Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

au moment où la révolution belge, de 1789 fit explosion, siégeait au conseil de la ville de Gand. Les passions mises en éveil par l'initiative gouvernementale elle-même n'étaient rien moins que disposées à rentrer dans l'assoupissement dès qu'on se repentait en haut. Une conflagration donc était imminente, et prendre parti était malaisé. Van Huttem n'hésita pas; et quoique en général aux époques d'effervescence, la modération soit ce que F'on tolère le moins, se renfermant dans la stricte sphère de ses fonctions, il s'occupa de faire échouer en silence plus que de censurer avec éclat les excès de quelque part qu'ils partissent, et s'acquit ainsi l'estime, sinon de tous, au moins des sages et de ceux qui devaient en fin de compte devenir maîtres de la situation. Aussi fut-il choisi membre de la députation que Gand chargea de porter à l'archiduchesse Marie-Christine et au prince Albert de Saxe-Teschen, lors de leur retour, l'expression de sa joie et de ses vœux. Il ne tint pas à lui que cette restauration ne fût quelque chose de mieux qu'un replâtrage. Des courses assez fréquentes à Paris où nul n'a plus chance de faire bonne chasse que le furet de curiosités littéraires l'avaient initié aux modernes idées françaises, et il eût pu donner de bons conseils aux meneurs des affaires publiques à Bruxelles. Mais les vigoureux écoutent peu les clairvoyants. L'Autriche lança ses boulets sur la capitale de la Flandre française; la Flandre autrichienne subit bientot les représailles de la France. Dumouriez vainquit à Jemmapes; les intrigues intestines pullulèrent à Bruxelles et dans tous les grands centres belges; et malgré les efforts,

[ocr errors]
[ocr errors]

malgré la présence de François II en personne, venu pour traiter « avec M. de Robespierre et haper en eau trouble, avec le cercle de Bourgogne, le moindre lopin de territoire que la Convention lui céderait (les génies du conseil aulique en étaient encore là!) les habiles sentaient que le jour de l'annexion à la France n'était pas loin. Van Huttem, en loyal citoyen, fut un de ceux qui portèrent obstacle de tous leurs faibles moyens à la réalisation de cette chute de la maison régnante, et il se fit assez remarquer par ses efforts en ce sens pour être quelque temps comme séquestré en France, bien que l'on colorât la mesure en prétendant ne le garder qu'à titre d'ôtage jusqu'à paiement intégral de la contribution de guerre frappée sur les Belges par la conquête. Le 9 thermidor brisa ses fers. Redevenu libre, il ne bouda pas à toute outrance la domination nouvelle. Il sentait que le fait accompli l'année d'avant était irremédiable, ou du moins qu'une réparation, s'il devait s'en produire, se ferait longtemps attendre; et il comprit que, la dynastie partant, la patrie. restait. Il se voua donc corps et âme au culte de la patrie, profitant de la sécularisation de tant de couvents rayés du sol belge par l'épée passablement voltairienne alors des Brennus; il réunit les dépouilles précieuses, plantes, livres, manuscrits qu'en avait éparpillés aux quatre vents le caprice de Vandales qui n'étaient pas tous des Français. Et la bibliothèque publique et le jardin botanique de Gand lui doivent ainsi leur naissance; et si bien d'autres depuis marchèrent, de près ou de loin, sur ses traces, l'on ne saurait oublier de qui partit l'im.

[ocr errors]

