sucre;

2o. D'ouvrir un débouché à nos manufactures dans l'Afrique, l'Arabie et la Syrie, et de fournir à notre commerce toutes les productions de ces vastes contrées ;

3o. De faire de l'Égypte comme une place d'armes d'où une armée de 60,000 hommes pourrait se porter sur l'Indus, soulever les Marattes et les peuples opprimés de l'Indoustan.

On comptait sur le secours de Tippo-Saïb. Ce prince avait envoyé des ambassadeurs au gouverneur général des Iles de France et de la Réunion (Malartic), avec des dépêches pour le Directoire; il avait écrit des lettres particulières à l'assemblée coloniale et aux généraux employés dans ce gouvernement. Il demandait à faire une alliance offensive et défensive avec la France, et proposait d'entretenir à ses frais, aussi longtemps que la guerre durerait dans l'Inde, les troupes qu'elle pourrait y envoyer. Il n'attendait enfin que moment où les Français viendraient à son secours, pour déclarer la guerre aux Anglais, n'ayant rien plus à cœur que de les chasser de l'Inde. Dans une proclamation Malartic informa ses administrés des dispositions de Tippo-Saïb, et comme il n'était pas en situation d'offrir des troupes de ligne à ce prince, il invitait les citoyens à s'enrôler

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10 pluviose an VI (29 janvier 1798).

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volontairement dans leurs municipalités, pour servir sous les étendards de Tippo-Saïb.

Ce fut en l'an v (1797), durant les négociations de Campo-Formio, que, de son côté, Bonaparte conçut pour la première fois le projet de l'expédition d'Égypte. Souvent dans les jardins de Passeriano, ses amis l'entendirent développer avec chaleur cette belle et vaste idée. « Il n'y a que dans l'Orient, disait-il, que se font les grandes réputations militaires. L'Europe est trop petite. >> Il fit venir de Milan tous les livres de la bibliothèque Ambrosienne relatifs à l'Orient, et on re marqua,- lorsqu'il les rendit, qu'ils étaient tous marqués et notés aux pages qui traitaient spécialement de l'Égypte. Dès ce moment, il s'occupa sans relâche de tout ce qui se rattachait à ce projet.

Les temps ne sont pas éloignés, écrivait-il au Directoire, où nous sentirons que pour détruire véritablement l'Angleterre, il faut nous emparer de l'Égypte '.

Plus tard, en envoyant, aux marins de l'escadre du contre-amiral Brueys, sa proclamation en faveur du 18 fructidor, il leur dit :

<«< Sans vous, nous ne pourrions porter la gloire du nom français que dans un petit coin du continent; avec vous, nous traverserons les mers, et la gloire nationale verra les régions les plus éloignées. »

Le 17 fructidor, pendant qu'on négociait en

'Lettre du 29 thermidor an v ( 16 août 1797).

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core la paix à Lille, il écrivit à Talleyrand, qui avait remplacé Charles Delacroix, au ministère des affaires étrangères :

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«S'il arrivait qu'à notre paix avec l'Angleterre nous fussions obligés de céder le Cap de BonneEspérance, il faudrait alors nous emparer de l'Égypte. Ce pays n'a jamais appartenu à une nation européenne; les Vénitiens seuls y ont eu une prépondérance précaire. On pourrait partir d'ici avec 25,000 hommes escortés par 8 ou 10 vaisseaux de ligne ou frégates vénitiennes, et s'en emparer.

L'Égypte n'appartient pas au grand seigneur. Je désirerais que vous me fissiez connaître qu'elle réaction aurait sur la Porte notre expédition d'Égypte.

Pour des armées comme les nôtres, toutes les religions sont indifférentes, mahométane, cophte, arabe, etc. »

Talleyrand avait hérité des vues de Charles Delacroix à l'égard de ce projet, et, dès le mois de messidor an v, dans un mémoire lu à l'Institut National, avait exposé quelques idées remarquables sur l'établissement de nouvelles colonies et l'importance de l'Égypte considérée sous ce rapport. Il répondit donc à Bonaparte :

« Quant à l'Égypte, vos idées sont grandes, et l'utilité doit en être sentie : je vous écrirai sur ce sujet, au large. Aujourd'hui je me borne à vous dire que, si l'on en faisait la conquête, ce devrait être pour déjouer les intrigues russes et anglaises qui se renouvellent si souvent dans ce malheu

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