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>> renonce pour lui et ses héritiers » aux couronnes de France et d'I» talie, et qu'il n'est aucun sacri»fice personnel, même celui de la » vie, qu'il ne soit prêt à faire à l'in » térêt de la France. » NAPOLÉON.

Napoléon expédia ses plénipotentiaires, et remit l'acte d'abdication au duc de Vicence.

Les plénipotentiaires se mettent en route pour Paris, et ils arrivent chez l'empereur Alexandre dans la nuit, à deux heures. Le premier mot de ce prince à leur arrivée fut: Apportez-vous l'abdication? Le duc de Vicence lui en fit la lecture, mais l'empereur ne s'en contenta point et en exigea une copie, sans doute pour satisfaire le gouvernement provisoire qui était derrière la négociation des alliés. La suite de la conférence fut favorable aux intérêts que les plénipotentiaires de Fontainebleau avaient à défendre; il était plus de trois heures du matin quand l'empereur les congédia.

Indépendamment de la négociation relative à l'abdication absolue, au choix d'une principauté pour Napoléon, et aux arrangemens relatifs à sa famille, ses plénipotentiaires devaient eucore traiter d'un armistice, afin de mettre un terme aux agitations de l'armée et aux inquiétudes de la Frau ce envahie. Ils passèrent toute la journée du lendemain chez le prince généralissime pour conclure cet armistice; enfin après beaucoup de difficultés tout était convenu, et les plénipotentiaires étaient ren. trés chez eux pour s'occuper de la dernière rédaction, quand un billet du comte de Nesselrode les appela à minuit, chez l'empereur

Alexandre. A l'arrivée des plénipotentiaires l'empereur leur dit que Napoléon venait de quitter Fontainebleau, qu'on le trompait, qu'il voulait bien par égard pour le caractère des plénipotentiaires et par l'estime qu'il leur portait individuellement, ne pas laisser le généralissime s'assurer de leurs personnes, mais qu'il voulait une explication franche. Le chef d'état-major du général Curial, qui était arrivé l'après-midi de Fontainebleau, n'avait pu laisser aucun doute aux plénipotentiaires sur la fausseté de cette nouvelle; le duc de Vicence venait également de recevoir de l'empereur une lettre particulière par un de ses officiers d'ordonnance; il repoussa donc avec force cette allégation, et il proposa à l'empereur Alexandre, qui l'accepta, d'envoyer de suite un de ses aides-decamp s'assurer à Fontainebleau, de la présence de l'empereur Napoléon. Cependant l'empereur Alexandre déclara aux plénipotiaires que celui qui transmettait cette nouvelle au gouvernement provisoire ne lui laissait aucun doute sur son authenticité; il ajouta que tout ce qui avait été fait et convenu jusqu'alors, devait être regardé comme non avenu, que tout était rompu, et il congédia les plénipotentiaires. Ils reçurent également la même déclaration du généralissime, qui leur faisait redemander les articles rédigés de l'armistice: ils se rendirent chez lui, mais leurs protestations furent inutiles.

Le lendemain, l'aide-de-campgénéral de l'empereur du Russie étant revenu de Fontainebleau, ce

prince fit appeler les plénipotentiaires, leur avoua qu'il avait été trompé, et leur dit avec une noble franchise que, tenant à se justifier à leurs yeux, il voulait leur montrer ce qui avait dû produire sa conviction: alors il donna à lire la lettre d'un général français attaché à la maison de l'empereur, qui écrivait de la Ferté-Gaucher au général commandant les avantpostes russes, qu'il venait d'être averti du départ de Napoléon de Fontainebleau, et de sa fuite par la route de Bourgogne ; qu'il priait le général de faire parvenir cette nouvelle au gouvernement provisoire, afin qu'il pût prendre des mesures convenables. « La nature >> de cet avis, dont je suis bien aise >> de vous montrer la preuve, ajou> ta l'empereur, vous prouvera que » mes doutes étaient plus que fon» dés. Hier au soir j'ai tout sus» pendu; mais dès à présent les » choses sont remises où elles é>> taient avant cette fausse nou» velle. » Ainsi l'armistice fut conclu, et les négociations continuè

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rent.

La publicité qui fut donnée à cet armistice dut influer puissamment sur le soldat, qui devenait tout-à-coup en quelque sorte étranger au sort de son général, à la fortune de Napoléon. Chaque jour, dans les premiers rangs de l'armée, une désertion silencieuse s'échappait de Fontainebleau; le cercle diminuait autour de celui qui avait eu les rois pour courtisans, et Napoléon put faire jusqu'au dernier moment de sombres réflexions sur la constance des hommes à suivre l'in-. constance de la fortune. Chaque

jour il se voyait dépouillé par d'incroyables ingratitudes de ses plus chères, de ses plus anciennes affections. Les noms de ceux qui sont restés auprès de Napoléon jusqu'au dernier moment, sont conservés par l'histoire. La politique de cette époque n'imposait l'ingratitude à personue. Le roi n'était point dans son palais des Tuileries. Il ne s'agissait pas de choisir entre Paris et Fontainebleau, entre la reconnaissance et la révolte. Le gouvernement provisoire, qui venait de naître de la conquête des alliés, n'était pas la

restauration; sa constitution n'était pas une loi. Les souverains étrangers n'étaient légitimes pour aucun Français. Encore peu de jours, tout était sauvé pour les déserteurs de la première et de la seconde abdication, jusqu'à leur fidélité. Napoléon n'eût pas connu l'affreux supplice de l'abandon des sions, de ses vieux frères d'armes, de ses derniers courtisans !

