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ses quiavaient préparé l'anarchie » qui déchirait la France. » Il fit nommer, le 6 juillet, un comité central, chargé d'établir un ordre de travail constitutionnel; chaque bureau devant fournir un de ses membres pour sa formation, Mounier fut choisi par le sien pour commissaire, et par le comité central pour rapporteur. L'occasion d'exercer ces fonctions ne tarda pas à se présenter des troupes se rassemblaient dans la capitale et dans les environs. Mirabeau avait proposé une adresse au roi, pour demander leur éloignement; Mouuier, toujours en garde contre les envahissemens du pouvoir, ne manqua pas de l'appuyer; mais en même temps il fit, au nom du comité central, le rapport le plus favorable à l'autorité royale. Ce discours parut calmer les esprits, et il ne fut plus question du renvoi des troupes. Les dispositions changèrent tout-à-coup à la nouvelle de l'exil de Necker et de la disgrâce de ses collègues; l'assemblée fut consternée, et un violent mécontentement se manifesta dans Paris. Mounier crut que le rappel des ministres était le seul remède aux maux qu'il prévoyait, et, dans l'intention de calmer les esprits, il proposa une adresse au roi. Elle fut long-temps débattue. Cependant, le sang coulait dans la capitale. L'assemblée se détermina enfin à voter l'envoi de deux députations, l'une au roi pour demander l'éloignement des troupes, l'autre à Paris, pour faire cesser les désordres. C'était le 13 juillet; le 14, on apprit que le peuple de Paris s'était emparé de la Bastille. Les circonstances deve

nant de plus en plus critiques, de nouvelles mesures furent proposées; on commençait à les discuter lorsque Louis XVI entra dans l'assemblée sa présence calma d'abord toutes les agitations, elles cessèrent entièrement lorsqu'on l'entendit engager les représentans à s'unir à lui pour sauver l'état, annoncer qu'il avait donné l'ordre aux troupes de s'éloigner, et inviter l'assemblée à faire connaître ces dispositions à la capitale. Quelques membres voulaient néanmoins qu'on exigeât du roi, comme un droit de l'assemblée, le rappel des ministres. Mounier prétendit que ce serait violer la prérogative royale; il soutint qu'on devait se borner à faire un vœu à cet égard, en le manifestant par la voie d'une prière humble et soumise; son opinion triompha, mais elle devint inutile, tous les ministres ayant donné leur démission. Mounier, malgré quelques succès passagers en faveur d'une sage liberté, s'apercevant enfin des dangers toujours croissans de la patrie, ne s'occupa plus que des moyens qu'il jugeait propres à les prévenir. Il fit ou appuya toutes les motions qui tendaient à ce but, et n'en continua pas moins ses travaux au comité de constitution, dont il soumettait le résultat à l'assemblée nationale. La tâche de ce comité s'avançant au milieu de mille obstacles, elle devint bien plus pénible après la séance nocturne du 4 août. Mounier approuvait l'abolition des droits et des devoirs féodaux et censuels; mais il regardait comme une violation du droit de propriété de les abolir sans indemnité. Ayant ré

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clamé et même protesté en vain contre cette mesure, il publia ses Considérations sur le gouvernement, et principalement sur celui qui convient à la France. Il y pose les bases d'une charte constitutionnelle, telle à peu près que celle qui régit la France depuis la première restauration en 1814. L'instant approchait où allaient s'agiter deux questions importantes qui devaient décider du sort de l'état l'une concernant la sanction royale, et l'autre la formation d'un corps-législatif. Mounier fit le rapport du comité de constitution le 31 août, et, le 4 septembre, il développa avec éloquence deux des articles du projet présenté; il proposa à l'acceptation de l'assemblée la sanction royale dans toute sa plénitude, et la division du corps-législatif en deux chambres. Ses efforts furent inutiles. L'assemblée décréta une chambre unique et permanente; et, ce qui est digne de remarque pour la connaissance des causes qui ont amené les excès de la révolution, le côté droit vota pour une chambre unique. La sanction des lois ne fut accordée au roi que sous le nom de veto suspensif. Dès le lendemain, Mounier et quelques autres membres de son opinion envoyèrent au président de l'assemblée leur démission, motivée sur ce qu'ils ne pouvaient plus rester membres d'un comité dont le zèle et les lumières avaient inspiré si peu de confiance. Toutefois il n'en conserva pas moins l'estime de ses collègues, qui l'élevèrent à la présidence le 28 septembre; il accepta, parce que le poste était périlleux et qu'il

