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magasins, de ses parcs de réserve, de ses convois et de tous ses équipages, l'avaient placée dans une situation désespérée. Les Français ne furent jamais sur le point d'être plus puissans, et l'élite de l'armée ennemie était perdue sans ressources : elle eût trouvé son tombeau dans ces vastes contrées qu'elle avait si impitoyablement saccagées, lorsque la trahison du du duc de Raguse livra la capitale et désorganisa l'armée. La conduite inattendue de ces deux généraux, qui trahirent à la fois leur patrie, leur prince et leur bienfaiteur, changea le destin de la guerre; la situation de l'ennemi était telle qu'à la fin de l'affaire qui eut lieu devant Paris, il était sans munitions, par la séparation de ses parcs de ré

serve.

» Dans ces nouvelles et grandes circonstances, mon cœur fut déchiré, mais mon âme resta inébranlable; » etc., etc.

Le 6, Napoléon partit de Gap pour Grenoble. A Saint-Bonnest, on voulut sonner le tocsin pour faire lever les villages en sa faveur. « Non, dit-il aux habitans, » Vos sentimens me garantissent » ceux de MES soldats. Plus j'en >> rencontrerai, plus j'en aurai "pour moi; restez donc tran» quilles chez vous. » A Sisteron, le maire voulut soulever sa commune; mais le général Cambronne arrivé seul en avant de ses grenadiers, dont il venait préparer le logement, l'intimida au point que le municipal s'excusa sur la crainte que ses administrés ne seraient point payés. Eh >> bien! payez-vous, » dit Cambron

ne en jetant sa bourse. Les habitans fournirent des vivres en abondance, et offrirent un drapeau tricolore au bataillon de l'île d'Elbe. Cependant en sortant de la mairie, le général Cambronne se trouva arrêté avec ses quarante grenadiers d'avant-garde, par un bataillon envoyé de Grenoble. Il voulut parlementer. On ne l'écouta pas. Napoléon, instruit de ce contre-temps, se porta en avant, et fut bientôt rejoint par sa garde, accourue au danger, malgré la fatigue qui l'accablait. « Avec vous, » mes braves, leur dit Napoléon,

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je ne craindrais pas 10,000 hom» mes. » Cependant le bataillon de Grenoble avait rétrogradé et avait pris position. Napoléon alla le reconnaître, et lui envoya un officier, qui ne fut pas entendu. « On m'a trompé, dit l'empereur »au général Bertrand; n'importe, » en avant. » Il mit pied à terre, et découvrant sa poitrine. « Sil >> est parmi vous, dit-il aux soldats » de Grenoble, s'il en est un seul »qui veuille tuer son général, SOD

empereur, il le peut, le voici. Les soldats répondirent par accla mation Vive l'empereur! et demandèrent à marcher avec lui sur Grenoble. Ce moment fut décisif pour Napoléon. Un seul coup de fusil enlevait tout-à-coup à la postérité le plus étonnant épisode de l'histoire de la France, et la moindre résistance de la part de ce bataillon eût produit celle de toute la division qui couvrait Grenoble. Le colonel la Bedoyère (voy. ce nom) n'aurait pu amener le lendemain à Napoléon le 7 de ligne. Ce puissant renfort décida ce prince à entrer le soir

même à Grenoble, où le général Marchand s'était mis en état de défense.

