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alliés les souvenirs héroïques de 1792 leur en imposaient encore. L'Autriche surtout dut redouter de fouler cette terre alors si redoutable, à laquelle l'envahissement des étrangers avait fait produire tant de héros. Elle cherchait donc par tous les moyens à se soustraire aux chances douteuses de l'invasion méditée, et cette opinion, cette crainte, partagées par la Prusse, qui avait sa tradition particulière, par l'Angleterre, qui avait en mémoire les désastres de ses armées sur le sol français, le furent aussi par la Russie, et déterminèrent les alliés aux propositions de Francfort. En conséquence de cette terreur qui avait saisi les vainqueurs, on voulait, en promettant et en n'arrêtant pas l'ouverture d'un congrès, dans la ville de Manhein, désignée par Napoléon, avoir le temps de séduire ou de violer la neutralité de la Suisse, la faiblesse du roi de Naples, la Hollande déjà occupée. La Russie et l'Autriche surtout, dont la capitale était menacée par l'armée du prince Eugène, le voulaient ainsi, et en attendant ces résultats, qu'ils obtinrent bientôt, les souverains alliés publiaient à Francfort, le décembre, une proclamation, qui tendait à désunir la France elle-même, en séparant sa cause de celle de son souverain. Ainsi dans le moment où ils traitaient, ou avaient l'air de traiter avec Napoléon, ils dévouaient sa tête à ses propres sujets. Telle était la politique guerroyante des alliés, Napoléon n'en devint que plus exigeant, et il fut trompé comme eux : car il crut aussi que l'invasion soule verait les

citoyens, et qu'ils feraient pour lui ce que leurs pères avaient fait pour la liberté. Il crut qu'une nation, fatiguée par vingt-cinq années de guerre, avait encore l'énergie qui doit résulter d'une longue paix; il crut même que les récents exemples des Espagnols serviraient aux Français et arrêteraient les alliés. Ainsi, au lieu d'accepter publiquement et de proclamer les bases offertes, comme un gage de sa modération, de son amour pour la France, et de sa bonne foi envers l'Europe, il voulut rester maître de ces conditions dont il fit tant qu'il put un mystère, et ne donna qu'une réponse évasive. Les alliés n'en furent pas les dupes « Napoléon n'est pas changé,» s'écria l'empereur d'Autriche. Plus tard, à peu de temps de là, Napoléon crut manifester ses intentions pour la paix, en changeant deux de ses ministres, en appelant au ministère des relations extérieures le duc de Vicence, désigné à Francfort par les souverains et par l'opinion en France, comme étant l'homme de la paix. Le début de ces nouvelles communications diplomatiques fut l'acceptation des bases proposées par les alliés, mais il était trop tard. Les alliés, au lieu d'ennemis à redouter, avaient en France de puissans auxiliaires.

Une conspiration déjà ancienne, très-habile et très-active, que l'entreprise du général Malet avait peut-être réveillée, et qui l'année précédente avait eu un moment pour représentant à Dresde, le révolutionnaire et contre-révolutionnaire Fouché, duc d'Otrante, accueillait surdement en France

le projet d'une séparation avec son chef, si hautement proclamée par l'édit de Francfort. Le projet d'une régence n'était pas étranger à une masse d'opinions, que les grandes époques de la révolution rendaient imposantes, et que les dangers publics semblaient appeler à son secours. Pour tout dire en un mot, les républicains et les constitutionnels de la France, redoutaient autant que les é trangers le retour de la prospérité militaire de Napoléon, et aspiraient à lui voir imposer une paix qui mît fin à son ambition et aux malheurs de la patrie. Ces sentimens, ces opinions, cette volonté, vont se trouver mis en action, à la grande scène de famille que provoquera la convocation du corps législatif, le 19 décembre.

Cependant la situation des troupes françaises devenait chaque jour plus déplorable au-delà du Rhin et au-delà des Pyrénées. Pampelune avait capitulé le 31 octobre; Napoléon apprenait cette nouvelle à Mayence, qu'il quitta le 8 novembre pour se rendre à SaintCloud, où il arriva le lendemain. Le 10, le maréchal Soult était forcé dans les lignes de Saint-Jeande-Luz, par le général Wellington, dont toutes les forces espagnoles, anglaises et portugaises, sont réu nies. Il n'y a plus de Français en Espagne. Le 11, le maréchal Saint Cyr, enfermé dans la ville de Dresde avec 30,000 hommes, dont 6,000 malades, conclut avec les généraux Klénau et Tolstoi une convention honorable. Mais le système qui faisait trahir les alliances, fit aussi trahir jusqu'aux capitulations, et le généralissime

