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Cependant la souveraineté nationale est tellement enracinée dans les esprits que le sénat, tout lâche et servile qu'il est, ne rappelle l'ancienne dynastie que sous la condition QU'ELLE acceptera et JURERA LA CONSTITUTION, et sous la condition encore que ce rappel et cette constitution seront FORMELLEMENT RATIFIÉS PAR LE PEUPLE FRANÇAIS Consulté dans la forme qui sera déterminée, et que le roi réitérera son serment dans la SOLENNITÉ où il recevra celui des Français.

Ce n'est qu'à ces deux conditions que le corps législatif adhère à la déchéance de l'empereur et au rappel de l'ancienne dynastie royale.

Ce n'est aussi qu'à ces deux conditions qu'Alexandre, qui a provoqué cette constitution et avec qui elle est concertée, consent à laisser les Bourbons entrer après lui dans Paris.

Mais les perfides dissimulent et caressent d'abord la nation.

Le comte d'Artois à Vesoul, le duc d'Angoulême à Bordeaux, promettent la liberté, l'abolition de la conscription et des droits réunis. Le premier prend l'habit de garde national; il assure que rien ne

sera changé, et que la patrie comptera seulement quelques enfans de plus. Il entre à Paris le 12, sous le titre de lieutenant-général du royaume à lui conféré par son frère.

Pour lui plaire, Talleyrand substitue dès le lendemain la cocarde blanche à la cocarde tricolore, contre l'avis des chefs de la garde nationale.

Le 14, le sénat, reconnaissant son titre de lieutenant-général du loyaume, l'investit du gouvernement provisoire, en attendant que Son frère ait ACCEPTÉ la Charte constitutionnelle, et par conséquent toujours sous la condition qu'il l'acceptera.

Ce lieutenant-général s'empresse de faire, le 23, ce que Napoléon a refusé au congrès de Châtillon, c'est-à-dire d'abandonner aux alliés la Belgique et toutes les acquisitions territoriales faites depuis le premier janvier 1792.

Ce traité et celui du 30 mai enlèvent à la France cinquante-une places fortes, douze cents bouches à feu, trente-un vaisseaux de haut rang avec douze frégates, c'est-à-dire une valeur de plus de deux cent soixante millions.

Arrivé à Compiègne le 28, puis à Saint-Ouen, Monsieur semble vouloir reparaître en maitre absolu : mais Alexandre n'y veut pas consentir; et, le 2 mai, le futur roi déclare que le gouvernement représentatif sera maintenu tel qu'il existe, qu'il adopte les bases de la constitution présentée, et qu'il l'acceptera après qu'on aura corrigé quelques imperfections d'une RÉDACTION trop précipitée. Ce n'est qu'alors qu'il entre à Paris, le 3 mai.

Rien n'est plus mieilleux, rusé et menteur à la fois, que ses proclamations: c'est l'amour de son peuple qui l'a rappelé, quoiqu'il ait dit au prince régent d'Angleterre que c'est de lui qu'il tient son trône et sa couronne ; la France entière gémissait depuis vingt-trois aus de son absence; c'est un père que le ciel rend enfin aux de ses enfans; c'est un gouvernement paternel qui ramène la liberté, la gloire et le bonheur avec l'ordre et la paix.

vœux

La plupart des nobles, des prêtres, des émigrés et des anciens contre-révolutionnaires, veulent qu'on rétablisse entièrement l'ancien régime, les priviléges, les parlemens, le pouvoir absolu.

De Villèle, membre du conseil général du département de la Haute-Garonne, écrit un long mémoire pour que le roi n'accorde ni constitution ni Charte.

Les vieux généraux de Napoléon, gorgés d'or, de titres et d'honneurs, préfèrent le nouveau maître qui les caresse et leur apporte du repos et la paix.

Les libéraux....

Qu'est ce mot libéral,

Que des hommes d'un nouveau calibre

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Les libéraux, dis-je, aristocrates quasi-patriotes, qui courbaient volontiers la tête sous le joug impérial, la courberont facilement encore sous un joug moins lourd qui leur garantit le triomphe de l'a: ristocratie.