y avait quelque courage à braver le danger. Le 5 octobre au matin, l'assemblée avait arrêté que son président, à la tête d'une grande députation, irait demander au monarque une acceptation pure et simple des articles déjà décrétés de la constitution et de la déclaration des droits. Quelques individus envoyés par une foule considérable rassemblée à la porte de la salle, deinandaient du pain à grands cris, et annonçaient la résolution d'en obtenir par la force. « Le seul moyen d'obtenir du pain, leur dit Mounier, est de »rentrer dans l'ordre plus vous » menacerez, moins il y aura de »>pain. pain. Mounier se rendit au château avec la députation de son choix. Admis dans le cabinet du roi, il lui soumit les mesures qu'il croyait nécessaire de prendre dans la circonstance; le prince les trouva justes et les adopta, mais ceux qui l'approchaient et qui avaient sa confiance, mirent trop de lenteur à les exécuter. Pendant six heures qu'ils perdirent à délibérer, une foule d'hommes des plus basses classes avait envahi le lieu des séances, et s'y était portée à toutes sortes d'excès. Lorsqu'à dix heures du soir Mounier retourna dans l'assemblée, il la trouva livrée au plus affreux dé-, sordre. Etant parvenu, après les plus grands efforts, à se faire entendre des députés, il leur proposa de se rendre auprès du roi el de lui faire un rempart de leurs corps. Mirabeau opposa la dignité de l'assemblée. Mounier alla presque seul chez le roi. C'est là qu'était le danger, mais le remède était ailleurs; avant d'y recourir, il fut

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témoin des sages dispositions que »>té. J'ai déjà écrit à notre comprenait le commandant de la ini- » mission intermédiaire; je lui delice parisienne, en distribuant ses » mande une protestation contre postes dans les cours et aux envi- » les actes d'une assemblée qui ne rons du château ; il rentra ensuite peut plus être regardée comme dans l'assemblée au moment mê-libre; puis la convocation de nos me où arrivait l'acceptation royale si long-temps sollicitée. Il était trois heures du matin, l'effroi s'était emparé des esprits faibles, les autres membres étaient accablés de fatigues; Mounier, crachant le sang, pouvant à peine se faire entendre, se serait exposé à tout pour prévenir les dangers qu'il redoutait, mais il fut obligé de céder à la nécessité. Il alla prendre quelques heures de repos. Ou connaît les événemens de cette nuit. Mounier quitta son poste pour ne pas paraître participer à des mesures qu'il désapprouvait. Une nouvelle assemblée pouvait seule à ses yeux arrêter la marche rapide des événemens, et son projet était que tous les députés se rendissent auprès de leurs coinmettans pour en solliciter de nouveaux choix; c'est dans cette vue que le 7 octobre au soir il délivra, en sa qualité de président, plus de 600 passeports à des députés qui partageaient ses opinions. Le 8, il venait d'envoyer sa démission et était encore rempli de l'impression que lui avait causée cette résolution extrême, lorsque le comte de Lally entrant chez lui et le trouvant absorbé dans ses réflexions, lui demanda : A quoi >> pensez-vous si profondément? »Je pense, répondit Mounier, » qu'il faut se battre. Le Dauphiné »a appelé les Français à établir la liberté; il faut qu'il les appelle » aujourd'hui à défendre la royau

