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on fait quelques prisonniers, on recueille de nouveaux renseignements, et la véritable situation des choses s'éclaircit.

Napoléon a été trompé par les alarmés de la capitale. Depuis cinq jours, les ennemis ne marchent plus sur Paris. Ils sont revenus à Troyes; leur avant-garde s'est en effet avancée jusqu'à Provins, mais le gros de l'armée autrichienne est resté presque stationnaire pendant tout le temps qu'a duré l'incertitude des alliés sur les événements de Laon et de Reims. L'échec éprouvé par Saint-Priest et le séjour de Napoléon à Reims ont encore ajouté à l'indécision des généraux ennemis. Ils avaient d'abord fait dire à leur avant-garde de s'arrêter; ils lui avaient ensuite ordonné de se replier sur Nogent et Villenoxe. La nouvelle que Napoléon revenait sur la Seine, et qu'il était à Epernay, avait converti soudain ce premier mouvement en une retraite générale. Platow, qui était à Sezanne avec tous ses Cosaques, était revenu le 17 sur Arcis; les ponts de Nogent avaient été levés précipitamment; le grand quartier-général des alliés s'était replié sur Troyes; les gros bagages avaient reculé plus loin. Il était même question chez l'ennemi de se retirer jusqu'à Bar (1). Les troupes que nous venons de surprendre à Châtres sont

(1) C'est dans cette terreur panique que l'empereur Alexandre fit dire, à quatre heures du matin, au général Schwarzenberg qu'il fallait envoyer un courrier à Châtillon pour qu'on signât le traité de paix que demanderait le duc de Vicence. (Voyez Wilson sur la Russie, édition de Paris, de 1817, page 90.) On assure que l'anxiété que l'empereur Alexandre éprouva à cette époque, fut si grande, qu'il disait lui même «que la moitié de sa tête en >> grisonnerait.» (Beauchamp, page 112,

tome II.)

VII.

l'arrière-garde de l'arrière-garde ; elles appartiennent au corps de Giulay, et ramènent les derniers bateaux du pont qui avait été jeté à Nogent.

Ainsi, plus de doutes; la grande armée autrichienne a rétrogradé; Paris en est délivré, et le retour de Napoléon a suffi pour ce résultat. Mais ici le succès tourne contre nous; il dérange nos plans, fait venir l'armée au pas de course, de Reims jusqu'à Méry, pour frapper sur le vide, et nous rejette dans le cercle des incertitudes, en imposant à Napoléon la nécessité d'entreprendre un nouveau système d'opérations. Le seul avantage qu'on ait obtenu, c'est la jonction avec les corps des ducs de Tarente et de Reggio. Ces maréchaux arrivent de Villenoxe à Plancy, croyant suivre les traces de Wittgenstein; malgré cette réunion, nos forces sont encore tellement disproportionnées, qu'il est impossible de se commettre aux hasards d'une bataille rangée. Les considérations qui à Reims ont décidé à manoeuvrer sur les derrières de Schwarzenberg se représentent avec les mêmes probabilités. Napoléon reprend donc son premier plan. Nous avons tourné trop court en rabattant de Fère-Champenoise sur Plancy; maintenant, pour nous replacer dans la direction qui conduit sur les derrières de l'ennemi, nous allons remonter l'Aube jusqu'à Bar, s'il le faut.

Le 20 mars, toute l'armée était donc en marche pour remonter l'Aube: on arrive de bonne heure à la hauteur d'Arcis. On ne devait pas s'y arrêter, mais on aperçoit sur la route de Troyes quelques troupes ennemies : des détachements vont les reconnaître; ils trouvent de la résistance, l'avant-garde s'engage, le canon gronde. Napoléon accourt, il appelle successivement toutes ses troupes; les forces de l'ennemi

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portion bien plus forte; et bientôt Napoléon, qui a eu l'espoir de tomber sur un corps isolé, reconnaît que c'est l'armée de Schwarzenberg tout entière qu'il a devant lui.

s'accroissent aussi, mais dans une pro- |çaise. Napoléon y court personnellement de grands risques. Enveloppé dans le tourbillon des charges de cavalerie, il ne se dégage qu'en mettant l'épée à la main. A diverses reprises, il combat à la tête de son escorte ; et loin d'éviter les dangers, il semble au contraire les braver. Un obus tombe à ses pieds; il attend le coup, et bientôt disparaît dans un nuage de poussière et de fumée : on le croit perdu ; il se relève, se jette sur un autre che

De nouvelles résolutions chez les alliés avaient amené de nouveaux hasards.

feu des batteries !... La mort ne veut pas de lui.