priuce de Schwarzenberg refusa de ratifier la convention faite par ses lieutenans. Le corps du maréchal Saint-Cyr, arrêté dans sa marche, fut conduit prisonnier en Autriche. Il en fut de même des autres garnisons, qui capitulèrent pour leur rentrée en France, telle que celle de Dantzick, sous les ordres du général Rapp : le prince de Wurtemberg, qui commandait le siége avec une armée russe, imita, le 1er janvier 1814, la conduite du prince de Schwarzenberg. Le 21, après huit mois de blocus, la ville de Stettin ouvrait ses portes aux alliés. Le 24, le général Bulow prenait Amsterdam, qui proclamait l'indépendance de la Hollande et rappelait le prince d'Orange : le 2 décembre ce général entrait à Utrecht. Le 4, Lubeck était pris par les Suédois. Du 8 au 15, après des combats trèsacharnés entre l'armée du maréchal Soult et celle du général Wellington, celui-ci, par la supériorité numérique de ses forces, franchit la Nive à Locuboera Ustaritz. Le 10 décembre, l'évacuation de la Hollande continuait par celle de Breda et de Williemstat, et le 15, afin qu'il ne restât plus au-delà du Rhin un seul ami à la France, les Russes stipulaient un armistice avec les Danois, tandis que le 23TM* corps, fort de plus de 30,000 hommes, sous les ordres du maréchal Davoust, était condamné à attendre dans les murs de Hambourg la conclusion du grand drame politique dont la France va être la victime. Il en est de même des 80,000 hommes que renferment les villes de Dantzick, de Magdebourg, et les autres places du

160,000 gardes nationales, pour former les garnisons de l'intérieur; enfin, le 19, le corps-législatif est convoqué; l'empereur en fit l'ou

verture en ces termes :

« Sénateurs, conseillers d'é»tat, députés des départemens au corps-législatif,

Nord qui résistent encore au blo. cus de l'ennemi. Ces nombreuses légions seront assez malheureuses pour apprendre dans leurs prisons guerrières, tous les désastres de celles à qui le champ de bataille est ouvert, et pour sentir que la coalition ne triomphe que parce qu'elles sont captives. Arrivé le « D'éclatantes victoires ont il9 novembre à Saint-Cloud l'em- »lustré les armes françaises dans pereur ne perd pas un moment cette campagne, des défections pour la défense de la France, et »sans exemple ont rendu ces vicretrouve cette incroyable activité »toires inutiles : tout a tourné qu'il avait déployée au commen- >> contre nous. La France mêine cement de la même année, pour »serait en danger sans l'énergie aller venger sur l'Elbe et sur l'O- » et l'union des Français. Dans ces der sa grande-armée de Russie. »grandes circonstances, ma preLe 15, un sénatus - consulte met >>mière pensée a été de vous ap300,000 hommes à sa disposition, speler près de moi; mon cœur et pour solenniser la séance d'ou- » a besoin de la présence et de verture du corps-législatif, où la »> l'affection de mes sujets. Je n'ai cause de la France va être portée, »jamais été séduit par la prospériun autre sénatus-consulte du mê- » té l'adversité me trouvera aume jour appelle à cette séance le » dessus de ses atteintes. J'ai plusénat et le conseil-d'état. Il s'agit » sieurs fois donné la paix aux nade la paix du monde et du salut »tions, lorsqu'elles avaient tout de l'empire. Le 2 décembre, le perdu. D'une part de mes conduc de Vicence, nommé ministre quêtes, j'ai élevé des trônes pour des relations extérieures, déclarait » des rois qui m'ont abandonné. au comte de Metternich que Na- »J'avais conçu et exécuté de poléon adhérait aux bases de Franc->>grands desseins pour la prospéfort. En témoignage de ses intentions pacifiques, ce prince signait, le 11, le traité de Valançay, et rendait l'Espagne à Ferdinand. Ce traité pouvait être signé et surtout » Des négociations ont été enexécuté plus tôt. Il y eut des retards »tamées avec les puissances coalivolontaires opposés à son exécu- »sées. J'ai adhéré aux bases prélition, de la part du général Clarke, »minaires qu'elles ont présenministre de la guerre. Toute l'ar- »tées...; j'ai ordonné qu'on vous mée d'Espagne, les Soult, les Su- »communiquât toutes les pièces chet, les Clauzel, se seraient trou- originales qui se trouvent au vés au cœur de la France dans le porte-feuille de mon département mois suivant. Mais déjà on trahis->des affaires étrangères.... Rien sait la France et Napoléon. Le 17, »ne s'oppose de ma part au rétaun décret impérial mobilisait >>blissement da la paix. Je conna is

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rité et le bonheur du monde...... Monarque et père, je sens que la »paix ajoute à la sécurité des trô»>nes et à celle des familles.

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»et je partage tous les sentimens » des Français..... je dis des Fran»çais, parce qu'il n'en est aucun » qui désirât la paix au prix de » l'honneur.... Sénateurs, conseil»lers-d'état, députés des départe» mens, vous êtes les organes na»turels de ce trône; c'est à vous » de donner l'exemple d'une é»nergie qui recommande cette génération aux générations futu>> res. Qu'elles ne disent pas de »nous : Ils ont sacrifié les pre»miers intérêts du pays; ils ont re»connu les lois que l'Angleterre a » cherché en vain pendant quatre » siècles à imposer à la France! » Mes peuples ne peuvent pas » craindre que la politique de leur »empereur trahisse jamais la gloi» re nationale. De mon côté, j'ai » la confiance que les Français se>>ront constamment dignes d'eux > et de moi. »