Les portes de la ville étaient fermées. La garnis on couvrait les remparts. Elle était composée du 3 régiment du génie, du 5 de ligne, dont un bataillon marchait depuis le matin sous le drapeau impérial, du 4 de hussards, et du 4 d'artillerie, où Napoléon avait été capitaine. Du haut des remparts, où s'était portée la population de la ville, la garnison était frappée d'étonnement de voir s'avancer Napoléon avec sa troupe, l'arme renversée, et marchant avec joie aux cris de vive Grenoble vive la France! vive l'empereur! L'enthousiasme est électrique chez tous les hommes dans les circonstances qui surprennent tout-à-coup leur raison. Les remparts de Grenoble retentirent soudain des mêmes acclamations, et soudain les portes de la ville furent brisées par les habitans. « Tiens, » dirent-ils à Napoléon, au défaut » des clefs de ta bonne ville, en » voici les portes. »> - Tout est » décidé maintenant, dit Napoléon » à ses officiers, tout est décidé, » nous allons à Paris. » Il fit réimprimer et publier ses proclamations, et répandre le bruit qu'il était suivi du roi de Naples, à la tête de 80,000 hommes; que l'Autriche marchait aussi pour lui, etc.; ceci était pour le peuple, exalté déjà au plus haut degré par la lecture des proclamations. Le lendemain 8 mars, reconnu et complimenté solennellement comme empereur par toutes les autorités civiles, judiciaires, militaires et ecclésiastiques, il leur dit : « J'ai

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>> su que la France était malheureu»se; j'ai entendu ses gémissemens >> et ses reproches.... Mes droits >> ne sont autres que les droits du peuple..... je viens les repren»dre, non pour régner, le trône » n'est rien pour moi; non pour » me venger, je veux oublier tout » ce qui a été dit, fait et écrit de»puis la capitulation de Paris.... J'ai trop aimé la guerre, je ne »>la ferai plus..... Nous devons oublier que nous avons été les »maîtres du monde.... Je veux régner pour rendre notre belle » France libre, heureuse et indé»pendante.... Je veux être moins » son souverain que le premier et le meilleur de ses citoyens.... J'au

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rais pu venir attaquer les Bour» bons avec des vaisseaux et des »flottes nombreuses; je n'ai voulu » des secours ni de Murat, ni de »l'Autriche.... » Napoléon n'était point changé. Il était aussi peu disposé à rendre ses droits à la nation qu'il avait pu être dans le cas de refuser les flottes et les armées de Vienne et de Naples; mais il redevint subitement l'homme des soldats et du peuple, dont son retour merveilleux avait subitement saisi, exalté toutes les facultés. Aussi, à la revue qu'il passa de la garnison de Grenoble, l'enthousiasme public fut porté jusqu'au délire, surtout après ces paroles qu'il adressa au 4° d'artillerie:

« C'est parmi vous que j'ai fait » mes premières armes; je vous aime tous comme d'anciens ca» marades. Je vous ai suivis sur »le champ de bataille, et j'ai tou»jours été content de vous; mais »j'espère que nous n'aurons pas

» besoin de vos canons. Il faut à »la France de la modération et » du repos. L'armée jouira, dans »>le sein de la paix, du bien que je » lui ai déjà fait et que je lui ferai » encore. Les soldats ont retrouvé >> en moi leur père; ils peuvent » compter sur les récompenses » qu'ils ont méritées. » Après la revue, la garnison se mit en marche sur Lyon, au nombre de 6,000 hommes. Le soir, Napoléon écrività l'impératrice et au roi Joseph. Les courriers ne manquèrent pas de dire sur leur passage, et le peuple de répéter, qu'ils portaient l'ordre à l'impératrice de venir avec le roi de Rome rejoindre l'empereur. Cependant Napoléon ne se contenta pas à Grenoble de prendre possession de l'opinion; il reprit aussi celle du pouvoir impérial, en décrétant qu'à dater du 15 mars, les actes publics seraient faits et la justice rendue en son nom. L'organisation des gardes nationales dans les cinq départemens qu'il venait de traverser ne fut point oubliée, et avant de quitter Grenoble, il adressa cette proclamation aux habitans de l'Isère:

Citoyens, lorsque dans mon nexil, j'appris tous les malheurs >> qui pesaient sur la nation, que » tous les droits du peuple étaient » méconnus, et qu'on me repro» chait le repos dans lequel je vivais, »je ne perdis pas un moment, je »'embarquai sur un frêle navi»re, je traversai les mers au mi>>lieu des vaisseaux de guerre de » différentes nations. Je débarquai » seul sur le sol de la patrie, et je » n'eus en vue que d'arriver avec la rapidité de l'aigle dans cette bonne ville de Grenoble, dont le

patriotisme et l'attachement à » ma personne m'étaient particu>> lièrement connus. Dauphinois, » vous avez rempli mon attente:

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j'ai supporté, non sans déchire»inent de cœur, mais sans abatte»ment, les malheurs auxquels j'ai »été en proie il y a un an. Le spec» tacle que m'a offert le peuple sur »mon passage m'a vivement ému. »Si quelques nuages avaient pu altérer la grande opinion que j'a»vais du peuple français, ce que j'ai vu m'a convaincu, qu'il était toujours digne de ce nom de » GRAND peuple, dont je le saluai il »y a 20 ans. Dauphinois, sur le »point de quitter vos contrées »pour me rendre dans ma bonne » ville de Lyon, j'ai senti le besoin de vous exprimer toute l'estime »que m'ont inspirée vos sentimens élevés. Mon cœur est tout plein >> des émotions que vous y aveL >> fait naître; j'en conserverai tou»jours le souvenir..

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Il y avait sept jours que Napoléon était en France, lorsquele Moniteur apprit à la France ce grand événément par une ordonnance royale, qui mettait ce prince HORS LA LOI, et par une proclamation qui convoquait sur-le-champ les deux chambres. Le lendemain, ce même journal annonça que Napoléon, abandonné des siens, poursuivi par la population et les garuisons. errait dans les montagnes et ne pouvait manquer d'échapper à la haine commune. Comme on connaissait le Moniteur depuis le commencement de la révolution, et qu'on connaissait aussi Bonaparte, les nouvelles de cette feuille offcielle n'eurent pas un grand credit. Toutefois il y eut deux opi

nions l'une était celle de la mas se, qui croyait aux succès de Napoléon; l'autre était celle de la cour, qui méprisait cet ennemi, comme 25 ans auparavant elle avait méprisé celui qui s'appela la révolution. Cependant on ne put cacher long-temps l'épisode de Grenoble, ni la marche sur Lyon; en conséquence, MONSIEUR, M. le duc d'Orléans, et le maréchal Macdonald, partirent en toute hâte pour cette ville, où ils devaient marcher avec 25,000 hommes contre le fugitif conquérant. M. le duc d'Angoulême, le maréchal Masséna, les généraux Marchand et Duvernet, devaient lui fermer la retraite. Sur ses flancs était le général Lecourbe. Le maréchal Oudinot marchait à la tête de ses invincibles grenadiers tout le midi était levé. Enfin, le 11 mars, on annonça à Paris que Bonaparte venait d'être complètement battu du côté de Bourgoing. Cependant il a vait couché à Bourgoing le 9 sans coup-ferir, et le 10, à 7 heures du soir, il avait fait son entrée à Lyon, à la tête de l'armée envoyée pour le combattre. Il était descendu à l'archevêché que venait de quitter MONSIEUR, et il avait voulu y être gardé par la garde nationale à pied: celle à cheval s'étant présentée, «Nos institutions, lui dit-il, ne re>> connaissent pas de gardes natio>> nales à cheval; d'ailleurs, vous » vous êtes si mal conduits avec le >> comte d'Artois, que je ne veux >> point de vous.» En effet, de tous les nobles dont.cette garde était presque entièrement composée, un seul avait suivi le prince, jusqu'à ce que sa personne fût hors de tout danger. Napoléon le fit ap

peler. « Je n'ai jamais laissé, lui dit-il, une belle action sans récompense. Je vous donne la croix »de la légion-d'honneur. » Cette action serait héroïque, si Napoléon n'avait pas voulu récompenser la fidélité qu'il voulait réveiller pour lui-même.

Aussi la scène va-t-elle changer parce que Napoléon n'est point changé. Jusqu'aux portes de Lyon, depuis le golfe Juan, il s'est dit le premier citoyen de la France. A Lyon, il reprend le sceptre. Il écrit à l'impératrice : Je suis remonté sur mon trône. Il écrit au roi Joseph retiré en Suisse: J'ai ressaisi ma couronne. Il le charge de faire déclarer à la Russie, à l'Autriche, aux puissances, qu'il veut tenir loyalement le traité de Paris. On doit croire cependant qu'il était entièrement décidé, vis-à-vis de lui-même, à abjurer l'esprit de conquêtes, puisqu'il répète à Lyon, aux autorités, ce qu'il avait dit sur sur sa route: «J'ai »été entraîné par la force des évé»> nemens dans une fausse route.