Au moment où le prince Schwarzenberg se disposait à évacuer Troyes pour continuer sa retraite, l'empereur Alexandre s'était opposé à ce mouve-val, et va de nouveau se placer sous le ment. Un conseil de guerre avait été convoqué dans la nuit, et l'on avait avisé aux moyens de ne pas toujours reculer devant nos petites armées. A cet effet, on était convenu de se procurer une masse de forces telle que le nombre pût désormais l'emporter sur le courage, triompher des manœuvres et maîtriser toutes les chances. Le nouveau plan consiste à réunir en une seule armée les forces immenses de Blücher et de Schwarzenberg. Toute opération d'attaque ou de retraite doit être ajournée jusqu'après cette grande concentration. Déjà l'ordre avait été donné à Blücher de se rapprocher des bords de la Marne; en conséquence, il n'y a plus qu'à se mettre en marche pour aller au-devant de lui. Le rendez-à profit; le 21 au matin, un second vous général est donné dans les plaines de Châlons: Schwarzenberg s'y rendait par la route d'Arcis.

Tandis que l'ennemi se développe et forme un demi-cercle qui nous renferme dans Arcis, l'armée française se rallie sous les murs crénelés des maisons des faubourgs. La nuit vient la protéger dans cette position, mais on ne peut espérer de s'y maintenir longtemps; à chaque instant l'ennemi nous resserre davantage. Les boulets se croisent dans toutes les directions sur la petite ville d'Arcis; le château de M. de la Briffe, où se trouve le quartier impérial, en est criblé. Les faubourgs sont en feu, et nous n'avons qu'un seul pont derrière nous pour sortir de ce mauvais pas. Napoléon met la nuit

pont est jeté sur l'Aube, et le mouvement d'évacuation commence.

Cependant l'affaire s'est engagée de nouveau sur toute la ligne, et dure une partie de la journée. On ne combat plus pour la victoire, mais on fait tête à l'ennemi; on le retient, on l'arrête, quand il pouvait nous écraser, et l'on repasse l'Aube avec ordre. Les ducs de Tarente et de Reggio restent les derniers sur la rive gauche.

Combien Napoléon, fatigué de conseils timides et de récits décourageants, était loin de soupçonner qu'il pùt encore intimider ses ennemis au point de leur inspirer des marches d'une si haute prudence! En cherchant à manœuvrer sur leurs flancs, il est tombé dans la nouvelle direction qu'ils viennent de prendre, et retrouve leur Cette affaire achève de convaincre avant-garde. Cette rencontre est extrê-l'armée qu'elle est trop faible pour lutmement critique pour l'armée fran- ter corps à corps contre les masses de

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Nous voici désormais séparés de la capitale : les avenues en sont ouvertes à l'ennemi ; mais aura-t-il la confiance d'y marcher?

Le parti que prend Napoléon menace les communications principales des alliés, et va peut-être allumer un fatal incendie sur leurs derrières. S'ils donnent à cette manoeuvre hardie l'attention qu'elle mérite, Paris n'aura rien à craindre. Déjà ils semblent suivre nos traces avec inquiétude; les ducs de Reggio et de Tarente, qui sont à l'arrière-garde, font dire que toute l'armée ennemie est à notre poursuite. Napoléon, en s'éloignant, emporte donc l'espoir d'attirer les alliés dans un nouveau système d'opérations. Mais en même temps Napoléon ne perd pas de vue la rive gauche de la Seine, que les alliés viennent d'abandonner; il veut manœuvrer de manière à rester toujours maître de revenir sur Paris par

de Frignicourt. Un détachement va sommer Vitry-le-Français d'ouvrir ses portes, et la journée finit par de vaines démonstrations contre cette place. Napoléon s'arrête au château de Plessis-ôle-Comte, commune de Longchamps, entre Vitry et Saint-Dizier. Il y dicte le bulletin d'Arcis et quelques dépêches pour Paris; mais les courriers n'ont plus de route on a recours à des émissaires qui promettent de gagner Paris à travers champs.

Le 23, l'armée continue son mouvement. On couche à Saint-Dizier; c'est dans cette ville que le duc de Vicence rejoint le quartier impérial. Il a quitté Châtillon le 20 mars; il est accompagné du secrétaire de légation Rayneval; et pour arriver jusqu'à nous, ils ont dû subir les nombreux détours que l'ennemi leur a prescrits.