Ce discours fit une grande impression, et l'assemblée fut aussi émue qu'on l'avait été à la première audience après le retour de Moskou; mais Napoléon fut écouté par des esprits plus fiers. Les maux de la patrie avaient affranchi toutà-coup les hommes naguère les plus soumis. Le duc de Vicence, ministre des affaires étrangères, fut chargé des communications à la commission du sénat, et le conseiller-d'état d'Hauterive à celle du corps-législatif, qui s'assembla chez l'archichancelier. La commission du sénat se réunit dans son palais; elle communiqua avec le ministre par M. de Fontanes, son rapporteur. Le ministre-d'état Regnauld fut chargé des messages aux deux chambres. La commission du sénat, présidée par

M. de Lacepède, était composée de MM. de Talleyrand, Fontanes, Saint-Marsan, Barbé-Marbois et Beurnonville; celle du corps-législatif, présidée par le duc de Massa, était composée de MM. Raynouard, Lainé, Gallois, Flauguergues et Maine de Biran. L'empereur ne voulut jamais consentir à cette époque à faire communiquer aux deux commissions le rapport de M. de SaintAignan, et ne permit que les communications des bases. Les instances réitérées du duc de Vicence pour tout communiquer furent inutiles. Le rapport ne fut inséré dans le Moniteur que pendant le congrès de Châtillon, et encore l'empereur s'en repentit, au poin: de faire arrêter la distribution de ce numéro. Le 30, une députation du sénat fut admise à présenter le rapport de sa commission. Le sénat approuvait tous les sacrifices demandés à la France, mais dans le seul but de la paix. Il suppliait l'empereur de faire un dernier effort pour l'obtenir : « C'est » le vœu de la France, Sire, disait » la députation, c'est le besoin de l'humanité. Si l'ennemi per»siste dans ses refus, eh bien! »> nous combattrons pour la patrie. » entre les tombeaux de nos pères wet les berceaux de nos en» fans. >>

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de la Bretagne, de la Normandie, » de la Champagne, de la Bourgo» gne, et d'autres départemens, au » secours de leurs frères. Les aban» donnerons-nons dans leur mal» heur? Paix et délivrance de no»Ire territoire, doit être notre cri >> de ralliement : A l'aspect de tout >>ce peuple en armes, l'étranger fuira, ou signera la paix sur les » bases qu'il a lui-même proposées; » il n'est plus question de recou>> vrer les conquêtes que nous a>> vions faites. »

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Le rapport de la commission du sénat, avait noblement développé l'opinion généreuse, qui, tout en justifiant ses vœux pour une paix prochaine, justifiait également les efforts que le chef du gouvernement demandait à la nation pour l'obtenir; il ne s'occupa que des malheurs présens, et en effet si dans la campagne de Russie, la gloire comme l'infortune fut toute à la France, et le crime aux élémens, il en était de même de la campagne actuelle, dont la trahison seule avait fait tous les désartres. Le rapport traitait ha bilement cette dernière question, et abordait avec grandeur la situation de la patrie. « Le moment » est décisif; les étrangers tiennent un langage pacifique, mais quel» ques-unes de nos frontières sont >> envahies, et la guerre est à nos portes; 56 millions d'hommes ne >> peuvent trahir leur gloire et leur » destinée.... La France peut être » fière de ses blessures, comme de » ses triomphes passés; le décou» ragement dans le malheur serait » encore plus inexcusable que la » jactance dans le succès; ainsi donc » en invoquant la paix, que les pré

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» paratifs militaires soient partout »accélérés et soutiennent la négo»ciation. Rallions-nous autour de >> ce diadême, où l'éclat de cin» quante victoires brille au travers » d'un nuage passager : la fortune ne manque pas tong-temps aux »nations qui ne se manquent pas à elles-mêmes.... » Le sénat avait heureusement saisi cette occasion, de prendre son rang dans la fortune de la France; mais peu de mois après, ce grand principe qu'il venait de proclamer était perdu la France et pour lui. pour

Le corps-législatif, placé plus près des besoins et des intérêts domestiques de la nation, songea à l'héritage de vingt-quatre années de législature, qui avait précédé la sienne. Il jugea le procès de l'empire et de la liberté, et demanda des garanties au souverain, qui demandait la dictature; 'tel fut l'esprit de la commission dont M. Raynouard fut l'orateur dans la séance du 28 : « S'il s'agissait, » dit-il, de discuter ici des condi»tions flétrissantes, S. M. n'eût »daigné répondre qu'en faisant

connaître à ses peuples les projets » de l'étranger; mais on ne veut » pas nous humilier, mais nous » renfermer dans nos limites et ré» primer l'élan d'une activité ambitieuse, si fatale depuis vingt ans, à tous les peuples de l'Europe; de >>telles propositions nous parais» sent honorables pour la nation, »puisqu'elles prouvent que l'é»tranger nous craint et nous res» pecte. Ce n'est pas lui qui assi

gne des bornes à notre puissan»ce: c'est le monde effrayé qui in» voque le droit commun des nations; les Pyrénées, le Rhin et les Al

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