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du sang dans les rues adjacentes; ciel! que de sang! que de blessés ! que de morts! Que sont-ils devenus? La Seine, roulant leurs cadavres sous les filets de Saint-Cloud, leur donnera-t-elle l'Océan pour tombeau...? Quels sont leurs noms...? Quelle est cette femme.... ? Qui sont-ils? N'ont-ils pas laissé des lits qui les attendent encore? N'ont-ils ni concitoyens, ni amis, ni frères, ni pères.....? Ils n'ont donc pas de sœurs? Ils n'ont donc pas de mères..... ? Hier, à cette heure, on a vu des sergens de ville embusqués dans les ruelles voisines, aux deux extrémités du pont... Qu'y faisaient-ils? Guettaientils leur proie....? Quels sont les assassins?.... Quoi! la justice ne répond pas! Desmortiers, qui poursuit avec tant d'ardeur un mot, une phrase, des jeunes gens, des députés; Desmortiers ne le sait-il pas encore? Et le roi, père de la jeunesse............ qui s'est dit à elle à la vie et à la mort.... le roi ne sait rien....! Epouvantable mystère!.... Affreuses ténèbres! Horrible nuit!.... La police, aux yeux d'Argus, ne sait rien....! Mais qu'entends-je?.... Ils ne feront plus d'émeutes! - Ecoutons; Figaro va parler : La république a fait le PLONGEON.... La république Nage entre deux eaUX........!

Barbares! Et vous osez parler de 93...!

Et des passans sont au nombre des victimes!

Mais où est donc la civilisation, la sûreté personnelle, la sécurité publique? Quel ouvrier, quel garde national, quel citoyen riche ou pauvre, quelle mère accompagnant sa fille, peut avoir la certitude de ne pas se trouver au milieu d'une pareille boucherie, et de ne pas être clandestinement assassiné sur un pont ou dans une rue, le soir, en regagnant son domicile?

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Système de prétendue légalité. Nombreuses violations de la Charte et des lois.Etat de siège.

Le 5 août, nous l'avons vu (page136), le duc d'Orléans déclare mauvais citoyen celui qui n'obéit pas à la loi: il pousse le respect pour la Charte, non pas jusqu'à refuser la place de Charles X et d'Henri V, mais jusqu'à consentir à nommer lui-même le président de la chambre des députés, uniquement parce que la Charte donne ce pouvoir à Charles X.

Le 9 août, il jure de ne gouverner que par les lois, et selon les

lois.

Depuis, Louis-Philippe et ses ministres ne parlent que de légalité; ce sont eux qui invoquent à chaque instant la légalité, comme

si les patriotes n'en voulaient pas, comme si ce n'était pas eux au contraire qui repoussent l'arbitraire et réclament l'empire de la loi.

Mais cette affectation d'amour pour la légalité n'est-elle pas une ruse du juste-milieu, une véritable déception ?

Ne sont-ce pas souvent les despotes et les tyrans qui parlent le plus de légalité? N'est-ce pas au nom de la légalité que Louis XVIII et Charles X ont cent fois violé la Charte et les lois? N'est-ce pas au nom de la Charte, et sous prétexte d'en assurer à jamais les bienfaits, que les criminelles ordonnances du 25 juillet ont déchiré cette Charte?

Et vous? voyons.

Louis-Philippe n'a-t-il pas aussi violé la légalité quand il a reçu pendant dix-huit mois une liste civile d'environ 37 millions qui n'était pas votée; quand il a nommé directement les maires dans les départemens de l'Quest; quand il a nommé des pairs avant la révision de l'article 23; quand il a choisi des mineurs pour les revêtir de la pairie; quand il a invoqué une disposition transitoire de la Charte de 1814 pour refuser de réviser les pensions irrégulièrement accordées aux émigrés et aux chouans; quand il a interdit des représentations théâtrales; quand il a ressuscité un édit de 1666, pour punir les médecins de garder des secrets dont la révélation au contraire serait punie par le code pénal; quand il a déclaré qu'il n'exécuterait pas les lois à l'égard de la duchesse de Berry?

....