Mais les vieux patriotes, quoique refroidis par l'âge, s'indignent et s'alarment, tandis que toute la génération nouvelle jusqu'à trente ou trente-cinq ans, élevée dans l'ignorance ou la haine de notre révolution jusques-là défigurée et calomniée, est comme étourdie d'apprendre qu'il existe un comte d'Artois, un duc d'Angoulême, une fille de Louis XVI, un duc de Berry, des princes de Bourbon et de Condé.

Plus tard, la jeunesse, mieux instruite et mieux éclairée, s'élancera dans l'opposition avec tout l'enthousiasme que peut inspirer à des cœurs généreux l'amour de la patrie et de la liberté. Mais aujourd'hui, elle reste surprise et émerveillée de tant de prodigieuses nouveautés.

Les uns vantent la prétendue bonté des Bourbons, et s'efforcent d'attendrir sur leurs malheurs : les autres ne peuvent croire que vingt-cinq ans d'exil et d'adversité n'auront été qu'une leçon inutile, et que vingt-cinq ans de triomphes n'auront pas consolidé la

révolution.

On espère la paix et la liberté, et ce double espoir ne laisse sentir ni la honte ni le malheur d'une restauration et d'une invasion.

Mais Talleyrand et Louis sont deux des nouveaux ministres : par ordre de ce Talleyrand, la cocarde et le drapeau de la révolution ont déjà disparu devant la cocarde et le drapeau de l'ancien régime; la constitution présentée par le sénat, sacrifiée par ce même Talleyrand, est maintenant remplacée par une ordonnance de réformation, par une CHARTE OCTROYÉE et non soumise à l'acceptation du peuple; le roi s'intitule Louis XVIII, prétendant que, malgré les décrets de la convention nationale, le jeune fils de Louis XVI a régné depuis 1793 à 1795 sous le titre de Louis XVII; il se dit roi par la grâce de Dieu seulement ; il déclare que la France était là où il résidait, qu'il était roi quoiqu'absent, exilé, même déchu, et que son règne date de dix-neuf ans ; enfin, dans un préambule aussi menteur qu'insolent, l'absurde légitimité du droit divin remplace la souveraineté nationale.

N'est-ce pas abuser de la présence des baïonnettes étrangères et violer ses promesses? N'est-ce pas opérer la contre-révolution? N'est-ce pas flétrir la révolution comme une révolte, déclarer la nation criminelle, la blesser et l'outrager ?

Hé! qu'importe que le sénat et le corps législatif aient la lâcheté

d'abandonner la constitution qu'ils viennent de faire, et de sacrifier ce qu'ils regardent eux-mêmes comme étant les droits, l'honneur et le repos du pays?

Qu'importe que le député Durbach (de la Moselle)'ait seul protesté contre la Charte, comme le tribun Carnot contre l'empire?

Dans son discours devant ces deux corps, le nouveau chancelier reconnaît que le premier a déjà cessé d'exister avec la puissance qui l'avait établi; que le second n'a plus que des pouvoirs incertains et déjà expirés pour plusieurs séries; et que le roi ne les a consultés que comme les notables du royaume.

Mais la nation n'est pas consultée, ne consent à rien, ne reçoit et ne donne aucun serment: la Charte octroyée est donc radicalement illegitime et nulle; la restauration n'est donc que la plus manifeste des USURPATIONS.

Encore, si cette Charte était populaire dans ses dispositions! Mais elle n'a été rédigée, par Louis XVIII, que dans l'intérêt de la royauté et de l'aristocratie: méconnaissant tous les droits consacrés par la constitution de 1791, elle méconnaît même ceux que voulait consacrer le sénat dans sa constitution du 6 avril, qui proclamait la souveraineté nationale et la nécessité de l'acceptation populaire, qui donnait exclusivement au sénat et au corps législatif l'initiative des lois et au corps législatif l'initiative des impôts, et qui reconnaissait à tous les corps le droit de nommer leurs présidens. Cette Charte ne constitue qu'un simulacre de représentation nationale; car il faudra être âgé de quarante ans et payer 1,000 fr. d'impôt pour être éligible, avoir trente ans et payer 300 fr. pour être électeur, c'est-à-dire que cent mille bourgeois privilégiés auront seuls des droits politiques et que le peuple en masse sera traité comme un ramas d'ilotes.- Du reste, le roi a seul l'initiative et la sanction des lois ; il nomme seul tous les présidens et tous les fonctionnaires, en s'appuyant sur une chambre des pairs, choisie par lui, dont le vote peut paralyser celui de la chambre des députés. C'est rétrograder jusqu'à la séance du 25 juin 1789, dans laquelle Louis XVI imposait le vote par ordres.