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Mais instruit par l'expérience. j'ai abjuré cet amour de la gloi»re, si naturel aux Français, qui » a eu pour la France et pour moi tant de funestes résultats.... Je » me suis trompé en croyant que » siècle était venu de rendre la Fran» ce le chef-lieu d'un grand empi»re. » Il est clair, en songeant aux proportions de l'empire qu'il avait perdu, que par grand empire Napoléon entendait parler au moins de L'EUROPE. Telle était done sa première pensée, en rentrant en France, celle de n'être plus un conquérant. Mais la seconde fut d'être un souverain.

« J'y suis décidé, disait-il le len» demain ; je veux dès aujourd'hui » anéantir l'autorité royale et renvoyer les chambres. Puisque j'ai »repris le gouvernement, il ne doit » plus exister d'autre autorité que » la mienne. Il faut qu'on sache, » dès à présent, que c'est ▲ MOI »SEUL qu'on doit obéir.» Alors il dicta ces frop fameux et trop justement fameux décrets de Lyon. Par le premier, il prononçait la dissolution des deux chambres, et il ordonnait la réunion à Paris en assemblée extraordinaire du champ-de-Mai, des collèges électoraux de l'empire, soit pour cǝrriger, disait-il, nos institutions, soit aussi pour assister au couronnement de l'impératrice, notre très-chère et bien aimée épouse, et à celui de notre très-cher et bien aimė fils. Par le second décret, il rétablissait contre les émigrés non radiés, rentrés en France depuis le 1 janvier 1814, la rigoureuse législation des assemblées nationales, et de plus il frappait leurs biens du séquestre. Par le troisième, il rentrait au 1 article dans le système de la révolution, en abolissant la noblesse et les titres féodaux. Mais au 3 article, i rentrait dans son système impérial, en confirmant la jouissance des titres à ceux qui les avaient reçus de lui, et en se réservant par le 4 article de les concéder à sa volonté, aux héritiers des grandes notabilités de la France dans tous les âges et dans tous les genres d'illustration. Le quatrième décret congédiait tous géné raux et officiers de terre ou de mer, qui avaient été introduits dans nos armées depuis le " a

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vril 1814, et qui soit émigrés ou non avaient quitté le service à la première coalition contre la France. Le cinquième rappelait à leurs fonctions tous les magistrats éliminés, parce que tous les membres de l'ordre judiciaire sont inamovibles par nos constitutions. Uu sixième décret ordonnait le séquestre sur les biens des émigrés à tous les établissemens publics à qui ils avaient été repris. Le huitième, licenciait la maison du roi et les Suisses. Le neuvième enfin, supprimait tous les ordres royaux. Tels furent les décrets de Lyon. Ils reconstituaient tout le pouvoir impérial, et satisfaisaient, non aux intérêts moraux, mais aux intérêts individuels de la révolution, ainsi qu'aux vengeances de l'époque. Le séquestre et la proscription d'un côté, de l'autre la noblesse impériale par privilége exclusif, le couronnement de l'impératrice, celui de son fils, étaient loin d'être les ga ges de cette liberté que voulait la France et dont Napoléon s'était, au golfe Juan, proclamé le dispensateur. De tous ces décrets il n'y avait de populaire que celui qui abolissait en France le service étranger; les autres furent et dorent être désavoués par les amis d'une véritable liberté, par ceux qui ne voulaient, ni la proscription, ni le bon plaisir. Mais comme les vrais citoyens sont en petit nombre dans tout état, ces décrets eurent la faveur du peuple, faveur que l'enthousiasme rendait séditieuse contre lui-même, et qui dans l'adversité devint au moins inutile si ce n'est fatale à celui qui l'avait provoquée. Le noble refus que fit legrand-maréchal Bertrand,

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