pulsion. Ses compatriotes ne l'oublièrent pas les électeurs de Gand le portèrent, en 1797, au Conseil des Cinq-Cents, puis l'élurent membre dù Tribunat en 1802, et finalement le placèrent sur leur liste des candidats au Sénat conservateur en 1804. Nul doute que la voix du maitre n'eût sanctionné cette présentation, si Van Huttem, en Phocion, en grand homme de Plutarque, n'eût spontanément déclaré qu'il lui manquait trois ans pour avoir l'âge exigé par la Constitution. Il resta donc au Tribunat jusqu'à la suppression de ce corps, en 1808. Le rectorat de l'Ecole de droit de Bruxelles fut ensuite, soit la récompense de ses travaux, soit a consolation de son éloignement de la capitale de l'empire. Est-ce même avec regret qu'il la quittait? bien qu'il fût sincèrement l'ami de la France, on n'oserait répondre oui se rapprocher de sa chère ville de Gand avait toujours été son vou. Le roi de Hollande, en 1815, lui continua l'estime dont il avait joui pendant la période napoléonienne, et il n'eût tenu qu'à lui de poursuivre la carrière des honneurs. Il ne se prêta que mollement à ce qu'on avait dessein de faire pour lui. Désigné pour aller reconnaître et reprendre tant les manuscrits que les objets d'art rétrocédés par la France à la Belgique, dont ces trésors avaient en partie payé la rançon, il déclina cette mission inconciliable avec les liens qui l'avaient uni au Paris intellectuel et fit mieux que Canova qui, débutant comme lui par le refus, finit par mériter le sobriquet d'emballeur de la Sainte-Alliance. Peu de temps après il acceptait le poste (honorable et lucratif autant qu'honorable) de greffier de la 2 cham

bre des Etats généraux. Toutefois il trouva bientôt que les travaux de cette place, travaux auxquels le rendait éminemment apte son esprit d'ordre et d'exactitude étaient aussi monotones que minutieux (sur ce point nous ne pouvons nier qu'il eût trop complétement raison), et il donna résolument sa démission, au grand plaisir des concurrents pour lesquels les émargements à quatre chiffres chaque mois sont la félicité, que dis-je ? sont la gloire suprême. On aurait pu croire du moins que, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences et belleslettres de Bruxelles, il serait là dans un élément assez selon son cœur, pour passer par-dessus les inconvénients de la charge; il n'en fut rien non plus, et cette fois encore il laissa des dépouilles opimes à disputer à ceux qui trouvent all well, that's paid well. S'il eût été payé en tétradrachmes, en hyperpères, en nobles à la rose, peutêtre eût-il gardé son poste jusqu'au bout, car la numismatique le disputait en ses pensers au goût bibliographique et à celui des estampes. Les liens administratifs, au reste, ne furent pas les seuls dont il s'affranchit pour n'être pas gêné dans ses amours: il avait d'assez bonne heure, pris sa résolution de ne pas se marier. Ayant ainsi tout son temps à lui, bon connaisseur et à l'affût des occasions, il emplit sa maison de maints trésors, bien que nous ne prétendions pas qu'il faille juger de la qualité par le chiffre; et il réalisait au milieu des livres et des œuvres de la gravure, cette vie contemplative de l'intelligence toute à l'art et à la science, qui, l'on doit le reconnaître, était son idéal et qui plus que toute autre a chance d'échapperux commotions, aux déceptions

sérieuses. Il finit cependant par en éprouver de poignantes et d'amères. Il eut le malheur, vers 1827 ou un peu plus tard, d'aller, docile au suffrage des Gantois, siéger aux états généraux; et pour comble de malheur, en 1830, lors de la révolution qui scinda le royaume des Pays-Bas, il vit des mains sacriléges, les mains dés volontaires de Bruxelles transformer en cartouches ce qu'il avait de livres en cette ville. L'anéantissement de tant de richesses le plongea dans un ecablement, dans un marasme dont il ne se remit jamais complétement. Il survécut quatre ans encore pourtant, mais ombre de lui-même; et personne ne fut surpris, quand une apoplexie foudroyante l'acheva le 16 décembre 1832. Van Huttem, pendant son séjour à Paris, cultivait de préférence les savants et les bibliographes en renom, les van Praët, les dom Brial, l'abbé de Saint-Léger, et le bibliothécaire, Leblond. Il aimait à soutenir des jeunes gens qui venaient se perfectionner à Paris, plus libres, eux, de se livrer à leurs aspirations juvéniles qu'il ne l'avait été jadis, et il secondait, soit par ses libéralités, soit par ses conseils leurs etudes artistiques; il les réunissait parfois à sa table brillamment servie en ces jours de fête, et aux deux services obligés, il annexait parfois des discours toujours relatifs aux objets du culte commun. Ne nous étonnons donc pas que van Huttem ait trouvé un biographe, M. Voisin, le même à qui nous devons et le catalogue de sa bibliothèque, Gand, 6 vol. in-8, 1836-37, et le Catalo que raisonné de dessins et d'estampes formant le cabinet de M. van Huttem, Gand, 1846, in-8, xx et 894 pages. Ce cabinet se composait de près de