Ce retour du duc de Vicence sert de prétexte aux propos d'un sourd mécontentement qui règne dans la plupart des états-majors-généraux. Il y a autour de Napoléon lui-même trop de personnes qui s'éloignent de Paris avec regret. On s'inquiète tout haut; on commence à se plaindre. Dans la salle qui touche à celle où Napoléon s'est enfermé, on entend des chefs de l'armée tenir des propos décourageants. Les jeunes officiers font groupe autour d'eux. On veut secouer l'habitude de la confiance. On cherche à entrevoir la possibilité d'une révolution; tout le monde parle, et d'abord on se demande : « Où va-t-on? Que devenons-nous? » S'il tombe, tomberons-nous avec » lui? » Jamais Napoléon n'a eu plus besoin de sa forte volonté pour lutter contre l'opposition qui l'entoure; mais, pour la première fois, il ignore ce qui la nuit du 21 au 22 au vil- se passe chez lui.... ou feint de l'ilage de Somepuis.

cette route.

On

passe

Le 22, on traverse la Marne au gué

gnorer.

Après l'aveu qui vient de nous échap

per, hâtons-nous de rendre justice à | léon croit pouvoir profiter. L'armée l'armée. Officiers et soldats, tous ont conservé l'énergie et le dévouement qui peuvent seuls faire réussir la campagne aventureuse à laquelle on est près de s'abandonner.

Napoléon, avant de prendre un parti définitif, a besoin de recueillir des renseignements plus certains sur celui auquel la grande armée des alliés s'est elle-même décidée. Pour mettre le temps à profit, et continuer l'exécution de ses projets, il fait attaquer toutes les routes de l'ennemi ; il envoie du côté de la Lorraine le duc de Reggio, qui s'établit à Bar-sur-Ornain, et du | côté de Langres le général Piré, qui va courir jusqu'à Chaumont. Ces routes sont les lignes d'opération des alliés; elles sont couvertes de leurs parcs, de leurs bagages, de leurs voyageurs; on y trouvera des nouvelles, et il est possible d'y faire d'importantes captures! En attendant, l'armée prend position sur la route qui communique de SaintDizier à Bar-sur-Aube. Le 24 au soir, le quartier impérial s'établit à Doulevent; nos ailes s'étendent, l'une vers Bar, l'autre vers Saint-Dizier, prêtes à déboucher également sur les routes de la Lorraine, sur celles de la Bourgogne, ou sur la route de Paris par la rive gauche, suivant les avis qu'on

recevra.

arrive donc inopinément au secours de l'arrière-garde, et rétablit le combat. La cavalerie des généraux Milhaud et Sébastiani bat l'ennemi au gué de Valcourt sur la Marne. Les alliés en désordre abandonnent Saint-Dizier, et s'enfuient par les deux routes opposées de Vitry et de Bar-sur-Ornain.

Napoléon rentre encore une fois à Saint-Dizier ; il y passe la nuit.

et

Il croyait être poursuivi par l'armée du prince Schwarzenberg, et il apprend par les déclarations des blessés que c'est à un détachement de l'armée de Blücher qu'il vient d'avoir affaire : les rapports de l'arrière-garde n'avaient cessé de répéter que toutes les forces de l'ennemi couraient après nous, il acquiert la certitude que le corps d'armée de Wintzingerode est le seul qui ait été envoyé à notre poursuite. Que devient donc Schwarzenberg ? Comment les troupes de Blücher, qui naguère menaçaient Meaux, se trouvent-elles maintenant aux portes de la Lorraine? On se perd en conjectures.

Napoléon prend le parti de pousser une forte reconnaissance sur Vitry, et le 27 au soir il recueille, sous les murs de cette place, des détails qui lui donnent enfin l'explication des mouvements de l'ennemi. Les dépositions des prisonniers, le rapport de quelques-uns de nos soldats échappés des mains de l'ennemi, les bulletins des alliés, leurs proclamations imprimées, que les paysans des environs de Vitry nous apportent, confirment la vérité sur les événements qui viennent de se passer.

Napoléon reste toute la journée du 25 à Doulevent. Pendant ce repos, la cavalerie du général Piré entre à Chaumont, intercepte la route de Langres, enlève des estafettes et des courriers, soulève les paysans, et répand l'alarme depuis Troyes jusqu'à Vesoul. Mais le 26 au matin, Napoléon est tout à coup rappelé sur Saint-Dizier; l'ennemi y attaque vivement notre arrière-garde; il l'a forcée d'évacuer cette ville, et s'avance avec une confiance dont Napo-bords de la Marne. Il avait rejeté du

Tandis que Schwarzenberg forçait le passage de l'Aube à Arcis, Blücher arrivait par la route de Reims sur les

côté de Château-Thierry les corps du duc de Raguse et du duc de Trévise. Le 23, la jonction des armées de Blücher et de Schwarzenberg s'était opérée. Jamais, depuis Attila, l'immense plaine qui s'étend entre Châlons et Arcis n'avait contenu plus de soldats!