Le peu d'intérêts personnels qui restaient à Napoléon, était confié à Paris au dévouement particulier du duc de Vicence. Dans les conversations particulières qu'il avaiteues avec l'empereur Alexandre, ce souverain, en parlant du séjour qui serait accordé à Napoléon, de la Corse, de Corfou, de l'île d'Elbe, avait insisté pour cette dernière résidence. Ce fut, ce qui est à remarquer, d'après cette première ouverture,que les plénipotentiaires firent valoir comme un engagement, que l'ile d'Elbe fut obtenue pour Napoléon comme souveraineté indépendante. Il fut heureux que cet engagement fût antérieur à la défection de Marmont; car.

après cet événement, les alliés, éveillés par les agens de la restauration sur le danger de ce voisinage pour la France, ne voulaient plus accorder l'île d'Elbe à Napoléon; mais fidèle à sa parole, et sommé en quelque sorte par le duc de Vicence, l'empereur Alexandre ne crut pas loyal d'y manquer parce que les circonstances avaient changé.

Napoléon n'aurait-il pas été plus grand s'il eût jeté sa pourpre tout entière au lieu d'en conserver un lambeau, et s'il eût choisi, comme Dioclétien, une maison dans un village? Mais l'île d'Elbe était un port sur la France.

Cependant, dans le temps où Napoléon traitait encore d'une ombre de grandeur avec les souverains, le maréchal Soult faisait de nobles adieux à la gloire militaire de la France, le 10 avril, sous les murs de Toulouse. Après la bataille d'Orthez du 27 février, sa petite armée, échappant à 50,000 combattans, s'était lentement et glorieusement dirigée, pendant un mois de marche, d'Orthez sur Tarbes, où elle avait, le 20 mars, continué sa belle retraite, malgré l'armée anglaise aux ordres du maréchal Beresford; enfin, elle était arrivée au nombre de 50,000 hommes, dont un quart de nouveaux conscrits, le 24 mars dans la ville de Toulouse. En quinze jours le maréchal, fort de luimême et de la valeur de ses troupes, avait fait un vaste camp retranché de la capitale du Languedoc; quinze jours aussi avaient semblé nécessaires au circonspect Wellington, que Soult tient en échec depuis six mois, pour atta

quer 30,000 Français avec une armée de 80,000 vieux soldats. Enfin le 10 avril, à six heures du matin, l'action s'était engagée autour de l'immense enceinte que le génie du maréchal avait su fortifier sous les yeux de son ennemi. La nuit seule avait terminé cette grande journée, où une seule redoute, un seul canon tombèrent au pouvoir des Anglais, où un seul moment d'hésitation, causée par la mort d'un de ses généraux, empêcha l'armée française d'être victorieuse. Les Français ont 3,600 hommes tués ou blessés, Wellington en a 18,000. Le lendemain, trompant encore Wellington, à qui il doit abandonner Toulouse, le maréchal se met en marche par le département de l'Aude, pour amener à Napoléon une de ses plus braves armées. Il ne sait pas que la grande bataille qu'il vient de donner a été dérobée à un armistice, que la cause qu'il défend n'est plus, que la gloire qu'il lui donne est une gloire posthume, il l'apprend dans sa marche le 12, par la nouvelle de l'armistice que. Wellington lui envoie. Ainsi l'héroïque résistance de son armée n'a été qu'un dernier sacrifice à la France. Si cependant, et en supposant toujours l'ignorance de l'abdication, l'armée d'Arragon, commandée par le maréchal Suchet, et dont une partie était déjà arrivée à Narbonne, eût pu se joindre à Toulouse à l'armée du généralissime maréchal Soult, toute la campagne de Wellington en France était anéantie; il n'eût jamais vu avec ses troupes les bords de la Seine. La jonction avec l'armée du maréchal Auge-,

reau se fût faite alors dans les Cévennes; celle du vice-roi, qui était alors en marche, y eût également été réunie; et une autre France, sous les drapeaux d'une armée de cent mille combattans, venait sur les bords de la Loire, et sous le commandement du maréchal Soult, réclamer noblement celle qui était envahie, et délivrer le grand prisonnier. Les populations, revenues de leur première stupeur, se seraient ralliées autour du palladium de la patrie, qu'une autre grande-armée aurait seule conservé. Une nouvelle campagne se fût ouverte par des combats vraiment dignes de la France; la terre natale eût enfanté des légions dont Napoléon eût entendu les acclamations du donjon impérial de Fontainebleau, et ressaisissant sans doute alors sa première résolution de marcher sur la Loire, il eût avec sa troupe sacrée brisé les entraves d'une négociation dont il n'est que le captif; il eût réparé ainsi la faute mortelle de sa marche sur Paris, celle plus mortelle encore d'être resté à Fontainebleau, quand il avait pour manoeuvrer les deux tiers de la France; et il eût été justement absous d'avoir été pendant vingt ans l'arbitre de ses destinées, en sachant jusqu'à la fin combattre, vaincre ou mourir pour elle. L'irruption romanesque de l'île d'Elbe, malgré son merveilleux, n'aura jamais dans la postérité française la place qu'aurait eue le noble exemple d'un pareil dévouement. Le suicide de Fontainebleau ne serait-il pas le repentir de la négociation de Paris?