30,000 pièces. La bibliothèquè, indépendamment des manuscrits, formait à peu près un total de soixante-dix mille volumes, dont beaucoup avaient leurs marges chargées d'annotations instructives ayant trait, les unes à la géographie et à l'histoire, les autres à la bibliographie ou à la littérature de la Belgique. Les cartouches n'avaient donc pas tout absorbé! Le gouvernement belge fut à même d'enrichir encore bien des bibliothèques publiques en acquérant ce qui restait de celle de van Huttem. Qué si l'on vient nous demander si les œuvres de l'ex-propriétaire de ces myriades de livres en augmentaient beaucoup la masse, nous sommes forcé de répondre par la négative. Nous l'avons vu muet au barreau: muet il fut au conseil des CinqCents; et il ne lut que quelques rapports, très-pertinents du reste et forts de choses au Tribunat. Ecrivain, il le fut tout aussi peu qu'orateur. S'il encouragea les littérateurs, ce ne fut pas par son exemple, personne moins que lui ne fut travaillé de ce que le bilieux Juvenal nommescribendi cacoethes. En cherchant bien pourtant, on pourrait trouver de lui jusqu'à trois, peutêtre jusqu'à quatre discours tirés à part deux avaient été prononcés en 1806 et 1807, à ces banquets où les jeunes artistes, ses compatriotes, portaient avec ses vins des toasts à l'art et à leur Mécène; un autre, datant de 1826 et par lequel il ouvrit la distribution des prix à l'Académie royale de peinture et de sculpture de Bruxelles, peut être consulté par qui serait curieux de constater le mouvement de l'art en Belgique et contribuer à fournir des éléments à son histoire; mais mieux vaut encore, à tous égards,

son Rapport sur l'état ancien et moderne de l'agriculture et de la botanique dans les Pays-Bas, prononcé le 29 juin 1817 à l'Académie des sciences et belles lettres de Bruxelles. Ce n'est pas écrit; mais les faits intéressants, fruits de consciencieuses et laborieuses recherches, s'y pressent en foule et démontrent saus réplique quel observateur, quel praticien même était le fondateur du jardin botanique de Gand. VAL. P.

VANIER (VICTOR - AUGUSTIN), laborieux et utile grammairien, appartenait, par la date de sa naissance (21 février 1769), à cette fameuse année pendant laquelle la nature semble s'être mise, plus qu'à toute autre époque, comme en dépense de grands hommes futurs : nous ne prétendons pas leur comparer Vanier; mais, ne fût-ce que comme curieux hasard, nous signalons la coïncidence. Enfant de Surène, il fit ses études chez les Bénédictins de Saint-Germain-desPrés, et s'y montra plutôt studieux élève que lauréat brillant: il ne fut pas héros de concours. Il n'avait que peu ou point de fortune en perspective: il fut donc heureux d'entrer dans les bureaux où nous le verrons figurer durant dix-neuf à vingt ans (1791-1810). Il changea fréquemment de ministère pendant ces quatre lustres après avoir débuté à la justice, à la seconde division, qu'on nommait aussi division de l'envoi des lois, il dut passer à l'intérieur en qualité de simple sous-chef au conseil des mines, d'où finalement il fut reversé sur le ministère de la guerre. Son premier titre, y fut celui de contrôleur du service des vivres. Tout Annibal que fût le maître, il n'était pas toujours loisible alors