N'a-t-il pas surtout violé la constitution et les lois quand, à Paris et dans la Vendée, il a lui-même déclaré l'état de siége, distrait des citoyens de leurs juges naturels pour les livrer aux tribunaux militaires, sans même respecter le principe sacré de la non-rétroactivité ?

Oui, après moins de deux ans de règne, Louis-Philippe a déchiré la Charte aussi manifestement que Charles X, et bien plus manifestement même, car il l'a déchirée après la révolution, après les imprécations de la France entière lancées contre le parjure de son prédécesseur, après l'expulsion du roi coupable et la condamnation de ses ministres, après l'introduction dans la Charte de dispositions destinées à prévenir de pareilles violations, après une victoire, et sans aucun prétexte de nécessité, quand rien ne pouvait servir d'excuse, quand tout signalait la mise en état de siége comme un criminel renversement de la constitution et des lois, et tes ordonnances de juin comme plus inexcusables encore et plus odieuses que celles du 25 juillet.

§ 32. Système de liberté individuelle.

Justice.

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« Je jure, dit Louis-Philippe le 9 août, de faire rendre bonne et « exacte justice à chacun selon son droit. >>

« Il est juste (dit Barthe dans son discours du 12 août, après << avoir fait un pompeux éloge du peuple); il est juste que désormais, << depuis le premier jusqu'au dernier échelon de la police judiciaire, <«< chacun, tout en remplissant les devoirs rigoureux résultant d'une << nécessité impérieuse, comprenne bien néanmoins les égards que « l'on doit à tout prévenu, le respect que l'on doit à cette dignité « d'homme dont les condamnés eux-mêmes sont rarement tout-à« fait déchus, et le prix de cette liberté personnelle à laquelle les « mesures provisoires ne doivent porter atteinte qu'avec la plus sage circonspection. >>

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Voilà les promesses.

Eh bien! la restauration s'est-elle jamais jouée avec tant d'impudence et d'inhumanité de la liberté des citoyens et de la sainteté du domicile?

La police faisant d'innombrables arrestations et arrêtant les citoyens sans preuve; pénétrant dans les domiciles et fouillant tous les papiers les plus secrets, même des membres de la représentation nationale; entassant les inculpés (réputés innocens) dans des lieux étroits et infects, sans feu, sans air, sans lits et souvent sans pain; mêlant l'écrivain et l'accusé politique avec le voleur et l'assassin, la malheureuse mère de famille avec la prostituée; les gardant arbitrairement des semaines et des inois avant de les livrer aux magistrats; un infame panier à salade pour transporter les prisonniers, une infâme souricière pour les recevoir en attendant l'interrogatoire; des quatre, six, huit, dix mois de détention provisoire en attendant un jugement qui déclare l'innocence; d'infâmes espions jetés au milieu des cachots pour trahir la confiance de l'infortune; de barbares agens accablant d'outrages et de violences leurs prisonniers désarmés; des innocens ruinés, désespérés, malades, mourant dans la prison; enfin, des condamnations d'une impitoyable rigueur, voilà le spectacle que présentent aujourd'hui la justice et la police! voilà les égards qu'on a pour l'homme et pour le citoyen, pour la liberté et pour l'humanité!

Du reste, le sanctuaire de la justice est-il respecté du pouvoir? Quand il s'est agi de juger certains accusés politiques, l'accusateur et le juge n'ont-ils pas été appelés, pendant la nuit, par une voix à laquelle il est difficile de résister, et devant laquelle l'indépendance

a besoin de tout le courage de la vertu? Et quand soixante magistrats réunis ont presque unanimement sanctionné la mise en état de siége, la distraction des juges naturels, et la violation du principe de non-rétroactivité, le bruit adroitement répandu d'une prochaine réorganisation de la cour n'a-t-il pas eu d'influence sur ce trop mémorable arrêt?

§ 33.

Système envers la liberté de la presse.

Amis de la révolution, soutenez la presse; ennemis, détruisez-la ; car c'est elle qui a préparé et provoqué l'insurrection de juillet. Quels sentimens inspire-t-elle à Louis-Philippe? Voyons :

Il n'y aura plus de délits de la presse, » dit le duc d'Orléans, le 31 juillet, à l'Hôtel-de-Ville.