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Cette Charte, illégitime et nulle, est donc en même temps illibe rale, anti-populaire, oppressive. C'est une déception, un mensonge! L'ancien régime offrait plus de liberté! Mieux vaudrait la monarchie franchement absolue!

Cependant, si l'on veut l'exécuter loyalement, l'esprit de liberté a désormais tant de puissance que la nation trouvera, dans son exécution, le moyen de l'améliorer et de reconquérir légalement et pacifiquement tous ses droits : elle se résignera peut-être à la tolérer et les Bourbons avec elle.

Mais elle est bientôt éludée par les interprétations les plus jésui

tiques: Parce que la religion catholique est déclarée la religion de l'Etat, l'on interdit le travail à tous les citoyens les jours de fêtes et les dimanches; parce qu'on peut faire des lois pour réprimer les abus de la liberté de la presse, on établit la censure préalable: réprimer, dit-on, c'est prévenir.

D'un autre côté, toutes les promesses sont violées : non seulement on rend aux émigrés leurs biens confisqués et non vendus, mais on proclame que les émigrés seuls ont suivi la ligne droite, et l'on annonce l'intention de leur rendre leurs biens vendus; on annoblit le père de Georges Cadoudal, anciennement condamné à mort pour avoir tenté d'assassiner Bonaparte; et, sur la proposition du maréchal SOULT, on élève un monument aux émigrés débarqués à Quiberon pour attaquer la patrie: en un mot, le roi paraît être le chef des contre-révolutionnaires plutôt que le roi des Français.

L'espérance disparaît alors on se rappelle tout le passé, les intrigues, les perfidies, les parjures d'une coupable faction: on demeure convaincu qu'elle n'a rien oublié ni rien appris, qu'elle est incorrigible, et qu'elle veut, à l'aide des mêmes moyens, tenter d'accomplir les mêmes projets.

L'indignation publique va peut-être éclater; peut-être le duc d'Orléans va-t-il être substitué à la branche aînée, quand Napoléon, profitant encore une fois des dispositions populaires, apparaît sur le rivage de Cannes.

C'est l'émigration qui fournit elle-même à ses proclamations leur foudroyante éloquence, et les transports des soldats et du peuple à son aspect manifestent moins leur enthousiasme pour lui que leur haîne contre l'ancien régime.

Vainement, dès le 8 mars, dans un ordre du jour à l'armée, le maréchal SOULT, ministre de la guerre, s'écrie-t-il : « Que veut « Bonaparte? Des traîtres? Où en trouvera-t-il?........ Nous méprise«<t-il assez pour croire que nous pourrions abandonner un souve<< rain LÉGITIME et BIEN AIMÉ, pour partager le sort d'un homme qui <«< n'est plus qu'un aventurier?.... Soldats, l'armée sera fidèle.... ralliez-vous autour de la bannière des lys, à la voix de ce père du << peuple, de ce digne héritier des vertus du grand Henri.... Il met « à votre tête ce prince (Charles X), modèle des cheVALIERS FRAN« ÇAIS, dont l'heureux retour dans sa patrie a déjà chassé l'usur« pateur... »

Vainement les Bourbons, craignant on ne sait quoi, retirent-ils, peu de jours après, leur confiance et le ministère à ce fidéle maréchal.

Vainement appelient-ils à leur secours des pairs et des députés qu'ils qualifient de pouvoirs légaux, vainement invoquent-ils une Charte qui n'a été qu'octroyée, et que leurs députés même leur reprochent d'avoir violée; vainement lui prodiguent-ils, le 16, de

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