T. XIV.

états. Le reste suivra. » Tous deux jugeant qu'il n'y aurait pas de sûreté pour eux dans la capitale, partirent le jour même. Mounier trouva à Grenoble quelques personnes disposées à suivre ses instructions déjà des protestations contre les actes d'une assemblée qu'il disait asservie avaient été imprimées; mais bientôt le roi défendit comme illégale toute espèce d'assemblée d'états, et annula toutes les résolutions qui auraient pu y être prises. Mounier, contrarié dans ses vues, renonça à toute idée de résistance, et vécut dans la retraite,cherchant des consolations dans ses souvenirs; il employa ses loisirs à rendre compte de sa conduite à l'assemblée dans un ouvrage intitulé: Exposé de la conduite de Mounier, etc. Cet écrit ne laissa aucun doute sur ses principes, ses intentions, la marche qu'il avait suivie et le but où il voulait arriver, mais ne satisfit pas tout le monde, parce que le rang où il s'était placé parmi ses collègues lui faisait, disaiton, un devoir de l'occuper plus long-temps: il était un de ceux qui avaient le plus influé sur la direction qu'avait suivie l'assemblée nationale; il avait été une des principales causes de la fusion des ordres et du vote par tête; il avait provoqué le serment du jeu de Paume, qui privait le roi du droit de dissoudre l'assemblée; il avait soutenu que la déclaration des

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écrivit son Appel à l'opinion pu-
blique (Genève, 1790, 1 vol. in-
8°), ouvrage dans lequel il dé-
tailla les événemens des 5 et 6 oc-
tobre, en développant les causes
auxquelles il les attribue. De Ge-
neve, qu'il fut obligé d'abandon-
ner, il se rendit à Berne, où les
magistrats l'accueillirent avec une
distinction particulière; les con-
seils qu'il eut occasion de donner
à cette sage république, appré-
ciés comme d'importans services,
lui valurent de la part du petit-
conseil une grande médaille d'or
dont l'exergue portait: J. J. Mou-
nier, civi gallico, de republicâ be-
ne merito. Il profita de son séjour
à Genève et en Suisse pour écrire
et publier ses Recherches sur les
causes qui ont empêché les Fran-
çais de devenir libres, etc. (2 vol.
in-8°, Genève, 1792), un des ou-
vrages les plus distingués qui
aient été faits sur la révolution..
M. Gentz l'a traduit en allemand,
et y a ajouté des notes. Pour ne
pas exposer à une mort certaine
ceux de ses concitoyens qui lai
auraient envoyé des secours dont
sa familie, qui allait être augmen-
tée d'un troisième enfant, allait a-
voir besoin, il se chargea de l'é-
ducation du fils d'un pair de la
Grande-Bretagne, ce qui l'obligea
de se rendre à Londres. Il y recut
des lords Grenville, de Lougbo-
rough et du roi lui-même, auquel
il fut présenté par lord Hawke et
le comte de Lally, l'accueil le plus
flatteur. On lui offrit la place de
grand-juge au Canada avec des
appointemens considérables; mais

droits et la constitution ne devaient être soumises qu'à l'acceptation et non pas à la sanction du roi, et c'était cette acceptation pure et simple, attendue depuis six mois, qu'il se plaignait de n'avoir reçue qu'à 10 heures du soir le 5 octobre. Cette journée et la suivante, ainsi que la translation de l'assemblée dans la capitale, rendaient les fonctions de député plus difficiles, mais ne pouvaient pas dispenser de subir les conséquences des précédens auxquels on avait pris part, et Mounier, disait on, devait s'y soumettre plus qu'un autre. D'ailleurs l'ascendant de ses vertus et des services qu'il n'avait cessé de rendre, sa voix éloquente et patriotique, en ralliant autour de lui les vrais amis du trône et de la liberté, les auraient peut-être garantis l'un et l'autre de la chute où les entraînèrent dans la suite l'exagération des esprits et les intrigues de l'étranger, Mounier ne jouit pas du repos qu'il s'était promis. Bientôt son dévouement au roi le fit signaler comme un traître, et la crainte de compromettre les hommes honnêtes qui lui prodiguaient des marques d'estime, l'obligea de quitter sa patrie; il y revint néanmoins au mois de janvier 1790, avec le comte de Lally; mais les dangers toujours croissans qui l'environnaient, le décidèrent à se rendre en Savoie, et il arriva à Chambéri le 22 mai 1790. Il y trouva sa femme et ses enfants qu'il avait envoyés en avant, ne voulant pas se séparer d'eux pendant un exil qu'il pré-il fallait renoncer à sa patrie, et il voyait devoir être long. C'est à ne put en supporter l'idée. De reGenève où il se fixa d'abord, qu'il tour en Suisse auprès de sa fa