aux employés de s'endormir dans les délices de Capoue; et Vanier non-seulement quitta bientôt Paris, mais vit bien du pays avant d'y remettre les pieds. Il était, en 1805, à l'armée des Pyrénées-Orientales comme chef des équipages. De la frontière espagnole, il fut expédié (l'année se devine d'elle-mème,... 1809) à l'armée des provinces Illyriennes, auprès de laquelle il reprit son ancienne spécialité de contrôleur du service des vivres. Le contact des Dalmates, Morlaques et autres Croates ou Pandours, n'eut que peu de charmes pour lui; et, dès l'année suivante, il demanda sérieusement, non un avancement, non son changement, mais purement et simplement sa retraite. Jouissant alors de tous ses moments et ne dépassant que de peu la quarantaine, il ne comptait pas comme tant d'autres stagner dans un monotone repos. Au temps même où l'on ne pouvait voir en lui qu'un des rouages du grand moulin administratif, il sentait le besoin de secouer la poussière des bureaux et de ne pas rester, ainsi que tant de rapports mort-nés et tant de dossiers, enseveli dans les cartons du ministère. Il lisait,... et, chose assez rare, vu les temps et les circonstances, pour un quasi-militaire, il ne lisait rien de la famille des Barons de Felsheim ou de Caroline de Lichtfield. Condillac faisait ses délices, Giraud-Duvivier et le président de Brosses étaient ses amours; sans goûter plus qu'on ne la goûtait en ces années de grâce 1804-1810 la métaphysique proprement dite, il se passionnait insensiblement pour la métaphysique du langage, et naturalisé citoyen de la république des lettres, c'est à la grammaire seu

ement, mais à la grammaire transcendante qu'il voua ses veilles. Il y prit très-vite son rang. Dès avant la fin de 1810, il professait, autorisé par le ministre de l'intérieur, des cours publics à l'Oratoire. Un peu plus tard, il imagina de donner chez lui des « soirées grammaticales >>... elles ne laissèrent pas d'avoir le retentissement un peu modeste que pouvaient avoir des séances si peu musicales, si peu dansantes des membres de l'Institut s'y rendaient, Mercier notamment et l'abbé Sicard, dont exactitude à elle-seule était un éloge pour celui qu'ils visitaient; beaucoup de membres de l'Académie grammaticale, fondée en 1807 par Domergue, et reconstituée en 1810 sous le titre de Société grammaticale, y assistaient également. A vrai dire, la société (comme l'Académie naguère, après la mort de Domergue), était tombée en langueur; et à la léthargie de la phase précédente, semblait devoir sous peu succéder la mort. On ne peut nier que les efforts de Vanier, n'aient, plus que toute autre coopération, ranimé le feu sacré. Grâce à sa persévérance, la savante compagnie, en janvier 1814, renaquit de ses cendres, se créa des resSources budgétaires, et en vint à publier, à partir d'avril 1818, un recueil périodique (les Annales de grammaire). Vanier, ce n'était que justice, en eut souvent la présidence. Ce qui caractérise surtout Vanier, c'est, tout en sachant se préserver de l'exagération qui compromet tout, en se déclarant, par exemple, contre le radicalisme de la réforme orthographique de Marle (Voy. plus bas à la Bibliographie, n° vin), c'est, disons-nous, sa perpétuelle tendance à l'extrême sim

plicité, qu'il atteint souvent et dont il approche toujours. Nul, mieux que lui, n'a compris que simplifier c'est perfectionner; que le mécanisme qui prouve le plus de génie, c'est le mécanisme le plus simple. Son but constant, c'est donc de renvoyer sous la remise les machines de Marly dont n'était que trop encombrée la grammaire. Il en a brisé plus d'une, loué en fin de compte par ceux mêmes qui d'abord l'avaient trouvé mal fondé dans ses assertions, téméraire dans ses aspirations. Longtemps l'abbé Sicard avait brillé à la tête de ceux qui défendaient la voyelle complexe, ou, si l'on veut, la diphthongue oi contre ce qu'on appelle fort gratuitement l'orthographe de Voltaire ; l'argumentation pressante et serrée en même temps qu'émaillée d'exemples choisis, par laquelle Vanier soutint les ai, non-seulement triompha de la résistance de son illustre antagoniste, mais encore le détermina, séance tenante, à se reconnaître néophyte de la doctrine qu'il venait de combattre et à s'en offrir comme un futur champion à l'Académie française. Il a, sinon le premier, du moins un des premiers, proclamé que les quatre conjugaisons peuvent se réduire à une seule, et même il a voulu (ce qui pourra sembler outré, mais ce qui n'en confirme pas moins ce que nous avons dit de son besoin de simplifier partout et toujours), que le type unique des quatre formes fût le verbe « être. » La théorie des participes, si compliquée, si chargée d'exceptions, et qui nécessite tant d'explications où l'obscurité le dispute à l'arbitraire, se résume chez lui par une seule règle, laquelle tient à ce qu'il croit qu'il n'existe en notre langue qu'un seul

« ZurückWeiter »