Pendant cette négociation, Na

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poléon, qui n'avait pas oublié le chagrin que lui avait causé sa dernière abdication, fit écrire et écrivit lui-même au duc de Vicence pour la lui redemander. Le duc lui répondit: Que manquer aux engagemens qu'il avait pris, serait sacrifier tous les intérêts de Sa Majesté; que l'acte d'abdication était la base principale de la négociation, et qu'il ne prendrait jamais sur lui les graves inconvéniens qui pourraient en résulter, s'il cédait à ses intentions. Cependant Napoléon parut le premier jour avoir pris son parti, et la manière dont il l'annonça à ceux qui l'entouraient mérite d'être conservée. «Maintenant, dit-il, que tout est terminé, puisque je ne puis rester, ce qui vous convient le mieux c'est » la famille des Bourbons; elle ralliera tous les partis... Moi, je ne » pouvais garder la France autre qu'elle était quand je l'ai prise... » Louis ne voudra pas attacher son »nom à un mauvais règne; s'il » fait bien, il se mettra daus mon »lit, car il est bon... Qu'on se »garde surtout de toucher aux >> biens nationaux. Le roi aura beaucoup à faire avec le faubourg » Saint-Germain; s'il veut régner long-temps, il faut qu'il le tienne en état de blocus: il est vrai qu'alors il n'en sera pas plus ai»mé que moi; c'est une colonie » anglaise au milieu de la France, » qui rapporte tout à elle, et s'in

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quiète pen du repos et du bon»heur de la patrie, pourvu qu'elle »jouisse des priviléges, des hon»neurs et de la fortune... Si j'étais » de Louis XVIII, je ne conserve>> rais pas ma garde, il n'y a que » moi qui puisse la manier... A

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Beaucoup de témoins, par leur prompte soumission au gouvernement provisoire, se donnèrent la satisfaction de colorer leur empressement d'une dernière et gé

néreuse soumission aux intentions de l'empereur.

Cependant Napoléon ne prend pas pour lui la résignation qu'il conseille à ceux qui l'entourent, et il repousse le traité de Paris. « A quoi bon ce traité, dit-il à ses » plénipotentiaires, puisqu'on ne » veut pas régler avec moi ce qui » concerne les intérêts de la Fran»>ce? du moment qu'il ne s'agit » plus que de ma personne, il n'y » a plus de traité à faire. Je suis D vaincu, je cède au sort des ar>> mes; seulement je demande à » n'être pas prisonnier de guerre, >> et pour me l'accorder, un simple » cartel doit suffire; d'ailleurs il ne » faut pas une grande place pour » enterrer un soldat. »

Napoléon ne pense pas qu'il est déjà plus qu'un prisonnier de guerre, qu'il est un véritable prisonnier d'état, écroué par l'Europe dans son propre palais, sous la qualification de L'ENNEMI COMMUN; qu'il est devenu le justiciable des armées ennemies; qu'il n'est plus le général de celle qu'il appelle la sienne, de cette armée qui voudrait toujours le défendre,

et qui est condamnée à paraître le garder pour les rois qui attendent, sous peine d'un châtiment inconnu, la ratification du traité de Paris! ses jours sont peut-être menacés s'il ne signe pas. Rien aussi ne le garantit quand il aura signé ; pour lui tout est fatal. Dans le moment où l'on publiait à Paris l'acte d'abdication absolue et l'adhésion de l'armée à la restauration, on annonçait aussi l'arrivée de Monsieur, frère du roi. Le lendemain, ce prince fit son entrée solennelle. Napoléon n'ignorait. aucune de ces circonstances, ni aucun de ses périls; mais, inflexible dans sa volonté comme au temps de ses prospérités, n'ayant plus qu'elle pour puissance, ne reconnaissant plus qu'elle pour destinée, il persista toute la journée du 12 avril dans le refus de ratifier le traité.

Ce traité se ressentait de l'influence des malheureuses circonstances qui y avaient présidé. Les difficultés et les objections se succédaient à Paris lors de sa discussion, comme les adhésions se succédaient à Fontainebleau. Maîtres de tout, plus sûrs chaque jour d'une grande défection, les alliés usèrent amplement du droit du plus fort. L'empereur d'Autriche se tenait toujours loin, par une sorte de pudeur d'état, qui naissait autant de sa politique que de son lien de famille avec Napoléon. M. de Metternich était resté près de son souverain. Lord Castelreagh, menacé peut-être de quelque disgrâce parlementaire de la part de l'opposition, échappait également à toute partialité, en partageant la retraite

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