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mille, il en parcourut tous les cantons avec son élève, pour en connaître les différentes constitutions, et pénétra jusqu'à Milan; il y fut reçu avec tous les égards dus au mérite malheureux. Mounier, témoin de l'abus qu'on avait fait en France du dogme de la souveraineté du peuple, voulut en détruire les séduisantes illrsions en composant un ouvrage intitulé: Adolphe (Berne, 1794, in-8°), et crut avoir bien servi son pays en le publiant. Les dé sastres dont fut victime à cette époque la république de Genève, subjuguée par les idées d'indépendance qui régnaient en France, furent l'objet d'un nouvel ou vrage qu'il intitula Relation des malheurs de Genève. Il prévit alors que la Suisse ne resterait pas long-temps tranquille spectatrice des orages qui l'environnaient, et jugea qu'elle ne serait bientôt plus un lieu de sûreté pour lui; il la quitta au mois d'octobre 1795, se rendit à Erfurt et de là à Weimar. Tous les genres d'afflictions devaient l'assaillir en même temps; jusque-là il avait trouvé dans son bonheur domestique one sorte de compensation aux chagrins de voir sa patrie en proie à la violence des partis, et cette consolation lui fut enlevée : il perdit son épouse. Le soin qu'il devait à ses enfans encore jennes, put seul lui donner le courage de supporter cette perte; mais les efforts mêmes qu'il fit pour surmonter sa douleur, n'en furent pas moins le germe de la maladie qui l'emporta quelques années plus tard. Mounier, cédant alors à la pro. position que lui fit le duc de Wei

mar, de former un établissement d'éducation dans un de ses châteaux, nommé le Belvédère, fit annoncer qu'il ne se chargerait que des jeunes gens qui, se déyouant aux fonctions publiques, avaient besoin de compléter leur éducation. Cet établissement, comme tous ceux de ce genre, ne se peupla que très-lentement, mais enfin il réunit un assez grand nomibre d'élèves allemands, et surtout anglais, sur lesquels il exerça le plus grand ascendant par le dévouement avec lequel il se livra à leur instruction outre la surveillance générale, il leur fit des cours de philosophie, de droit public et d'histoire, et il lui resta encore assez de momens pour composer un ouvrage intitulé: De l'influence altribuée aux philosophes, aux franes maçons et aux illuminés, sur la révolution française, in-8", Tubinge, 1801; Paris, 1821. Il donne dans la première partie ses idées sur les causes de la révolution; il traite les deux suivantes avec la candeur et l'esprit de justice qui le caractérisaient, et présente dans la dernière un tableau aussi impartial que satisfaisant de tout ce qu'on avait écrit de mieux sur cette matière. Il existe de cet ouvrage deux traductions, l'une anglaise, l'autre allemande. Le 18 brumaire ayant annoncé le retour de l'ordre en France, Mounier sollicita et obtint sa radiation de la liste des émigrés, dans les premiers mois. de 1801; il se rendit à Grenoble au mois d'octobre suivant. Son intention était de reconstruire à Lyon l'établissement qu'il venait d'abandonner, mais cédant aux sollicitations de ses anciens collè

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