S'il y en a, dit la Charte du 7 août, ils auront la garantie du jury.

Les poursuites seront bien rares, dit le nouveau procureur du roi Barthe, dans son discours d'installation du 12 août : nous n'intenterons de procès que quand l'évidence du délit en imposera la nécessité.

La presse, à qui Louis-Philippe doit en partie sa couronne, et qui, pendant long-temps, trop confiante comme la nation, appuie le gouvernement naissant, mérite qu'on soit fidèle à ces promesses. Mais la presse ouvre enfin les yeux et aperçoit le danger : elle cesse d'approuver et de louer; elle avertit, critique, attaque; on l'appelle alors la mauvaise presse; on la hait; on voudrait l'anéantir, et les persécutions de la restauration recommencent contre elle. Que dis-je ? Jamais la restauration n'a montré tant d'acharnement contre les écrivains indépendans, et tant de partialité pour les soudoyés de la police. Non-seulement les journaux sont saisis presque chaque jour, mais les écrivains sont arrêtés, jetés dans des cachots, mêlés à des voleurs, traduits devant les conseils de guerre, menacés de la mort; les imprimeurs sont poursuivis, les presses sont confisquées ou brisées; la Tribune est saisie soixante fois en deux ans. A-t-elle le courage de défendre le trésor public et l'industrie française en dénonçant les scandaleux achats de fusils anglais, ou bien de citer l'histoire en réponse à d'imprudentes flatteries; on s'efforce de la ruiner par d'excessives amendes, dont l'une s'élève jusqu'à 13,000 fr.; et cependant, sur soixante saisies de la police, cette justice, si rigoureuse, reconnaît que cinquante n'avaient aucun motif. Et ce n'est pas la plus odieuse vexation! ce n'est pas le plus scandaleux.

abus du pouvoir ! Et vous osez vous vanter de votre respect pour la oi, pour la liberté de la presse, pour le droit sacré de propriété ! Mais pourquoi donc cet acharnement tout particulier contre la Tribune? Est-ce parce que, dès le 30 et le 31 juillet, tandis que presque tous les journaux baissaient pavillon devant le duc d'Orléans, la Tribune seule eut la pensée de lui faire opposition en demandant non pas qu'il fût exclu, mais que la nation fût consultée pour le choisir? Sa prévoyance, son courage et sa constance, qui doivent être un titre à l'estime des patriotes, sont-ils des crimes aux yeux du juste-milieu ?

Du reste, c'est la presse que le despotisme redoute le plus ; c'est elle que les despotes veulent étouffer en Allemagne; et, si l'on en croit certaine révélation, Louis-Philippe aurait secrètement excité l'attaque dirigée maintenant contre elle par ses alliés : c'est la presse de France surtout qu'on veut empêcher de crier garde

à vous!

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§ 34. Faits particuliers caractérisant la marche contre-révolutionnaire du gouvernement.

Nous avons déjà vu la conférence entre cinq députés et les pairs, le 30 juillet, la prière adressée au duc d'Orléans, son arrivée dans la nuit, sa confiance en Talleyrand le 31, sa proclamation, sa visite à l'Hôtel-de-ville, ses discours, son empressement à arrêter l'organisation de 20 bataillons de la garde nationale mobile ordonnée par la commission municipale, sa nomination comme lieutenantgénéral du royaume par Charles X le 1er août, l'abdication du 2, le dépôt de cette abdication, l'ouverture de la session le 5 août, la nomination du président de la chambre des députés par le lieutenant-général du royaume, le choix fait par lui de Cas. Périer pour président, le projet de baser l'élection sur l'acte d'abdication et d'appeler le nouveau roi Philippe V, la conservation de la Charte de 1814, sa révision en quelques heures, etc.

Nous avons vu les amis de la restauration et de la légitimité, c'est-à-dire les ennemis de la révolution, constamment appelés au ministère et dans les fonctions publiques, tandis que les patriotes, d'abord ménagés, sont ensuite repoussés et proscrits.

Nous avons vu les systèmes d'impopularité, d'ingratitude, d'aristocratie, de division, de corruption, de dissimulation, de tromperie, de mensonges et calomnics, de police, de violences, d'illéga

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