Il restait aux alliés à décider s'ils marcheraient contre Napoléon, ou s'ils s'avanceraient sur Paris; ils avaient longtemps hésité. Les chefs les plus prudents, craignant une Vendée impériale, avaient parlé de se retirer sur le Rhin; et la réunion de toutes leurs forces ne leur paraissait pas moins nécessaire pour effectuer une telle retraite que pour marcher en avant : mais sur ces entrefaites, des émissaires secrets étaient arrivés de Paris (1), ils

avaient apporté la nouvelle qu'un puissant parti attendait les alliés ; dès lors toute irrésolution avait cessé. Certain d'avoir la trahison pour auxiliaire, l'ennemi avait choisi pour la première fois le parti le plus hardi, et le 23 mars au soir une proclamation qui annonçait à la France la rupture des négociations de Châtillon, et la réunion des deux grandes armées européennes, avait publié la résolution des alliés de s'avancer en masse sur Paris (1).

>> plus extrême difficulté. Le premier qui ait >> triomphé des obstacles fut M. de Vitrolles, et » c'est par lui que les ministres des grandes >> puissances commencèrent à acquérir des » connaissances positives sur l'état des affaires » intérieures, qu'ils ignoraient tout à fait. >> (Extrait du récit historique publié par M. de Pradt sur la restauration de la royauté, pages 30, 31, 32 et 47.)

Pour achever d'éclaircir cette époque décisive de la campagne, nous finirons par la déclaration que M. Wilson, témoin oculaire, a

(1) Depuis la rupture des conférences de Châtillon, le Czar avait reçu du sein de Paris même la première communication un peu authentique de la situation réelle de cette capi-publiée, page 91 de son écrit, sur cette camtale, etc. (Beauchamp, tome II, page 139.)

pagne. « Les alliés se trouvaient dans un cer>>cle vicieux, d'où il leur était impossible de » se tirer, si la défection ne fût venue à leur » secours. Ils étaient hors d'état d'assurer leur >> retraite, et cependant obligés de s'y déter» miner. Cette défection favorable à leur cau» se, et qui, à ce que l'on croit, était préparée » de longue main, fut consommée au moment » même où les succès de Bonaparte semblaient >> hors du pouvoir de la fortune; et le mouve>> ment sur Saint-Dizier, qui devait lui assurer >> l'Empire, lui fit perdre la couronne. »>

(1) Ce fut vers cette époque que le cabinet de Londres commença à dérouler le plan dans la connaissance duquel il avait initié la Russie de

Si les révélations historiques de M. Beauchamp ne suffisent pas, nous pouvons y ajouter les aveux précieux échappés à M. l'abbé de Pradt : « Les alliés, se sentant sur un ter> rain tout neuf, au milieu d'éléments absolu» ment inconnus, désiraient s'appuyer des connaissances des personnes qu'ils supposaient » être les mieux informées de l'état intérieur » de la France. MM. de Talleyrand et de Dal» berg avaient fixé leur attention d'une ma>> nière plus particulière.... Quelque peu de ti» tres que je puisse avoir à partager cet honDneur, il m'avait été accordé. On avait poussé » l'attention jusqu'à pourvoir à notre ave» nir, s'il eût été compromis par les événe-puis l'ouverture de la campagne, et qui consis>>ments... Nos réunions avec les personnes ci> dessus citées continuaient toujours, et sou» vent plusieurs fois par jour. Le congrès de » Châtillon était notre fléau. Nous n'avons pas » laissé passer un jour sans miner, sans ébran» ler la domination de l'Empereur, et sans » chercher ce qu'il lui fallait susciter au jour » de sa chute. Les armées françaises se trou> vaient interposées entre Paris et les alliés, » les communications avec eux étaient de la

tait à replacer les Bourbons sur le trône de France. On en avait fait une espèce de mystère à la cour de Vienne, tant qu'on parut vouloir traiter avec Napoléon; mais dès qu'on eut amené les choses au point de rendre la rupture du congrès inévitable, on fit entrevoir à l'empereur d'Autriche que la France ne pourrait être ramenée dans ses anciennes limites, qu'autant que le rétablissement de la maison de Bourbon, en imprimant un mouvement

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